mardi 25 février 2020

CARLOS GIMENEZ : PARACUELLOS - par Pat Slade



En farfouillant dans une boutique de bande dessinée, j’ai eu le plaisir de trouver l’intégrale de «Paracuellos» qui venait d’être rééditée, une BD culte pour beaucoup de lecteurs de Fluide Glacial. 






Une page de l’histoire d’Espagne sous Franco





Carlos Giménez
Si une bande dessinée est devenue culte avec le temps, c’est bien «Paracuellos», mais n’attendez pas à trouver un gag à chaque page. Ce gros pavé de plus de trois cent pages évoque une page d’histoire de l’Espagne de l’après guerre, une époque ou «le sabre et le goupillon s’aimaient d’amour tendre, une histoire sombre qui se passait sous le règne d’un vieux général dont le nom m’échappe, mais qui portait un pompon sur son chapeau» comme le résume si-bien la préface écrite par Gotlib.

L’auteur Carlos Giménez est né en 1941. Son père est mort jeune, laissant une femme et trois enfants seuls. Sa mère atteinte de tuberculose se retrouvera en sanatorium et Carlos sera placé dans un centre de l’Assistance Publique Espagnole. De l’âge de 6 à 14 ans, il sera transbahuté d’un centre à un autre et des années plus tard, ayant trouvé sa voie et ayant le don pour le dessin, il racontera les histoires et les anecdotes qu’il a vécues lui-même ou celles qui lui ont été contées par d'autres enfants qui ont passé quelques années enfermés dans l’un de ces foyers. Alors que Giménez commence à publier ces petites histoires de deux pages, il n’avait pas l’ambition d’en faire une série complète. Et à mesure qu’elles étaient publiées, les lecteurs avaient retenu le nom de «Paracuellos» et lorsque vint le moment de publier, ce seront six albums qui se retrouveront sur le marché.


Le dessin de Carlos Giménez est aussi noir que ses histoires, un crayonné recouvert à grand coup d’encre de Chine. «Paracuellos» est à lire avec une boite de kleenex à portée de main. Nous sommes loin des tartes à la crèmes et autres gags visuels qui vous font tordre de rire, et sommes encore plus éloignés de Mad Extra, du journal de Mickey et de la semaine de Suzette. Fluide Glacial à pris un gros risque à éditer les histoires de Carlos Gimenez quand on connaît l’humour loufoque et débridé qui règne parmi les pages du journal et les dessinateurs qui le composent. Nous sommes loin d’Edika, de Maëster, de Goossens ou de Binet, Gimenez apportera la touche dramatique au journal.

«Paracuellos» : deux pages publiées tous les mois et qui racontent l’histoire de pauvres mômes placés dans des institutions dirigées par l’église et l’organisation de la Phalange espagnole, une organisation politique nationaliste d'obédience fascisante fondée en 1933 par José Antonio Primo de Rivera. Des gamins qui subiront des sévices physiques, morales et de sévères punitions, qui auront à peine de quoi se nourrir et où les images de Dieu et de Franco seront rentrées de force dans leurs jeunes cervelles… Le sabre et le goupillon ! Des instructeurs sadiques, des directrices persécutrices, des infirmières cruelles, des prêtres tourmenteurs… C’est cela le monde de «Paracuellos» et de ces enfants qui subissent un monde d'adultes qu’ils ne comprennent pas.


«Paracuellos» de Carlos Gimenez a une telle intensité dramatique que l’histoire ressemble à un livre de d’Octave Feuillet (Le Roman d’un jeune homme pauvre). Même si cela ne prête pas à rire, une fois plongé dans cet univers, comme dans un bon roman, on ne peut pas lâcher le bouquin avant d’avoir atteint la dernière page et l’on voudrait une Happy end qui malheureusement n’arrivera pas.

Par la suite, Giménez fera une autre série appelée «Les Professionnels» où il y racontera le début de sa vie comme dessinateur et là, l’humour sera présent. 

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