mercredi 6 mai 2020

PEBBLEMAN " Call of Fate " (2014), by Bruno



     L'affaire a été étouffée par les autorités, par crainte de débordement et de perte de contrôle d'une frange de la population. En effet, ce serait lors des épreuves éliminatoires des derniers Jeux Olympiques de 2016, que l'on aurait fait une découverte explosive.
Suite à quelques résultats hors normes de sportifs jusqu'alors inconnus, les autorités et des pontes du corps d'étude de la santé ont été alertés. Si les multiples tests organiques s'étaient révélés négatifs, il n'en fut pas de même d'une fouille minutieuse de leurs affaires et matériel. Ils ont fini par découvrir le pot aux roses. Un performant système émetteur relié à un récepteur miniaturisé sous la simple apparence d'une discrète prothèse auditive  afin de profiter d'une écoute soutenue - et en boucle - d'un disque en particulier, avant et pendant leurs épreuves. Ainsi, l'écoute de ce disque boostait de façon extraordinaire les aptitudes des athlètes. Un groupe produisant une musique anabolisante !? On aura tout vu.
Ces malheureux sportifs furent disqualifiés sans autre forme de procès.
Ces derniers ont pourtant clamé leur innocence. Certains affirmant mordicus que cela avait été "à l'insu de leur plein gré", quand d'autres revendiquaient simplement le droit d'écouter la musique qui leur plaisait.


     Suite à cette sombre affaire, récemment, des yeux se sont tournés vers l'équipe nationale de rugby d'Afrique-du-Sud, qui la même année, en 2019, a remporté sa troisième coupe du monde et le Rugby Championship. On chuchote dans les vestiaires - des honorables perdants - que les joueurs ont été galvanisés par une écoute intensive de Pebbleman. Avec des stages d'immersion. Avec une prédilection pour le second disque, "Call of Fate". Celui-là même qui avait été au cœur du scandale des J.O. 2016.


- Mais ... qu'est-ce que c'est au juste que ce Pebbleman ?

   ☛    PEBBLEMAN ? C'est le bébé de Richard Pryor - et en dépit de son homonyme américain et de son lieu de naissance, il est blanc de chez blanc et en bonus, n'a pas un poil sur le caillou -. Un guitariste phénoménal, qui a débuté son apprentissage aux sons du Hard-rock et du Heavy-Metal des années 70 et 80, avant de tomber dans le Blues et de s'y immerger. Diplômé de l'UCT College of Music (Université du Cap), avec une certification en Jazz (1). Il enseigne la guitare depuis de nombreuses années et apporte régulièrement sa contribution aux enregistrements de divers groupes du pays (pouvant aussi, à l'occasion, prendre la casquette de producteur). A
vec d'autres passionnés, il monte , un groupe de Blues / Blues-rock, en 1998, Boulevard Blues, pour le simple plaisir de jouer sur scène des reprises avec quelques morceaux personnels. Soucieux de voir la musique vivre en son lointain pays, l'Afrique-du-Sud, il fonde le "Blues meets Rock" qui organise et gère des concerts mensuels. Reconnu comme une sommité (dans son art), il est aussi sollicité pour diriger des festivals de musique Rock et Blues.

     Ce parcours lui donne une vaste culture musicale lui permettant d'être à l'aise dans bien des styles. Pryor s'est élaboré un son de guitare puissant et précis, d'apparence porté par une overdrive transparente - du style Crayon Full Range d'Electro Harmonix, Klon Centaur, Paul Cochrane Timmy ou JHS Red Remote - donnant souvent bien moins la sensation d'un son saturé que d'un clair copieusement chargé en stéroïdes. Une douce et solide sonorité crunchy que l'on pourrait traduire par du Rory Gallagher joué avec le matos de Satriani. Voire la fusion de Stevie Ray Vaughan avec Scott Henderson. Il joue sur Fender Stratocaster avec touche en palissandre, customisée d'un hot-rails bridge et amputée d'un ou deux (suivant le modèle) potentiomètres. Et sur une troisième, à l'apparence de vétéran (bien égratignée), avec manche maple-neck et un double en position bridge. Il dégage systématiquement la tige de vibrato.

     La géométrie variable de Boulevard Blues l'amène à faire un temps équipe avec Jesse Jordan. Un chanteur jouissant d'une bonne réputation, professionnel depuis l'âge de seize ans, qui officie déjà depuis 1999 avec son propre band,  ayant déjà trois disques à son actif. Un chanteur rare, débordant d'énergie et de générosité, parcourant aisément trois octaves en mariant caractère sauvage et sensibilité romantique d'écorché vif.

     Jordan et Pryor constituent une paire d'as, solidement complétée par un duo rythmique vivace et indestructible représenté par Rob Stemmet, bassiste de Boulevard Blues, et par Kevin Gibson à la batterie, issu du Jazz et qui a accompagné Johnny Clegg.
Ainsi constitué, ce quatuor captonien enregistre un premier album en 2012, "Life Inside a Dream", sans rien demander à personne, sur un label maison, Pryority Music. Les compositions comme la production (de Richard Pryor), toutes deux irréprochables, en font un des meilleurs albums coincés entre le Heavy-rock et le Blues-rock de l'année. Même si l'intéressé juge avec le recul qu'il aurait pu faire un peu mieux sur quelques chansons. Il est vrai que l'album est porteur de quelques menues faiblesses (dont "Baby Calls My Name").

