vendredi 16 février 2018

CRO MAN de Nick Park (2018) par Luc B.



Voilà plus de 40 ans que le studio Aardman nous régale de métrages d’animation, utilisant la technique ancestrale du stop-motion, l'animation image par image. Peter Lord est à l’origine du studio, vite rejoint par le réalisateur Nick Park. Ensemble, ils produisent tout un tas de courts métrages, avec des héros récurrents, comme le duo improbable Wallace et Gromit, puis Shaun le Mouton.

Leur premier long métrage sort en 2000, l’excellent CHICKEN RUN, et cinq ans plus tard le fameux WALLACE ET GROMIT : LE MYSTERE DU LAPIN GAROU. Aardman donne aussi dans le film d’animation en synthèse, comme SOURIS CITY (2006). Les personnages de pâte à modeler reviennent en 2012 avec PIRATES : BONS A RIEN, MAUVAIS EN TOUT, le mouton débonnaire SHAUN a droit de paître sur grand écran en 2015, et voici donc le dernier né : CRO MAN.

C’est à chaque fois un travail technique hallucinant, puisque chaque image est travaillée, une à une. Faites le calcul dans un film d’une heure et demi, combien de poses sont nécessaires ? Car ce n’est pas un personnage seul devant un décor plat, mais l’ensemble des tous les personnages, accessoires, éléments de décors qu’il faut animer. Certaines séquences nécessitent des semaines de tournage pour quelques secondes à l’écran. Les films se caractérisent aussi par un humour débridé, très anglais, le sens de l’absurde comme du burlesque.

Ainsi, CRO MAN débute par une planète Terre encore peuplée de dinosaures, avec ce double insert : « il y a 60 millions d’années... » puis… « ... près de Manchester » ! A dessein, puisque les premiers hominidés percutés par une comète, vont découvrir une drôle de forme, un peu ronde, bouillante, impossible à prendre à la main. Ils vont sans débarrasser à grands coups de pieds : le football est né !

Et nous allons faire connaissance avec Doug, sa tribu d’Hommes de Pierre, son fidèle Crochon - un phacochère domestique ! Ils vivent heureux, paisibles, à la cool, décontractés du silex. Mais l’Histoire est en marche ! Arrive l’âge de Bronze, et des humains beaucoup plus sophistiqués, organisés, productivistes… Doug et sa bande de chevelus cul-nu sont contraints de déménager de leur vallée, et fissa. Ces arriérés crasseux sont la honte de l’humanité ! Leur sort sera lié à un match de foot : celui qui gagne, pourra rester chez lui…

CRO MAN c’est à peu près un gag à la minute, et des petites idées géniales partout, comme les insectes rampants (à trois rayures blanches) qui feront office de chaussures à crampons, les crocodiles pince-à-linge, où la messagerie-mésange ! Les moments les plus réussis sont à mettre sur le compte de Lord Noze, le méchant, avare, rapace, malhonnête, une vrai saloperie, à rapprocher du Louis de Funès de LA FOLIE DES GRANDEURS, y compris dans ses relations houleuses avec la Reine.

Mais la morale est sauve, au final : une équipe (de foot) c’est avant tout un (bon) esprit (d'équipe), plus que des individualités…

Et c’est à que le bât blesse… Le film s’adresse sans doute davantage aux tout petits, qu’aux plus grands dadais comme moi. Le scénario est écrit sur une feuille de Rizzla+, pas d’actions secondaires, d’intrigues parallèles, et les personnages ne sont pas franchement fouillés (notamment Goona, la jeune fille). Il s’agit de faire simple, direct, pour ne pas perdre en route les tout petits spectateurs (dans la salle, les mômes allaient et venaient aux toilettes, c’est vous dire… outre les rehausseurs, fournissez les couches !). Une fois le défi de Lord Noze lancé à Doug et sa tribu, chaque péripétie est attendue, prévisible, quasiment jusqu’à la réplique finale. Le scénario ne fait que reprendre pour la énième fois les motifs récurrents de ce type d’histoire (la gentille équipe amateur, face aux pros snobs et corrompus…).   

Au final, une petite déception (et non, je n’accompagnais pas des mômes, j’y allais de mon propre chef !). Une pincée de mauvais esprit à la Monty Python n'aurait pas nuit.

Une bonne idée de départ, une avalanche de détails rigolos, un méchant haut en couleurs et des répliques qui font mouche (« emmenez-le et tuez-le le très lentement… » sous entendu "tuez-le" lentement, pas "emmenez-le" lentement !!), le tout servi par une réalisation bluffante… mais des qualités mises au service d’une intrigue presque caricaturale tant elle est simpliste et sans surprise.

Ou alors, j'suis trop vieux...

EARLY MAN (2018)
couleur - 1h30 - format 1:1.85

2 commentaires:

  1. J'adore le travail de Nick Park depuis ses premiers courts métrages de Wallace & Gromit. Pourtant, je suis totalement passé à côté de ce "Pirates" de 2012. Je n'en ai pas eu connaissance ... (j'faisais quoi déjà en 2012 ??? J'étais où ?)

    J'regarderai tout de même ce "Cro-Man" car dans les films de Nick Park, il y a toujours le plaisir des yeux. Le détail, le travail minutieux, l'animation qui force le respect. Et à l'époque où l'on profite de la facilité (relative suivant le sérieux du travail) du tout numérique, il est agréable de constater qu'il y ait encore quelques résistants.

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  2. Farpaitement ! Voilà du vrai travail d'artisan (d'orfèvre), c'est même délirant que des gars puissent encore bosser comme ça !

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