mercredi 8 novembre 2017

Ronnie MONTROSE "10 X 10" (29 septembre 2017), by Bruno


Purée de maison à biroutes ! Bande de 😠☠☠✴ !
Il aura fallu pratiquement cinq ans pour que cet opus voit enfin le jour. Sagouins ! Cinq ans ! Testa di catsu ! S'il n'y avait pas eu l'énergie et la volonté d'amis, ce projet n'aurait peut-être jamais vu le jour !
Le "marché" du disque - et du téléchargement 😝 - est inondé de trucs faisandés post-morterm dont on peut légitimement douter de l'authenticité, de diverses compilations souvent synonymes d'arnaques, le tout ne valant généralement pas tripette, et on laisse dormir des enregistrements de cet acabit. Y'a plus d'justice ! Même si l'on sait bien qu'il n'y a pas d'illusions à se faire, que cela fait des décennies que la musique a été kidnappée par des personnes véreuses pour en faire une industrie, le sentiment d'injustice demeure.

       Ronald Douglas Montrose étant décédé le 3 mars 2012, c'en était fini de ses disques lumineux. Or, il n'avait jamais cessé de bosser. Toujours au service de la musique. Depuis des lustres, puisque sa carrière professionnelle remontait aux années 60. En dépit de sa maladie qui l'épuisait et le décourageait, il ne raccrocha jamais totalement. "Music is life, Music is the healer" (B. Michael Wolfman). Après un long moment de doute et de fatigue intense, il reprit sa guitare et recommença à composer et à jouer. Et même à se produire dès qu'il avait retrouvé suffisamment de forces. Quand son état, tant physique que moral, le lui permettait.
Ainsi, avant son décès, Ronnie travaillait sur un projet où chaque chanson aurait un ou deux invités. Des amis, des musiciens qu'il appréciait et d'anciens compagnons de route. Et puis tout prit subitement et tragiquement fin le 5 mars 2012 ; jour où la presse le déclara emporté par un cancer.

Ronnie avec Ricky Phillips

      Connaissant son état, c'était peut-être, tristement, un projet testamentaire. Hypothèse bien probable sachant que le musicien se battait à la fois contre un alcoolisme tenace et un cancer, qui n'ont fait que renforcer un état dépressif dont la source remonte à une enfance difficile. Un état psychologique que la notoriété n'a fait que renforcée. Très critique envers lui-même, il n'a jamais cessé de travailler pour être toujours meilleur. Il ne se considérait pas aussi bon que la réputation qu'on lui prêtait, et craignait qu'un jour on le traite de faussaire (ou quelque chose de ce genre). Sa notoriété a été un fardeau. Ce qui expliquerait que lorsque le succès lui devenait probablement trop lourd à porter, il préférait se retirer un moment. Fuyant même les mondanités. Une manière d'agir suicidaire en termes de carrière. Cependant, c'était pour lui un besoin primordial pour son équilibre. Cycliquement, son profond amour de la musique l'incitait à se placer à nouveau sous les projecteurs, à retrouver la scène.
Projet testamentaire ?... c'est fort plausible, sachant que, contrairement à ce qui avait été annoncé initialement, notamment sur son site, il n'avait pas succombé à son cancer, mais à une balle de 38mm. Sa veuve le concédera plus tard ; et même la presse gardera le secret. Peu de temps avant son suicide, il avait envoyé quelques messages à sa femme, Leigsha. "J'ai un 38 en main, et je suis prêt à partir", "Je suis vraiment désolé, j'ai toujours le pistolet. Je pars pour ce voyage. Je t'aime au-delà de toute mesure".

     Cependant, à aucun moment, ce "10 x 10" trahit l'état de santé de son géniteur. C'est un disque qui a la pêche, foncièrement Rock, Heavy même. Rien de larmoyant, aucun auto-apitoiement, ce qui aurait été bien compréhensible. Non, il irradie d'une saine énergie semblable aux meilleurs Montrose. Soit ceux de la trop courte période Sammy Hagar, et ceux de sa carrière solo. Période malheureusement - et injustement - la moins connue. Comme d'habitude, à cause d'une distribution modeste, mais aussi parce que c'est une musique authentique, qui n'en à rien à carrer des modes et des tendances.


