vendredi 8 novembre 2019

HORS NORMES de Olivier Nakache et Éric Toledano (2019) par Luc B.



Malik et Bruno sont responsables d’associations d’autistes, La Voix des Justes et L'Escale. Le film suit leur quotidien et notamment l’enquête de l'Inspection générale des affaires sociales, qui a Bruno dans son collimateur. Malik est aussi chargé de la formation de nouveaux animateurs, issus de quartiers difficiles... 

Ce n'est pas un film sur l'autisme, mais sur la difficulté des associations à gérer ce handicap. Les personnages autistes sont réellement interprétés par des autistes. Il y a Joseph, plus indépendant, qui circule seul, et que Bruno va placer une semaine en stage dans une entreprise, les séquences les plus intéressantes. Et puis Francis, un ado très atteint par son handicap, un casque de mousse vissé sur la tête nuit et jour, pour ne pas se fracasser le crâne contre les murs lors de ses accès de fureur.
On croise aussi la mère de Joseph, jouée par Hélène Vincent, le docteur Ronssin (Catherine Mouchet), Ludivine l’orthophoniste, les inspecteurs de l’IGAS… Autant de protagonistes évidemment inspirés de personnages réels. Car le film, très documenté, un film-dossier, cherche à dresser le panorama assez effrayant de la prise en charge de l’autisme en France.  
Une fois qu’on a dit ça, comment voulez-vous attaquer un tel projet ? Olivier Nakache et Éric Toledano ont souvent mis une dose de social dans leurs comédies, le handicap, les sans-papiers. Mais ils enrobaient l’ensemble de fiction, et d’humour. Dans HORS NORMES, le dosage est inversé. Pour traiter ce sujet, pourquoi les réalisateurs ne se sont-ils pas immergés plusieurs mois avec leurs caméras au sein des associations, en tirer un documentaire, à la manière d’un Raymond Depardon ? Au lieu de cela, on est face à un objet filmique hybride, comme on en voyait à la télé avant les débats animés par Mireille Dumas, ou Jean Luc Delarue.
Le seul personnage un peu dessiné est Bruno, joué par Vincent Cassel. Célibataire, son entourage cherche à le caser via des rendez-vous, rares moments de comédies, comme sa réplique récurrente : « on va trouver une solution… ». Il y a bien quelques situations amusantes avec les stagiaires en formation auprès de Malik, comme ce jeune qui post-date son faux certificat médical !
Lorsque Bertrand Tavernier filmait L.627, CA COMMENCE AUJOURD’HUI ou HOLY LOLA, des films qui plongeaient au coeur de problèmes de société, il y avait des histoires, des personnages, pas seulement des fonctions. Comme ici, où les dialogues parfois sonnent faux, je pense à la tirade du docteur Ronssin, un plaidoyer tout droit sorti d’une brochure officielle comme on en trouve dans les salles d’attente.   
Au bout d’une heure de film, je suis désolé, mais je ne m’intéresse plus à ce qui se passe. Ces gens me sont étrangers. Les rapports entre Malik et Bruno sont juste esquissés. Que sait-on du premier à part qu’il se déclare musulman pratiquant, mais juste pour draguer une jolie blonde, juive. D’où cette réplique amusante de la fille : « si on est pratiquant tous les deux, ça peut le faire ! ». Nakache et Toledano n’y vont pas dans la demi-mesure dans le genre la France Black Blanc Beur, athées, juifs, arabes, voilées pas voilées, il est écrit en gros United colors of Benetton !
Malik forme de futurs animateurs, dont Dylan, quasi analphabète. D’où cet échange amusant quand Malik s’adresse au groupe, disant : « Vous êtes obligés d’écrire ‘kiffer’ dans toutes les lignes de vos rapports ? Y’a pas d’autres mots ? Et tiens, dans un élan de générosité, vous mettez un sujet, un verbe et un complément, ben ça fait une phrase ! ». Sauf que c’est à Dylan que revient la charge de veiller sur le jeune Francis, qu’il laisse seul dans une chambre d’hôtel pour descendre fumer une clope. La ficelle est énorme. Arrive ce qui doit arriver. La scène de poursuite qui suit, sur le périphérique, est franchement putassière.
Les réalisateurs filment comme à leur habitude caméra à l’épaule, dans l’urgence, on peut le comprendre, le sujet le veut. Mais bon sang, cette scène où Francis caresse pour la première fois un cheval, avec petites notes de piano, main fébrile et coucher de soleil à contre-jour, désolé encore, mais c’est insupportable. Je suis presque gêné. Comme cette musique qui inonde le film, faite de crescendos orchestraux d’une sensiblerie (mièvrerie ?) digne d’une pub Nike qui vous explique que leurs godasses fabriquées au Bangladesh sont avant tout affaire de fraternité humaine et de bon vivre-ensemble...
Le film montre une réalité terrible mais dans une mise en scène tellement didactique que s'illumine et clignote le message : film utile. Utile surement, mais est-ce un bon film pour autant ? C’est un film qui finit par agacer à force de vouloir trop en démontrer. Je n’ai pas une grande passion pour le comédien Vincent Cassel, qui ici fait tout juste le job, comme Reda Kateb, limite caricatural, comme si les comédiens professionnels (face aux amateurs) devaient sous-jouer pour ne pas écraser le propos du film. La direction d'acteur se limite à : joue ton texte ET sourit (voir l'affiche) comme s'il fallait se prouver que ces types qui font un boulot épuisant et méritant, sont avant tout des gars hyper cools, le syndrome feelgood movie dressé en étendard.

