jeudi 23 janvier 2020

Paul HINDEMITH - Symphonie "Mathis der Maler" (1934) – par Diablotin


Autoportrait supposé de Matis Grünewald

SONIA : Tiens, c’est joli, cette musique féérique que tu écoutes, Diablotin, et pourtant, ça ne semble pas très ancien !
DIABLOTIN : Il s’agit d’un compositeur dont Maître Toon t’a déjà parlé : Paul Hindemith, qui composa en effet au vingtième siècle une musique que l’on pourrait qualifier de « néo-classique » dans le sens le plus noble du terme !
SONIA : Ah oui, je l’ai déjà rencontré, je confirme ! Il h-jouait aussi de l’alto et dirigeait des orchestres !
DIABLOTIN : Voilà, c’est bien lui ! On lui doit d’ailleurs, comme chef d’orchestre, la toute première version historiquement informée de l’Orfeo de Monteverdi, et cela aussi tôt qu’en 1954 ! C’est dire si le monsieur avait plusieurs cordes à son arc !
SONIA : Tout à fait ! Mais pourquoi feuillettes-tu ce livre d’art médiéval en même temps ?
DIABLOTIN : Attends, Sonia, je vais te raconter le pourquoi du comment…

Paul Hindemith
En pleine période d’émergence puis d’installation au pouvoir des nationaux-socialistes en Allemagne en 1932-1933, Paul Hindemith interroge, avec « Mathis der Maler », la place et l’engagement de l’artiste dans la société. La symphonie proposée ce jour fut composée peu de temps avant l’achèvement de l’opéra du même nom, ses trois mouvements servant alors d’introduction à chacun des actes le constituant.

« Mathis der Maler » raconte de façon très libre et romancée, sur fond de Réforme et de Guerre des paysans, un moment supposé de la vie du peintre - et, accessoirement, ingénieur hydraulique - Mathias Grünewald, né Mathis Gothart Nithart ou peut-être Mathis Nithart Gothart, entre 1470 et 1480, sans doute à Würzburg et mort entre 1528 et 1532 à Halle, connu également sous le nom de Mathias Neithardt : c’est son nom d’artiste qui est passé à la postérité, sa biographie restant fort mal renseignée. L’historien des arts Joachim Von Sandrart, dans son ouvrage «  Die Teusche Akademie… », premier traité théorique sur l’art en Allemagne (paru vers 1675), indique cependant qu’il était très connu et estimé de son vivant, et qu’il dirigeait un atelier dans lequel exerçaient quelques apprentis. Il fut également marié, mais sa femme dut être enfermée pour « possession mentale». Peintre de la renaissance allemande, profondément ancré dans la culture rhénane, on attribua parfois certaines de ses œuvres à l’illustre Albrecht Dürer, son presqu’exact contemporain.
Ses seules œuvres connues sont toutes à caractère religieux - il peignit notamment quatre Crucifixions, allant vers un expressionnisme exacerbé - et la plus connue est le très célèbre « Retable d’Issenheim », exposé dans son intégralité.


Je t’invite, SONIA, à te rendre dans ce musée virtuel pour contempler ce monumental retable sous toutes ces facettes : (Clic) Tu auras forcément envie, ensuite, de venir à Colmar pour admirer cette œuvre monumentale - elle est actuellement en cours de restauration, mais reste exposée partiellement -. Les photos ne rendent absolument pas compte de la beauté crue et violente de cette immense œuvre picturale.


Ce sont trois parties de ce retable qui servent de support à Hindemith pour les trois mouvements de sa symphonie « Mathis der Maler » : Le concert des anges ; La mise au tombeau ; La tentation de Saint-Antoine. Ecrite dans une veine néo-classique et superbement orchestrée, l’œuvre est d’un accès relativement facile et ne dure qu'une vingtaine de minutes. Elle fut composée rapidement en 1934 et créée la même année par Furtwängler à Berlin, et quasiment aussitôt interdite par le régime national-socialiste. Paul Hindemith choisit la fuite et l’exil, en Suisse puis aux États-Unis.
• Le premier mouvement - qui est aussi l’introduction de l’opéra - est fondé sur les jeux de lumière inondant le « Concert des anges » du tableau de Grünewald, et les trombones scandent la mélodie d’un antique chant médiéval allemand : « Es sungen drei Engel » -Trois anges chantaient-.
• La seconde partie dépeint la « Mise au tombeau » de la prédelle du retable d’Issenheim. Elle introduit le dernier tableau de l’opéra -qui est construit en sept tableaux successifs plutôt qu’en actes, comme traditionnellement- : la mort de Grünewald dans un dernier souffle créatif.
• La dernière partie, qui correspond à l’introduction du sixième tableau, dépeint la « Tentation de Saint-Antoine » : la musique rend le caractère grotesque et tourmenté du tableau, peuplé de monstres étranges assez proches de l’univers de Jérôme Bosch. Le retable d’Issenheim fut en effet réalisé, à l’origine, pour le couvent des Antonins d’Issenheim, petit village proche de Colmar. Les moines Antonins étaient en effet réputés pour guérir les malades du « feu de Saint-Antoine », ou maladie de l’ergot de seigle : les patients, notamment victimes d’hallucinations passagères », étaient réputés ensorcelés…

La vidéo proposée permet de bien suivre les différentes interventions des musiciens de l’orchestre, elle est donc très instructive ! De plus, les tableaux servant de support à l’œuvre sont projetés en arrière-plan de l’orchestre ! Herbert Blombstedt en concert.



SONIA : Ah oui, cela sert tout-à-fait cet art musical discourant sur l’art pictural !
DIABLOTIN : Tu as tout-à-fait compris, SONIA !

Proposition de discographie pour aller plus loin :
Hindemith est en définitive assez peu enregistré, mais sa discographie est de très bonne qualité. Je vous propose les disques suivants, pour découvrir ou approfondir son œuvre.
Rappel de chronique : Métamorphoses Symphoniques sur des thèmes de Weber – Eugen Jochum (1977) (Clic) (avec biographie résumée de Hindemith)


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