       Enfin... On subodore que le multi-instrumentiste Ricky Phillips (1) ait œuvré pour que cet album voit le jour, puisqu'il s'est sérieusement impliqué dans le projet. A la base comme musicien, jouant principalement de la basse, et au besoin, des percussions et des claviers (Hammond et exceptionnellement Wurlitzer) ; et même si nécessaire, de la guitare. Il s'offre même le luxe de prendre le micro l'espace d'une chanson. Puis comme producteur, arrangeur, ingénieur du son. Et certainement aussi grâce au concours de Leighsa Montrose, la veuve de Ronnie. Sans omettre les membres de Rhino Records qui, depuis des années, œuvrent pour des réhabilitations et le dépoussiérage de divers disques. Des oubliés comme d'anciennes gloires,  grâce à des remasterisations sérieuses et dignes d'intérêt.

       A la base, il n'y avait que la musique écrite par Ronnie Montrose, parfois avec l'aide de Phillips, jouée en trio avec l'aide d'Eric Singer (2) pour la batterie. Un solide matériau de rock dur. Apparemment, seuls Sammy Hagar et Edgar Winter auraient pu participer à la pièce qui leur était réservée. (à ce sujet, les informations divergent totalement). Mais pour le reste, entre les aléas contraignants dus à sa maladie et les emplois du temps de chacun, il a été bien difficile de finaliser ce projet avant que ne sonne le glas.
Pour le reste, il a fallu aller à la rencontre de musiciens pour finir le travail. Notamment pour y chanter car Ronnie  lui, ne chantait pas. Et n'en n'avait pas la prétention, conscient que sa voix était bien trop limitée pour affronter les sons libérés par son Fender Bassman ou ses Gibson Lab Series. Ou même son petit Big Industries de voyage. A peine si, de toute sa carrière, il a chanté sur deux ou trois morceaux. Sur des choses relativement acoustiques, et surtout bien moins relevées et abruptes que son répertoire habituel. (Dont le "Love to You", de George Harrison, sur l'album "Territory".)

Ronnie avec Sammy Hagar

     Ce qu'il y a d'étonnant, vu les circonstances de la majorité des enregistrements, c'est que chaque chanteur invité offre une prestation sans faille, où transparaît un plaisir non feint de participer. Voire même un réel enthousiasme. C'est comme si, pour eux, c'était un honneur d'avoir été convié à participer à la musique de Ronnie Montrose. Il faut savoir qu'en Amérique du Nord, il est encore cité comme une source d'influence par de nombreux guitaristes.
Même Eric Martin, que l'on a connu plus réservé, s'épanouit sur un chaud Hard-blues à la croisé de Bad Company et d'AC/DC. Et lorsque Sammy Hagar rejoint le trio, c'est comme s'il s'était abreuvé à une fontaine de Jouvence, la flamboyance et le dynamisme de "Paper Money" rejaillissant alors ("Color Blind").

Et toujours en dépit de la diversité des intervenants, il en ressort étonnamment une belle cohésion. L'ordre des morceaux fait que l'on n'est jamais heurté par le changement de chanteur. Il paraît même suivre une logique. Une écoute distraite pourrait même ne pas relever ces changements. En tout cas, les passations se font sans accrocs.
Il en est de même pour les guitaristes dont la majorité des interventions semblent suivre la même voie. Si la production doit forcément y être pour beaucoup, le grain et le timbre des six-cordes sont du même tonneau. C'est à se demander si Ricky Phillips n'aurait pas divulgué quelques secrets du maître. Ou bien s'il n'aurait pas carrément prêter le matériel de son employeur et ami défunt (pedalboard et amplis). Comme si, par respect, les solistes tentaient de retranscrire son style. Il y a d'ailleurs quelques phrases qui ressuscitent carrément son jeu. Comme par exemple sur "Head on Straight" où on se demande si Marc Bonilla n'a pas simplement habillé quelques extraits de solo déjà existant pour les lier, tant le solo - en deux proches parties - est ponctué de licks bien spécifiques.
Seul Phil Collen, sur "Still Singin' with the Band" (avec Glenn Hughes au chant) ne trompe guère son monde ; tant dans l'interprétation, qui manque passablement de feeling, que dans le son. On l'a connu sous de meilleurs jours.

