Ce
n'est pas tous les jours qu’on a la veine de tomber sur une salle, où le groupe
invite quelques paumés pour un concert intimiste. Avant de commencer, Jukin'
Bone nous fait un topo rapide, et pas franchement utile, vu que le groupe est
inconnu au bataillon. Je n’ai même pas le courage de vous réciter cette
pompeuse introduction prosaïque. Je n'ai jamais compris ce besoin chez les
musiciens de faire des phrases et, pour réadapter une célèbre réplique « Quand
tu veux jouer, tu racontes pas ta vie ».
D’autant
que le concept est alléchant, un groupe de Rock nous invite en direct à une
prestation qui constituera son premier album. On en revient ainsi à la base du
Rock, qui n’est rien d’autre qu’une poignée de mecs venus s’en prendre pleins
la figure, face à un groupe envoyant la sauce avec une spontanéité juvénile. Si
tu calcules trop, ça devient du jazz, et ce soir-là les guitares ont la
spontanéité primaire des plus grandes heures du MC5 et autres Stooges.
De
toute façon, les plus grands groupes n’ont jamais été aussi bons que lorsqu’ils
avaient le dos au mur, et étaient obligés de livrer leur disque dans l’urgence.
Led Zeppelin a produit ses deux premiers disques entre deux concerts, Jimmy
Page étant parfois obligé de finir ses solos dans le couloir du studio
d’enregistrement, et il n’a jamais fait mieux depuis.
La différence, c’est qu’il n’a pas enregistré
Led Zep I et II devant un parterre de jeunes curieux triés sur le volet. Nous
n’étions pas non plus, comme pour le MC5, une foule hystérique accentuant la
sauvagerie d’une prestation historique. Non, on était juste une bande de
veinards choisis pour assister au concert de ceux qui, le temps d’une soirée,
s’imposèrent comme le plus grand groupe du monde. Le romantisme de ces bars
crasseux ou le Rock est né était bien là, et on ne demande pas autre chose d’un
groupe de Rock dit « Hard ».
On
a d’abord droit à "Jungle Fever", sorte de "Hey Mona" sous
testostérone, qui plante le décor d’entrée. A l’image de ce premier morceau,
Jukin' bone a l’air de vouloir dépoussiérer les rythmiques vicieuses de ce bon
vieux Bo Diddley. Les guitares, elles, sonnent comme un Jimmy Page jouant en
compagnie de Fred Sonic Smith.
Sur
des rythmes Blues, les guitares dégainent des riffs déchirants, agrémentés de
solos minimalistes, qui augmentent la puissance des titres, sans diluer leur
énergie dans de longues démonstrations pompeuses. Et quand le groupe part dans
des Boogies marécageux, secouant les formules Groovy de ce bon vieux Muddy
Waters, sur un "The Hunter" qui renvoie Status Quo au bac à sable, il
explose définitivement toutes les expérimentations séniles, d’un Rock qui
commençait à sérieusement se regarder le nombril.
Je
peux vous dire que, après la claque que nous avons reçue, chaque homme présent
ce soir-là s’est rué sur le disque lors de sa sortie. Nous étions considérés
comme des fous, nous ruant sur le premier album de ces inconnus, alors que Led
Zep, Humble Pie, et Cactus se livraient une lutte brillante et sans merci pour
conquérir le sommet des ventes.
Nous,
nous savions que, cette année-là, ils étaient passés à côté du vrai
truc...
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Page de pub : on en profite pour placer ce lien, d'un magazine rock auquel participe Benjamin, avec ce mois-ci un gros dossier sur Dylan :
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