mardi 1 septembre 2020

JOHN LENNON & YOKO ONO : «DOUBLE FANTASY» (1980) - par Pat Slade



John Lennon avait disparu des écrans radar depuis cinq longues années quand un jour de novembre 1980, un album fit son apparition… le dernier !




Du Coming Up de McCartney au Coming Out de Lennon




Le 8 décembre, cela fera quarante ans que ce timbré de Mark Chapman (Qu’il crève en prison !) abat John Lennon de quatre balles de 38 à coté du Dakota building, la résidence de John et Yoko, peu de temps après que John lui ait signé son dernier album tout fraîchement sortie des presses «Double Fantasy».

Un silence de cinq ans entre le dernier album «Rock’n’Roll» et «Double Fantasy», un silence où après le fameux Week-end perdu, Yoko accepte que John revienne habiter avec elle, sous réserve qu'il respecte certaines conditions : Qu’il accepte de se soumettre à un régime macrobiotique sain, sans viande ni alcool, mais aussi de laisser sa femme gérer entièrement ses affaires. Yoko se retrouve enceinte et le jour du trente-cinquième anniversaire de John, naît Sean. Il va se retirer alors de la vie publique et musicale pour se consacrer à l'éducation de son fils.

C'est en entendant, en 1980, «Coming Up» de Paul McCartney (chanson issue de son album «McCartney II», album assez expérimental qui marchera plutôt bien) que Lennon aura envie de refaire de la musique, et, en août, il entre en studio. Evidemment Yoko sera de la partie, mieux (ou pire, c'est selon) elle partage littéralement l'album «Double Fantasy», propose 14 titres, et sur ces 14 titres (pour trois quarts d'heure de musique), la moitié est écrite et interprétée par Lennon, et l'autre, par Yoko. Yoko qui dans les albums de John est aussi bien accueillie que l’épidémie de gastro en hiver. Faire une face Lennon et une autre Ono aurait été risqué : il n'aurait pas été rare de trouver, chez les possesseurs du vinyle, une face Yoko toute clean et une face Lennon plus ou moins usées. Enfin de compte, ils mélangeront le tout, une alternance entre les titres de John et ceux de Yoko. Tout comme l’album «Some Time In New York City» (clic) il sera crédité à Lennon & Yoko.  L'album se vendra très bien, mais il faut préciser qu'il se vendra encore mieux après le 8 décembre, le contrecoup de la mort de Lennon faisant une sorte d'effet boomerang marketing morbide.

Ce n'est sans doute pas son sommet, mais «Double Fantasy» marque le retour de John et Yoko à la vie publique, l'album fait écho à leurs cinq ans d'absence et aux nouveautés de leur vie. Lennon ne prendra pas son vieux complice caractériel Phil Spector qui est en train de produire les Ramones, ce sera Jack Douglas à qui Lennon donnera des instructions bien précises pour recruter des types du même âge que lui, pas des jeunes lames comme New York en affûte par dizaines dans les clubs et studios de l’époque. Peu assuré avec sa voix, qu’il considère comme partiellement éteinte, John engage son producteur à utiliser sans retenue les dernières innovations technologiques, qui feront un malheur dans tous les sens du terme au cours des années 80 : des réverbs énormes mais bien moins incarnées que celles de Spector, des superpositions en mille-feuille pour masquer les éventuelles carences de la voix du maître.


Entouré de grosses pointures comme Earl Slick, Hugh McCracken, Tony Levin entre autre, John va sortir ses quatorze derniers titres. «(Just Like) Starting Over» (Ce sera comme repartir à zéro… !) Lennon entendait bien reprendre sa carrière sur de nouvelles bases. Chapman n’avait pas encore croisé sa route. «Kiss, kiss, kiss» ou Yoko dans ses délires vocaux ; ce n’est pas aussi mauvais que ce qu’elle faisait avant... Mais je ne vais m’arrêter, pour l’instant que sur ses titres à elle ; certains, comme «I’m Moving On» est un bon titre qui sonne très Lennon (normal !), ou sur la sympathique ballade façon années 30 «Yes, I'm Your Angel». Le très beau «Beautiful Boys» (Crédité à Yoko sur la face B mais c’est du John à 90%) dédié à Sean l'enfant qu'il a eu avec Yoko. «Every Man Has a Woman Who Loves Him» est écoutable. Même si Yoko imite très bien Nina Hagen ou Lene LovichKiss, kiss, kiss» et «Give Me Something») nous sommes loin du «Yoko Ono/Plastic Ono Band» en 1970 et de «Fly» en 1971. La partie de John Lennon sera du Lennon, que ce soit «Cleanup Time», «I’m Losing You», le beau «Watching the Wheels» avec un clip en forme de carte postale de John en papa poule et père au foyer. «Woman» l’ode à Yoko, Lennon l'a décrite  comme une version adulte de sa chanson «Girl», composée à l'époque des Beatles. «Dear Yoko», il avait déjà écrit sur sa muse japonaise, dans l’album «Imagine» avec «Oh Yoko !».

En 1984, Yoko commercialisera «Milk And Honey», disque comportant les "chutes" de studio des sessions de «Double Fantasy», avec douze titres, et là encore, la moitié d'elle et la moitié de John, en alternance la pochette propose une photo prise lors des mêmes sessions que «Double Fantasy» (En couleur). En 2010 est publié le double album «Double Fantasy Stripped Down», qui contient le disque original, plus une nouvelle version aux arrangements épurés. Si certains critiqueront  le fait de n'avoir que sept chansons de Lennon sur les quatorze, il faut avouer que les chansons restantes sont excellentes et ne dépareillent pas, et c’est moi qui dis ça alors que la voix de Yoko m’a toujours hérissé le poil. A croire qu’en vieillissant elle s’est bonifié comme un bon saké.

Quarante années après qu’il ait entendu son dernier 45 (Qui de plus était un Revolver 38 spécial), Lennon est toujours aussi vivant dans l’esprit des gens, Yoko n’est plus au top de sa forme et vit recluse au Dakota building. Le créateur d’imagine nous aura fait une double fantaisie avant de tirer sa révérence.




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