     Un disque donc bien agencé avec "Heavy Traffic" qui se présente comme la meilleure introduction donnée, avec notamment Eric Martin qui semble ici transcendé. Comme il n'y a pas de meilleure conclusion que "I'm Not Lying", chanté par Gregg Rolie, d'où émanent des teintes crépusculaires (avec Jeff Scott Soto aux chœurs). Si ce n'était pas une chanson d'amour empreinte de nostalgie, on pourrait croire à un poème chargé d'émotions, un poignant adieu. De ceux qui laissent une immuable et profonde cicatrice. Toutefois le relativement long final, instrumental, finit pratiquement en apothéose.
Ronnie Montrose est parti mais reste toujours présent dans le cœur de ses proches, de ses amis musiciens. Et grâce à ses disques, il laisse un bel héritage.

     La magie de la technologie permet une résurrection virtuelle. Epoque étonnante. Émouvant de pouvoir écouter à nouveau les créations de Ronnie Montrose. D'autant plus que là, c'est du matériel neuf ! Et du bon. Du sérieux, et rien à voir avec l'habitude des charognards cupides exhumant des chutes de studio qui auraient dû partir à la poubelle.
Merci Leighsa, merci Ricky, merci Ronnie.

     Ronnie Montrose était un grand, considéré en son temps comme un guitariste novateur. ("Il était vraiment unique" Davey Pattison). Il est communément admis qu'il a préfiguré un puissant Heavy-rock tel que celui que pérennisera Van-Halen. Je rajouterai que par bien des aspects, il a anticipé le son Satriani ; déjà parfois avec Gamma, mais plus flagrant encore sur les titres Heavy de "Territory"de 1986.  Il en est de même d'une forme de Hard-FM qu'il développera par la suite avec Gamma. Il était respecté, et même admiré par un grand nombre de musiciens (dont des figures emblématiques passées et actuelles). Et ceux qui l'ont côtoyé, le considéraient comme une bonne personne.
Ce disque m'a ému. J'ai découvert avec joie qu'il ne s'agissait nullement d'une arnaque mais bien d'une oeuvre à part entière. Y trouver tant de figurants de réelle qualité, d'authentiques artistes talentueux, et surtout avoir cette sensation étonnante que Ronnie n'est pas mort ; voilà ce qui faut en retenir.

Track listing

  1. "Heavy Traffic" feat. Eric Martin & Dave Maniketti   (Montrose / E. Martin / Pessis / Phillips)   - 4:32
  2. "Love Is An Art" Edgar Winter & Rick Derringer   (Montrose / E. Winter)   - 5:33
  3. "Color Blind" with Sammy Hagar & Steve Lukather   (Montrose / S. Hagar)   - 5:29
  4. "Still Singin’ With The Band” with Glenn Hughes, Phil Collen & Jimmy "Z" Zavala   (Phillips /  Montrose  / Mensinger)   - 3:54
  5. "Strong Enough" feat. Tommy Shaw   (Montrose / Phillips / T. Shaw / Mensinger)   - 4:25
  6. "Any Minute" with Mark Farner & Ricky Phillips   (Montrose / M. Farner)   - 3:10
  7. "The Kingdom’s Come Undone" with Phillips & Joe Bonamassa   (Montrose / Phillips)   - 4:11
  8. "One Good Reason" with Bruce Turgon & Brad Whitford   (Montrose / B. Turgon)   - 3:15
  9. "Head On Straight" with Davey Pattison & Marc Bonilla   (Montrose / Phillips / Mensinger)   - 4:13
  10. "I’m Not Lying" feat. Gregg Rolie, Tom Gimbel & Lawrence Gowan   (Montrose / Phillips / G. Rolie)   - 7:13




