vendredi 20 décembre 2019

MAN ON THE MOON de Milos Forman (1999) par Luc B.


Milos Forman (1932-2018) a eu deux carrières. La première chez lui, chef de file de la nouvelle vague tchécoslovaque dans les années 60, puis contraint de fuir le régime communiste, il est de passage en France en plein mai 68 où il travaille avec le scénariste Jean Claude Carrière. Puis départ aux USA. Parmi sa courte filmographie, 12 films en plus de 50 ans, on note trois biopics. Intéressants car les héros sont tous des iconoclastes géniaux dans leurs domaines respectifs : un compositeur autrichien de très longues chansons dans AMADEUS (1984), un roi du porno dans LARRY FLYNT (1996) et le comique américain Andy Kaufman dans MAN ON THE MOON (1999), objet de notre causerie.
Milos Forman c’est aussi HAIR, RAGTIME et VOL AU DESSUS D’UN NID DE COUCOU dont notre ami Pat a parlé il y a peu. C’est ce qui s’appelle un parcours sans faute.
Je pense que ce film est un des meilleurs biopics réalisés, car il cumule deux qualités : il suit la vie et la carrière d’Andy Kaufman au plus proche de la réalité (parfois adaptée pour être plus divertissante, comme le personnage nous l’annonce dès le départ !) et parvient à en donner pleinement la mesure par la mise en scène. Film déconcertant, car Kaufman et son univers l’étaient.

A l’image du premier plan. En noir et blanc, Kaufman face caméra nous explique qu’il vient de réaliser le film le court du monde. Au moment où il le dit, le générique de fin défile à l’écran ! Kaufman a lancé un disque sur un petit électrophone. Quand le morceau se termine, le générique se fige. Kaufman regarde le lettrage, intrigué, en fait le tour, ne comprenant pas ce qui coince. Il relance le bras du tourne-disque : la musique reprend, le défilement du générique avec ! C’est juste génial, comme du Mel Brooks !
Andy Kaufman n’est pas très connu en France. Dans les 70’s, il était un des piliers de la scène comique américaine, découvert par sa géniale imitation d’Elvis Presley. Il est rapidement pris sous contrat par George Shapiro, manager et producteur télé (la série SEINFELD entre autres). Shapiro parvient à faire engager Kaufman dans le sitcom TAXI, énorme succès d’audience. Kaufman y crée dans plus d’une centaine d’épisodes le personnage de Latka, un immigré limite autiste venu de la mer Caspienne (!) cousin éloigné d’un Jerry Lewis, dont les interventions font un tabac. Mais Kaufman rêve d’imposer son univers, un comique surréaliste (proche parfois des Monty Python), des canulars portés à leur paroxysme. Avec lui on ne sait jamais la part du vrai et du simulé.
Bob Zmuda et George Shapiro
Ce que le film de Milos Forman rend parfaitement, déstabilisant le spectateur, qui va de surprises en surprises. Ainsi cette représentation en club où Kaufman apparait sous les traits d’un comique qu’il a créé, Tony Clifton, son double ordurier, qui humilie un spectateur devant un George Shapiro outré, scandalisé, puis découvrant que la victime, Bob Zmuda, était un complice. Kaufman a réussi à faire croire que Tony Clifton avait une existence propre, parvenant à le faire embaucher sur la série TAXI, dans l’unique but de dézinguer cette institution télé. La scène est jubilatoire.
Kaufman, contrarié par les injonctions de spectateurs qui réclamaient son personnage fétiche de Latka, les punissait en lisant de la première à la dernière ligne le livre de Fitzgerald « Gatsby le Magnifique » ! Véridique ! Ou encore l’organisation de combats de catch mixte, Kaufman préférant se battre contre plus faible que soi, des femmes, les massacrant en direct et les renvoyant à leurs casseroles. Devenu l'homme le plus détesté d’Amérique, on a su beaucoup plus tard que sa querelle avec le véritable champion de catch Jerry Lawler, n’était qu’un canular de plus… Ou encore cette prestation irrésistible au Carnegie Hall le soir de Noël, dont Kaufman rêvait depuis toujours, où il invite les spectateurs à sortir du théâtre, monter dans des dizaines de bus, pour aller prendre une part de gâteau et un verre de lait aux frais de la production.
Il n’y a qu’une seule scène sur l’enfance de Kaufman, au début, très courte, là où d’autres nous en auraient pondu des caisses. On voit le gamin délirer devant une caméra de télé imaginaire, surpris par son père. Pourquoi Forman la met judicieusement en exergue ? Car les parents de Kaufman, déphasés, dubitatifs sur son art, l’ont toujours accompagné et soutenu.  
Tony Clifton expulsé du studio
Cette mise en abime constante est illustrée dans un sketch du show Friday’s, où Kaufman refuse de jouer son texte. Il en vient presque aux mains avec les autres comédiens, en direct, obligeant la production à couper l’antenne et passer la pub. A la reprise, Kaufman est censé expliquer que c’était un gag (car c’en était un) mais en rajoute une couche, provoquant l’ulcération des diffuseurs.
Là où Forman est très fort, c’est qu’il mêle constamment le vrai du faux, en reprenant les vrais comédiens d’alors dans leurs propres rôles, David Letterman, Christopher Llyod, Richard Belzer, en faisant jouer Bob Zmuda par un autre, mais confiant un rôle au vrai Bob Zmuda ! Vous suivez ? Moi même je ne sais s'il faut surligner le nom ou le mettre en gras, acteur ou personnage ? La distribution convoque Courtney Love (après LARRY FLYNT), vraie fausse victime du catch mixte qui deviendra sa femme, le toujours excellent Danny De Vito dans le rôle de Shapiro, et bien sûr Jim Carrey qui trouve un rôle à la mesure de sa folie créatrice, il est phénoménal en clown triste et déjanté, sans cesse à nous prendre à contrepied, même sur la fin lorsqu'il annonce son cancer. Personne, même ses parents, ne sait s’il s’agit ou non d’un énième gag (scène de l’hôpital). Forman a une idée de génie lorsque Kaufman se rend voir un guérisseur aux Philippines (épisode réel) et confond l’usurpateur, lui qui toute sa vie s’était joué des autres. L'arroseur arrosé.
Milos Forman utilise tous les artifices du cinéma pour rendre au mieux l’univers délirant de Kaufman, étirant lui aussi les vrais-faux gags foireux à la limite du supportable, provoquant la gêne du spectateur, comme Kaufman en son temps provoquait l’incompréhension de son public, à la manière d’un Coluche et son « C’est l’histoire d’un mec » succession d’histoires drôles si mal racontées qu’elles en deviennent lamentables.
Andy Kaufman est mort à l’âge de 35 ans, en 1984, son public hésitant à prendre ses funérailles pour son ultime canular. Son complice Bob Zmuda et lui avaient effectivement songé à ce gag macabre. Kaufman a prévenu que si on le déclarait mort, il ne faudrait pas y croire, et qu’il réapparaitrait 20 ans plus tard, jours pour jours. Ce jour-là, ils étaient nombreux à s’être donné rendez-vous. Andy Kaufman n’est jamais venu. Pour une fois, c’était vrai.

couleur  -  2h00  -  scope 1 :2.39   

2 commentaires:

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