En farfouillant dans une boutique de bande dessinée, j’ai eu le
plaisir de trouver l’intégrale de «Paracuellos» qui venait d’être rééditée, une BD culte pour beaucoup de lecteurs de Fluide Glacial.
Une page de l’histoire d’Espagne sous Franco
Carlos Giménez |
Si une
bande dessinée est devenue culte avec le temps, c’est bien «Paracuellos»,
mais n’attendez pas à trouver un gag à chaque page. Ce gros pavé de plus de
trois cent pages évoque une page d’histoire de l’Espagne de l’après guerre, une
époque ou «le sabre et le goupillon s’aimaient
d’amour tendre, une histoire sombre qui se passait sous le règne d’un vieux général dont le nom
m’échappe, mais qui portait un pompon sur son chapeau» comme le
résume si-bien la préface écrite par Gotlib.
L’auteur
Carlos Giménez est né en 1941. Son père est mort jeune, laissant une femme et trois enfants
seuls. Sa mère atteinte de tuberculose se retrouvera en sanatorium et Carlos sera placé dans un centre de l’Assistance
Publique Espagnole. De l’âge de 6 à 14 ans, il sera transbahuté d’un centre à
un autre et des années plus tard, ayant trouvé sa voie et ayant le don pour le dessin, il racontera les histoires et les anecdotes qu’il a vécues lui-même ou celles qui lui ont été contées par d'autres enfants qui ont passé quelques années
enfermés dans l’un de ces foyers. Alors que Giménez
commence à publier ces petites histoires de deux pages, il n’avait pas
l’ambition d’en faire une série complète. Et à mesure qu’elles étaient
publiées, les lecteurs avaient retenu le nom de «Paracuellos» et lorsque vint le
moment de publier, ce seront six albums qui se retrouveront sur le marché.
Le
dessin de Carlos Giménez est aussi noir que ses
histoires, un crayonné recouvert à grand coup d’encre de Chine. «Paracuellos»
est à lire avec une boite de kleenex à portée de main. Nous sommes loin des
tartes à la crèmes et autres gags visuels qui vous font tordre de rire, et sommes encore plus éloignés de Mad Extra, du journal de Mickey et de la semaine de Suzette. Fluide Glacial à pris un gros risque à éditer les
histoires de Carlos Gimenez quand on connaît l’humour
loufoque et débridé qui règne parmi les pages du journal et les dessinateurs
qui le composent. Nous sommes loin d’Edika, de Maëster, de Goossens ou
de Binet, Gimenez
apportera la touche dramatique au journal.
«Paracuellos» : deux pages publiées tous les mois et qui racontent l’histoire de pauvres
mômes placés dans des institutions dirigées par l’église et l’organisation de
la Phalange espagnole, une organisation politique nationaliste d'obédience fascisante fondée en 1933 par José Antonio Primo de Rivera. Des gamins qui subiront des
sévices physiques, morales et de sévères punitions, qui auront à peine de quoi se
nourrir et où les images de Dieu et de Franco seront rentrées de force dans leurs jeunes
cervelles… Le sabre et le goupillon ! Des instructeurs sadiques, des
directrices persécutrices, des infirmières cruelles, des prêtres
tourmenteurs… C’est cela le monde de «Paracuellos» et de ces enfants qui subissent
un monde d'adultes qu’ils ne comprennent pas.
«Paracuellos»
de Carlos Gimenez a une telle intensité
dramatique que l’histoire ressemble à un livre de d’Octave
Feuillet (Le Roman d’un jeune
homme pauvre). Même
si cela ne prête pas à rire, une fois plongé dans cet univers, comme dans un bon roman,
on ne peut pas lâcher le bouquin avant d’avoir atteint la dernière page et l’on
voudrait une Happy end qui malheureusement n’arrivera pas.
Par la suite, Giménez
fera une autre série appelée «Les
Professionnels» où il y racontera le début de sa vie comme
dessinateur et là, l’humour sera présent.
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