🎶

(1) Ricky Phillips s'est fait un nom en rejoignant The Babys en 1979, le groupe de John Waite.. Lorsque le groupe split, il reste en contact avec Waite qui le rappelle pour rejoindre son nouveau projet, Bad English, aux côtés de deux piliers de Journey, Jonathan Cain et de Neal Schon. Combo qui eut son temps de gloire avec des singles classés (dont un "n° 1"). Auparavant, il travaille pour Ted Nugent à l'époque de "Little Miss Dangerous", et Eddie Money pour l'album "Nothing to Lose". Il participe à l'expérience Coverdale-Page. Puis il est recruté par Fergie Frederiksen (ex-Toto). Dans le courant de l'année 2003, il rejoint Styx, dont il est actuellement toujours membre. Il a aussi contribué à la B.O. du 1er "Terminator".
(2) Eric Singer, probablement l'un des batteurs les plus connus de la scène Hard-rock. On le retrouve sur quelques disques de référence du genre des années 80 à 2010, dont quelques gros succès. Pour lui, les choses sérieuses démarrent en 1984, lorsqu'il rejoint Lita Ford pour sa tournée. Puis tout s'accélère l'année suivante, quand il est recruté par Tommy Iommi (qui est alors proche de Lita) pour un nouveau Black Sabbath avec qui il enregistre deux disques. Avant de partir avec le chanteur Ray Gillen pour un nouveau projet : Badlands (avec Jack E. Lee, ex-Ozzy ...). Il ne s'y éternise pas et part cette fois-ci avec Paul Stanley pour une série de concerts. De Stanley à Kiss, il n'y a qu'un pas qu'il franchit en 1991. Aujourd'hui, il est le batteur affichant le plus d'années de service au sein de la grosse machine américaine. C'est un musicien qui, visiblement, n'apprécie guère l'inactivité. Ainsi, à l'occasion, lorsque Stanley et Simmons prennent une pause, il accompagne Alice Cooper en tournée et parfois en studio. Il apparaît sur 3 albums du Coop'. Par ailleurs, il loué ses services à Gary Moore (1989), Brian May, The Cult (1988), Gilby clarke (dont 2 disques studio), Avantasia, Warren De Martini. En plus de son entreprise personnelle, E.S.P.

➸➽   Autre article / Ronnie Montrose (lien) : "Montrose" (1973) + "Paper Money" (1974)

2 commentaires:

  1. Sur le morceau en vidéo, il fallait oser les "4x4/2x2" entre guitare et sax soprano (Edgar Winter ?). C'est pas tous les jours qu'on entend ça en hard rock !! Qui chante sur ce titre ? J'aime bien, c'est Edgar ? On croirait presque, dans le timbre rocailleux, le frangin Johnny...

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    1. Oui Luc. Il s'agit bien d'Edgar Winter, qui malgré ses 70 ans bien tassés (71 en décembre) chante et souffle dans son sax sans vraiment accuser son âge. Et c'est également lui qui joue de l'orgue Hammond (sur ce titre uniquement).

      C'est bien que tu soulignes que ce n'est pas tous les jours que l'on entend ça en Hard-rock. Car, en effet, si l'on met généralement en avant le premier disque de Montrose (voire, dans une bien moindre mesure, Gamma pour le Hard-FM) on occulte trop souvent le reste de sa discographie où l'on découvre un musicien qui a toujours cherché à faire et à présenter quelque chose de relativement nouveau dans chacun de ses disques (à l'exception de "Mean" et de "Diva Station"). Au milieu de morceaux plus ou moins conventionnels, il y avait toujours quelques trucs plus aventureux.
      Cela dès "Paper Money" (2sd opus). D'un autre côté, malheureusement, ça a toujours dérouté les fans. (ceux qui apprécient sans faille l'intégralité de sa discographie, solo et groupes, doivent tous pouvoir rentrer dans une twingo)

      Le rock US lui doit beaucoup.

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