mercredi 21 mars 2018

Alastair GREENE "Dream Train" (octobre 2017), by Bruno


     Bon, sincèrement, je n'avais aucune envie d'écouter ce disque. A la vue de la pochette, même si le boss du sujet a une bouille sympathique, j'étais à peu près certain d'avoir encore affaire à un besogneux du Blues-rock. Encore une production d'un gars probablement très doué et bon technicien de la guitare, obsédé par Johnny Winter, ou Stevie Ray Vaughan ou Rory Gallagher (ou les trois), et qui, dans un excellent travail scolaire, débite sans aucune retenue des soli interminables, des kilomètres de notes enchaînées. Un exploit sportif et technique mais finalement peu de rapport avec le Blues ou le Blues-rock, le vrai, celui qui possède une âme. Avec, pour achever les plus tolérants, un chant qui passe au second plan et qui ne possède aucune force ou personnalité. Encore un de ces musiciens comme il en pullule depuis les années 90.
Or, agréable surprise, ce n'est le cas de cet Alastair Greene. Une preuve que faire un tour chez un disquaire capable de vous conseiller et de vous faire découvrir des trucs auxquels vous ne penseriez même pas prêter quelques secondes d'attention.
 

   Alastair Greene n'est pas un de ces jeunots, jeunes prodiges, que l'on nous présente toujours, à corps et à cris, comme la nouvelle révélation, la réincarnation de Stevie Ray ou d'Hendrix. Il approche aujourd'hui de ses 47 ans. Né le 18 avril 1971 à Santa Barbara (Californie), il roule déjà sa bosse depuis bien des années. Il s'intéresse assez tôt à la musique et apprend à jouer du piano, du saxophone puis de la basse, jusqu'au jour où il s'entiche de la scène Hard-rock et Heavy-Metal (en l’occurrence  un attrait particulier pour Iron Maiden, qui ne semble avoir laissé aucune trace, même la plus infime, dans son jeu) qui l'amène à se diriger vers la guitare. Puis, il effectue un resserrement vers les branches qui ont gardé leurs racines Blues. Ce qui amène forcément à la découverte du Blues et un intérêt particulier pour les Albert King, Albert Collins, BB King, Buddy Guy, Stevie Ray Vaughan, ainsi que Rory Gallagher, Johnny Winter et Eric Clapton. Parallèlement, Steve Morse, Jeff Beck, Bruce Bouillet et Eric Johnson laissent aussi leur empreinte. Aujourd'hui, parmi ses guitaristes préférés, il cite Jake E. Lee pour sa période Heavy correspondant à son adolescence, et B.B. King pour la personne qu'il est devenu ; tout en insistant bien, que jamais, aujourd'hui comme demain, il n'estime être capable de s'en rapprocher.

Cependant, en dépit de toutes ses références, son jeu serait plutôt une synthèse de Steve Gaines (🔃 lien), de Tony Spinner (⇔ lien), et d'Alvin Lee.(⤄ lien)

     En 1997, il fonde le Alastair Greene Band et réalise un premier enregistrement en 2001, "Little Wiser" (sur un obscur label, Riatsala Music, qui ne doit avoir plus de 3 ou 4 artistes dans son écurie). Localement, il est considéré comme l'un des meilleurs du comté. Seymour Duncan, le célèbre concepteur de micro pour guitare, déclare qu'il prend plaisir à écouter jouer Greene, et qu'il a en lui le feu du Texas-blues. Chris Shiflett, le blond guitariste des Foo Fighters, également natif de cette ville balnéaire, raconte qu'il le connait depuis son enfance et que c'est un guitariste qui a toujours déchiré.

     Parallèlement, il travaille parfois pour d'autres musiciens. Pour Frank Slim Goldwasser qui est alors sur le même label que lui, pour Aynsley Dunbar, pour Mitch Kashmar, pour Starship (avec Thomas Baker) et surtout pour Alan Parson pour l'accompagner de par le monde, pendant sept ans. Une affaire plutôt lucrative et surtout sans risque. Un parcours parsemé de musiciens à l'univers peu ou prou différents, ce qui démontre qu'il est capable d'éclectisme. Cependant, dans le courant de l'année 2017, il préfère remercier Alan Parson et reprendre sa carrière personnelle en main. Et surtout, jouer sa propre musique. Alan Parson avait rencontré Alastair pour les sessions de son quatrième disque, "A Valid Path" sorti en 2004. Outre Alan lui-même, y figurent comme guitaristes, le fiston, Jeremy, et un Anglais, un certain Gilmour. Ce dernier n'étant probablement pas très disponible, Parson s'est rabattu sur Alastair. Enthousiasmé par le jeu de sa nouvelle recrue, Alan Parson déclara qu'elle devrait jouer avec les plus grands groupes du monde, et qu'il pense que ce n'est qu'une question de temps.

   C'est ainsi qu'en 2017, il remet le couvert et s'investit dans un nouveau disque, son cinquième, sur lequel on découvre une pièce offerte par rien moins que monsieur Billy F. Gibbons, "Nome Zayne". Un bien bel honneur. Un fait suffisamment rare pour le souligner, et pour piquer la curiosité.