0n ne peut pas critiquer le propos. Mais a-t-on le droit de critiquer le film ? J’vais m'gêner…

couleur  -  1h55  -  scope 2:35

5 commentaires:

  1. Encore un de ces films sponsorisés par le secrétariat d'état aux bons sentiments ... le cinéma social tire-larmes et culpabilisant. Sauf que tout le monde n'est pas Ken Loach ou les Dardenne ...
    Il semblerait qu'on ne sache plus faire que ça en France. Evidemment ça coûte pas cher, mais plutôt que le manque de moyens, c'est le manque d'imagination qui saute aux yeux dans ce genre de machins. Les types qui font des reportages pour FR3 Limousin arrivent à faire mieux quand ils traient ces sujets ...
    Et bizarrement, la critique encense généralement ces trucs soporifiques. J'ai vu récemment "Pupille", soi-disant un chef-d'oeuvre, c'est ennuyeux au possible, et l'ennui n'a rien à voir avec le thème (l'adoption).
    Rien à côté d'un autre chouchou de la critique, le navet terminal "Jusqu'à la garde", son final entièrement pompé (sans le moindre talent) sur "Shining" et sa bande-son reposant sur le bruit de moteur d'un Kangoo (la moitié du film se passe dans cette foutue bagnole). Par contre, sur le même thème (les enfants au milieu d'un divorce qui se passe très mal) était sorti quasiment en même temps le film russe "Faute d'amour" qui est une merveille, et réalisé avec trois francs six roubles. Comme quoi on peut pas se planquer derrière le manque de moyens, c'est trop facile ... Au temps de la nouvelle vague, avec trois fois rien, on faisait des films qui marquaient l'histoire du cinéma ...
    On filera à "hors normes" un colifichet quelconque, manière d'avoir une séquence émotion lors de la prochaine nuit des Césars avec le gamin au casque rembourré qui monte sur scène ...

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  2. "Faute d'amour" : superbe ! Ce plan du gamin derrière la porte de la salle de bain...
    "Jusqu'à la garde" : pur exercice de style, mise en scène millimétrée, avec quoi que tu en penses, un certain talent. Si tous les films qui montrent une salle de bain sont pompés sur "Shining", que nous reste-il ? Dans "Mon plombier en a une grosse" y'avait une scène de... bref...
    Si "hors normes" gagne un césar (meilleur son ?) je gage effectivement sur une montée sur scène en mode lacrymale.

    je n'ai pas développé sur les Dardennes, mais on y pense. Prendre un sujet à bras le corps, sans chichi, et surtout sans vouloir un maximum d'entrées...

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  3. j'attends avec impatience le papier sur "Mon plombier en a une grosse"; l'ai vu 2 fois...

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    1. C'est en cours par Luc, Sonia a fait fuiter l'info...
      Ok je sors

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  4. Vous n'êtes pas sortables, les gars... (Sonia a fait fuiter car elle avait un tuyau ?)

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