vendredi 6 avril 2018

LA COLLINE A DES YEUX de Wes Craven (1977) par Luc B.


Une petite prière avant l'apocalypse...
C’est un classique du film d’horreur 70’s, qui mêle un tas d’ingrédients que l’on retrouvera dans d’innombrables films du même genre. La petite famille américaine bien proprette (ils ont des armes et font leurs prières…) isolée malgré elle dans un environnement hostile, le dézingage des protagonistes les uns après les autres qui préfigure la mode des slashers 80's, une bande d'arriérés genre Amérique profonde - ici cannibales, ce qui ne gâte rien - devenus dégénérés par absorption d’uranium, argument ultime du genre, rappelez-vous Godzilla, quand ce ne sont pas les communistes, ce sont les molécules et les expériences secrètes de l'armée ! Scénariste et réalisateur, Wes Craven y rajoute une dose de tragédie antique : la famille anthropophage est dirigée par le patriarche, Jupiter, ses fils se nomment Mercure, Mars, Pluton… Et il y est question de sacrifice - humain, ce qui ne gâte toujours rien, et un bébé, c'est encore mieux – et parfois, le padre Jupiter semble invoquer l'olympe avant de déchainer sa vengeance…   

Wes Craven donne à son film des allures de western, dès le premier plan, dans le désert, avec les broussailles qui volent, et la station-service comme dernier relai avant la grande aventure. Aventure de la famille Carter au grand complet, avec leurs deux chiens, qui traverse le Nouveau Mexique et font un détour pour visiter une ancienne mine. Un détour ? Hum... trace ta route coco ! Ecoute les conseils des autochtones : « N’y allez pas ! » prévient évidemment le vieux pompiste, mais arrfff… ils vont y aller quand même. Le début est mystérieux (qui est cette fille, Ruby ?) avec les mises en garde du pompiste, les plans subjectifs sur d’éventuels rôdeurs, et les chiens (Beauty et Beast, ça ne s'invente pas) qui reniflent du louche.

Suite à un accident sur la route (bonne scène, stressante, avec les avions de chasse), la famille est contrainte de se séparer. Le père retourne à la station, le fils ainé file vers la zone militaire, les autres attendent, et se baladent… C'est dingue cette habitude de toujours se promener où il ne faut pas. Ces gens-là ne vont-ils jamais au cinéma ?! [Argument que reprendra d’ailleurs Wes Craven dans SCREAM, habile mise en abîme des films de terreur].

Michael Berryman
La famille de Jupiter pourrait faire penser à celle de Charles Manson, installée dans un vieux ranch dans le désert, vivant de troc et de petits trafics, et les filles chargées du ravitaillement. Tous unis derrière le père, le gourou, qui ordonne les massacres. De là à prétendre que ce film est un reflet de l'Amérique consumériste et bla bla bla... Certains y ont pensé, comme derrière chaque film d'horreur, on se dit "c'est une critique de la société actuelle !". Mouais... Des pamphlets sociaux qui  font surtout beaucoup d'entrées auprès des jeunes !  

Les réjouissances ne vont pas tarder. Comme dans MASSACRE A LA TRONCONNEUSE (réalisé 3 ans plus tôt, on en avait causé, ici : - - clic massacre - - ) on n'expliquera pas les motifs des assaillants, ce qui rend la violence plus gratuite encore. Contrairement au film de Tobe Hooper qui parvenait à rendre vraiment terrifiant le clan de Leather Face, Wes Craven peine à rendre les situations malsaines. Certes, la première attaque est violente, rapide, confinée dans l’espace clos de la caravane. Brenda la jeune sœur y pousse des hurlements hystériques - qui sera jusqu’au bout son mode de communication. Le retour du père à la station-service offre  aussi de jolis moments, si je puis dire. Wes Craven y va de ses scènes choc (mais pas gore) de ses intentions (meurtre du père, le bébé, denrée plus goûtue que le berger allemand) mais qui terrifient moins qu’elles ne surprennent. Avec musique ad-hoc.

Le problème, c’est que le film souffre visiblement d’un manque du budget (tourné en 16 mm). On peut supposer que Wes Craven n’a pas eu le temps de tourner plusieurs fois ses plans, dont certains, approximatifs, se retrouvent dans le montage final faute de mieux. Le meurtre du père (pourtant grandiose sur le papier) est gâché par un découpage peu lisible. On ne comprend pas certains raccords de temps et d’espace. Alors que le cadavre du père semble n’être qu’à quelques encablures de la caravane, Jupiter et les ses fils courent une journée entière pour lancer la seconde attaque, et on passe de la nuit au jour. On reste dubitatif par l’ingéniosité du chien qui ramasse et rapporte un talkie-walkie, et prend Pluton en filature. Autant Craven réussit sa première séquence, autant plus tard, le décor du désert et des montagnes ne me semble pas exploité, ne suinte pas l’angoisse au coin de chaque rocher. Là encore, on peut se dire que les repérages n’ont pas dû couter cher.

Quant à la famille cannibale, affublée de peaux de bêtes et de grigri indiens, elle prête davantage à sourire qu’à effrayer, et ce ne sont pas les tignasses hirsutes et les dentiers cariés qui changent la donne. L’autre souci, récurrent dans ce genre de film, c’est la pauvreté de la direction d’acteur. Il est certain qu’on a droit à une distribution de second choix, mais tout de même ! Un bon doublage français peut améliorer les choses, mais en V.O. c’est pas la joie !  Citons tout de même l’acteur Michael Berryman, et son crâne en obus (syndrome Christ Siemens Touraine) habitué à ce type de rôle, et qui avait débuté par VOL AU DESSUS D’UN NID DE COUCOU.

L’épilogue offre de bonnes choses (le piège au lasso avec le treuil), mais les hurlements et grognements à répétition nous laissent un peu de marbre, et pire, deviennent risibles. C’est un classique (une suite et deux remake), un film qui a marqué son temps et beaucoup de metteurs en scène adeptes de terreur, mais à mon sens moins efficace et moins maîtrisé que MASSACRE A LA TRONCONNEUSE (1974), LA NUIT DES MORTS VIVANTS (1968), ou LA DEUXIEME MAISON SUR LA GAUCHE, du même Wes Craven (1972, son premier film) qui nous laissait, lui, dans la bouche un goût de violence et de sang.

couleurs  -  1h30  -  format 1:1.85



1 commentaire:

  1. C'est parce que c'est moins élaboré que "Scream", filmé avec les pieds, avec un scénario total à l'ouest et des acteurs minables que "la colline ..." a un certain charme, pour ne pas pas dire un charme certain.

    A mon avis, "la nuit des morts-vivants" ne joue pas dans la même catégorie que tous les slashers plus ou moins gore des 70's, c'est plus métaphysique, allégorique d'une certaine vision de l’Amérique clairement énoncée par Romero ...

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