Bien loin donc des productions types du Blues Bureau de Mike Varney ou de Grooveyard, ce CD ne se contente pas de mettre les gaz et d'envoyer à toute berzingue une profusion de notes et de plans pyrotechniques cherchant perpétuellement à rivaliser avec le Johnny Winter de "Captured Live" ou traumatisé par les "Love Struck Baby" et "Rude Mood" de Stevie Ray. D'ailleurs, à l'exception de l'entrée en matière, l'éponyme "Dream Train", et, dans une bien moindre mesure, le final "Lucky 13", il n'y a pas grand chose de particulièrement échevelé. Ça reste dans les clous et sans excès de vitesse.
"Dream Team", tout en restant dans un idiome assez classique, se démarque de la production "Blues-rock de masse" grâce à quelques morceaux qui osent mettre un pied hors des sentiers battus. (Un seul, pas les deux). Des morceaux qui ne sont généralement plus inclus dans le répertoire du Blues-rock US actuel. Comme ce "Song for Rufus", une sublime pièce instrumentale ; instant boisé et introspectif où par la seule force et la pertinence d'une guitare acoustique solitaire, se crée une douce et sereine atmosphère bucolique et printanière. Autre pièce instrumentale de belle tenue, avec l'aide de Mike Finnigan à l'orgue Hammond, "Iowa" dont l'atmosphère explore les espaces de la plaine de Carrizo lors d'un chaud crépuscule bariolé de nuages ocres et orangés. Eric Johnson n'est pas loin. Deux instrumentaux quasiment filmographiques.
Il y a aussi ce "Grateful Swagger". Autre et dernier instrumental, funky en diable, qui est bien proche d'un hommage au grand Albert Collins, en ayant la sagesse de ne pas le copier. La présence de Debbie Davies, ex-lieutenant de ce diable Texan maître de la Telecaster percutante, n'est pas fortuite.


   Parmi les morceaux qui se démarquent, mentionnons ce "Mr Lucky 13" dont l'allégresse et la verve aux couleurs jazzy évoque l'insouciance et la vitalité du British-Blues, notamment celui de Ten Years After, ou du moins la fougue d'Alvin Lee.

Sans omettre le cadeau de Billy Gibbons,  "Nome Zayne" : une pièce qui, outre le son cru, semble être issu des sessions du multi-platine "Eliminator". Ainsi que la pièce éponyme débordant d'énergie, qui effleure de son bottleneck les boogies juteux des premiers Foghat.

     Le reste oscille entre shuffles musclés (le tonifiant "Daredevil" avec Dennis Gruenling à l'harmonica et l'Hammond de Mike Finnigan), mais non stéroïdés et des boogie-rock Texans ("Big Bad Wolf"). Du Blues-rock qui, s'il n'a rien de révolutionnaire, a l'avantage d'être honnête et sincère, tout en évitant de marcher dans les traces d'un Blues-rock US bravache et scolaire. 

     Un disque bien équilibré qui ne trahit jamais l'ennui. Les deux seuls faux-pas, à mon sens, sont "Another Lie", le slow-blues en duo avec Walter Trout. A la base, une belle pièce du genre, cependant, à deux moments, Walter et Alastair partent en live, en solo simultanément et pas vraiment harmonisés. Probablement que certains s'extasieront sur la magie de l'improvisation, il n'empêche que cela irrite quelque peu les tympans. Et "I'm The Taker", Hard-blues-rock auquel on pourrait reprocher un chant un peu paresseux à l'intonation peu convaincante (Ha ! Mais quel bon riff). Mais rien de rédhibitoire, c'est surtout en deçà du bon niveau général.
Alors que depuis quelques années, la production Blues et Blues-rock croule un peu sous les "tribute" et autres albums perclus de reprises, celui n'est constitué que d'originaux. Même la chanson de Billy Gibbons est un inédit. Ce qui participe à l'attrait de cet album.





Le coin matos : Guère habituel dans le Blues-rock, voire même non recommandable, Alastair Greene utilise des Hughes & Kettner en amplis. Un choix probablement initié par son aventure avec le Alan Parson Project. Il a une préférence pour le Pure Tone (dont il fait une démonstration sur YouTube), mais utilise aussi un Tube Meister.
En guitare, c'est du basique. Gibson ES-335 et Les Paul. Plus rarement, une Fender Stratocaster. Sauf pour la Music Man Y2D, la guitare signature Steve Morse, qu'il utilise pour sa versatilité.



🎶🎸 

2 commentaires:

  1. Intéressant en effet, j'avais repéré ce disque depuis quelques temps mais croyant un peu comme toi avoir affaire à un disque de blues-rock de plus j'étais pas allé plus loin . Ton commentaire a aiguisé ma curiosité et la première écoute confirme tes propos . Je vais voir cela de plus près . Merci!

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    1. On peut se tromper, mais je pense que c'est le genre de truc qui devrait te plaire.

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