     Le label indépendant new-yorkais, Grooveyard Records, amateur de guitares bluesy incandescentes (et assez bavardes) (2), est totalement séduit et offre ses services pour un deuxième chapitre. Ça tombe bien puisque Pryor en a encore suffisamment sous le coude pour réaliser un second. De plus, avec l'exemple du précédent produit fini, cela lui permet de rectifier le tir, d'améliorer quelques unes de ses chansons.

   Le résultat est là :  "Call of Fate" surgit telle la parole divine des cieux. Intemporel, quasi-parfait, majestueux, magnifique, audacieux ; en un mot, magistral.
Un grand, un très grand album de Heavy-rock intelligent, dynamique et classieux. Un objet rare à dénicher et à faire découvrir, que l'on peut raisonnablement ranger parmi les meilleurs réalisations du genre de l'année.

     Étonnamment, la troupe débute ce nouvel essai par un titre plutôt conventionnel. Bon, mais qui ne laisse en rien présager le feu d'artifice qui suit ; à moins que "Loaded" ne soit qu'un habile leurre pour rassurer et appâter le chaland craignant les sensations fortes. "Live or Die" est d'une toute autre teneur. On y découvre une bande de killers. Un batteur à la frappe nerveuse et sèche, distribuant des châtaignes à la manière d'un inspecteur Harry passablement courroucé ; un bassiste souple, véloce et solide comme un baobab ; et un chanteur qui a bouffé du lion.
Lors du break, relativement long, Pryor déroule paisiblement un solo bluesy raffiné qui mue progressivement en sulfateuse, envoyant des cartouches incendiaires en tout sens. Et en matière de cartouches en tout genre, la suite semble prouver que le déplumé en possède un stock inépuisable.
En dépit de son titre, "Love is a Powerful Thing" n'a rien d'une ballade ou d'une banale chanson sirupeuse. C'est une excellente composition de Philip Sayce, issue de son album "Peace Machine", reprise ici avec un peu plus de gnaque. Si Pryor est assez respectueux de la guitare de Sayce, ne s'autorisant qu'à modifier le grain, préférant quelque chose de plus hérissé et claquant au crémeux original, Jesse Jordan, lui, de par sa voix exceptionnelle, expédie le morceau dans la stratosphère.
En terme de reprise, la troupe avait précédemment repris le "Song of Yesterday" de Black Country Communion et "If Heartaches Were Nickels" de Warren Haynes (3)

   Le moment romance et lumière tamisée pourrait être "Energy" si ... d'un coup, comme un malotru, Pryor n'éclaboussait subitement et généreusement tout l'espace sonore, à l'aide d'une adipeuse et baveuse fuzz, de riffs crépitant et de soli déchirant. Le chant, lui, quasi imperturbable, garde son intonation propre à l'idiome des ballades (-rock) ; avec présentement d'ailleurs un petit quelque chose de Coverdale.
 

 "I've Got a Girl" est l'un des sommets de l'album - qui en comporte de nombreux ; une véritable chaîne de montagnes -. Cette chanson haletante fusionne le boogie ZZ-topien au Heavy-funk incisif de Stevie Salas. Une prouesse. Le solo trahit une influence blackmorienne insoupçonnée.


   "Dead Man's Eyes" ... [coi] ... une fois de plus, le jeu époustouflant de guitare laisse coi. Pas particulièrement avec le solo - même si -, mais d'entrée avec sa rythmique tout en feeling et scindée en deux parties. La première funambule et funky et la seconde triomphante .......
Les premiers instants de "Count on You" plongent dans un shuffle typique de Stevie Ray Vaughan, cependant le morceau en sort brusquement, auréolé d'une bulle mélancolique. Elle-même brisée par une bande de lourdauds, qui, après leur maladresse, donne le change avec un intermède doucereux et jazzy. "What did you say ?" Avant de reprendre de plus belle !

  Après tant de sensations fortes, il fallait bien tempérer. Ce que fait le slow-blues "Baby Calls My Name". "Call of Fate", la chanson, s'inscrit comme un instant de bravoure où le binôme rythmique se calque sur celui de Mother Superior. Pas de quartier !
   Le maître des lieux, Richard Pryor, choisit de se faire plaisir pour clôturer l'album, avec un instrumental. "Brand New Day" est une ode à la guitare, sa guitare, sa Fender Stratocaster. Toutefois, il ne tombe pas dans la démonstration - ni jamais ailleurs sur ce disque d'ailleurs -.

     Pas du Hard-rock de danseuse, ça madame ! Du Blues-rock toxique, cramé par le soleil de la côte Atlantique d'Afrique-du-Sud, porté à ébullition jusqu'à prendre l'apparence d'un Heavy-rock alerte, fringuant, fiévreux, énergique, positif et inaltérable. Un pur shoot d'adrénaline. 

     Malheureusement, à ce jour, aucune suite n'a été donnée à ce talentueux groupe. Ce qui n'empêche aucunement Richard Pryor et Jesse Jordan de rejouer ponctuellement ensemble. Lors de leurs "Blues meets Rock" ou avec le Richard Pryor's Band.



(1) Al Di Meola est pour lui une référence majeure. Une référence qui ne pointe le bout de son nez qu'exceptionnellement, en concert, lorsqu'il lâche totalement prise.
(2) Le fondateur clame que le mojo de la guitare rock "old-school" est sa religion. Qu'il représente de nombreux et phénoménaux éventreur de gratte, lourde et obscure, et que le label est influencé par les guitar-heroes classiques des 70's.
(3) Composition  de Warren Haynes reprise par Kenny Neal, Billy Branch, Joe Bonamassa, Leslie West, Dudley Taft et Charles Wilson.



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