samedi 25 novembre 2017

Johann Baptist VANHAL – Symphonies – CONCERTO KÖHLN (1996) – par Claude Toon



- Ah ah M'sieur Claude… Encore un compositeur qui fait son entrée au panthéon du Deblocnot' ! Hollandais pourrait-on penser ? Ils sont rares les compositeurs hollandais…
- Non pas du tout Sonia, ce n'est pas un van etc. Ce compositeur tchèque de l'époque classique est un contemporain de Joseph Haydn, un peu oublié je vous l'accorde.
- Une musique vivante et même joyeuse, très guillerette même, en tout cas facile à écouter et même entraînante. Pourquoi cette méconnaissance ?
- Bon, en un mot, vous avez dit facile… Il est vrai que contrairement à Mozart, Haydn et au jeune Beethoven, les symphonies de Vanhal sont courtes. Mais elles sont vivantes et passionnantes !
- Et alors de la musique dansante et colorée, moi j'aime bien… Vivaldi a composé beaucoup de concertos divertissants et c'est une tête d'affiche classique…
- Oui mon petit chat et c'est pour cela que je parle de cet oublié du gotha. Cela dit, Vivaldi, côté imagination et profondeur se situe un petit cran au-dessus, ne serait-ce que par ses oratorios.

Ne me demandez pas pourquoi, mais si la Hollande est le pays de la peinture (De Breughel à Van Gogh) et, paraît-il du fromage, je ne connais absolument aucun compositeur d'intérêt même mineur auquel je pourrais consacrer une chronique ! Pourtant, j'ai cherché. Certes on trouve des petits maîtres, mais aucun Beethoven, Debussy, Sibelius ou Verdi. Ben, c'est comme cela. Par contre la musique est très appréciée dans ce pays puisque l'on y trouve d'une part l’un des meilleurs orchestres symphoniques du monde : Le Concertgebouw d'Amsterdam, et d'autre part de nombreux ensembles baroques de prestige et des solistes d'exception comme la violoniste Janine Jansen entendue dans les quatre saisons ou des chefs d'orchestre souvent cités dans ces lignes : Ton Koopman ou Bernard Haitink. Cela dit, je ne connais pas tout, alors si un lecteur me fait une suggestion pour une éventuelle réhabilitation, je suis à l'écoute.
Lors de sa visite matinale, Sonia a souligné l'aspect joyeux de la musique de Vanhal. Elle aurait écouté plus longtemps, elle aurait ressenti des passages plus sombres. Sa musique savait aussi se faire plus contemplative et élégiaque. Mais avant tout qui est donc Jean Baptist Vanhal auteur, excusez du peu, d'environ 1300 partitions !
Jean Baptist Vanhal voit le jour en Bohème en 1739. Donc peu après Haydn, mais presque 15 ans avant Mozart. Il disparaitra en 1813, à 73 ans (un âge respectable pour l'époque), dans cette période où Beethoven a posé les premières pierres du romantisme. Donc, pas d'erreur, Jean Baptist appartient à l'époque classique, même si l'oubli quasi-total dont il est victime ne peut guère s'expliquer que par l'ombre que lui ont fait les trois génies : Mozart, Haydn et Beethoven. Ô, et on reparlera bientôt, il n'est pas le seul…
Vanhal  est d'origine modeste, c'est l'Église qui lui permet d'entrer dans le monde musical en devenant organiste et chef de chœur successivement à Opočno puis Hněvčeves, des petites villes tchèques.
En 1761, coup de chance, il est invité à Vienne par une mécène et peut suivre des cours de composition. Il faut se rappeler que la ville autrichienne est alors, et reste également de nos jours, la capitale de la vie musicale en Europe. Le jeune Vanhal  n'a que 22 ans. Après un séjour en Italie et diverses pérégrinations en Hongrie, il s'installera à Vienne en 1780 jusqu'à la fin de ses jours…
Au XVIIIème siècle, un compositeur, même de renom comme Haydn, se doit de vivre sous la dépendance d'un protecteur, la plupart du temps un noble ou un prince de l'Église. Jean Baptist Vanhal fait exception en pouvant vivre à la fois de ses talents de pédagogue et des concerts où sont jouées ses œuvres avec succès. Il préfigure Beethoven qui lui aussi prendra sa liberté de manière fracassante en 1806, quitte à tirer un temps le diable par la queue.
Werner Ehrhardt
Donc, avec 1300 compositions, Vanhal rejoint le groupe des compositeurs prolixes comme Telemann, Bach ou Haydn. Petit rapprochement avec ce dernier : une centaine de symphonies. Certes, celles-ci sont beaucoup plus courtes comparées aux Londoniennes, mais partagent avec elles un goût évident pour la verve et la fantaisie. Mais tout son travail sera pratiquement oublié jusqu'en 1997, date à laquelle un catalogue le plus exhaustif possible a été établi.
Vanhal a connu une traversée du désert de près de deux siècles. Depuis 20 ans, la discographie commence à s'étoffer. On trouve des gravures originales dans tous les genres : symphonies, concertos, musique de chambre et également musique religieuse, domaine pour lequel le compositeur a beaucoup produit. Un grand merci aux ensembles baroques qui n'ont pas hésité à nous faire redécouvrir cet oublié de l'âge d'or classique. Bien entendu, ce sont des labels inventifs comme Naxos ou CPO qui ont tenté l'aventure. Concerto Köln a ainsi gravé cet album de cinq symphonies chez Teldec.
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L'album du jour a été enregistré en 1996 par l'ensemble Concerto Köln (ne pas confondre avec musica concerto Köln créé par Reinhardt Goebel). Concerto Köln est un orchestre de chambre créé en 1985 et qui a la particularité de jouer sans chef attitré même si le premier violon peut faire fonction. Pour ce disque, place au violoniste solo et chef Werner Ehrhardt, élève de Sigiswald Kuijken, l'un des maîtres du baroque. Le fonctionnement de cette formation doit vous rappeler l'Orpheus Orchestra dont je parle souvent dans ces pages et qui officie aux USA, mais à l'opposé de leurs confrères yankees, les musiciens de Concerto Köln jouent sur instruments d'époque et ont ainsi réhabilité nombre de compositeurs oubliés de la période baroque ou classique comme Vanhal.
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Carl Schütz (1745 - 1800) Rue de Vienne
La forme symphonie classique va connaître son apogée vers la fin du XVIIIème siècle et se nourrir du mouvement intellectuel Sturm und Drang. Littéralement : Tempête et passion. Écrivains et musiciens se passionnent pour les idées modernistes des philosophes du siècle des lumières : la liberté, le rejet des conventions sociales et de l'injustice des régimes monarchiques. Tempête et vent nouveau se rejoignent dans l'expression musicale. Les années 1770 connaîtront une profusion de ces symphonies farouches et animées qui annoncent les élans plus épiques du romantisme qui se dessine (3ème symphonie "héroïque" de Beethoven en 1803). Quelques exemples : Haydn et plusieurs de ses symphonies entre les N°30 et 70 (voir les N°44 "funèbre" et N°49 "Passionne") (Clic) & (Clic) ; Mozart et sa symphonie n°25 écoutée cette année (Clic). Trois ouvrages reconnaissables à leur style enfiévré et interrogatif sur la destinée humaine.
Jean Baptist Vanhal va assurer avec habileté la synthèse entre le tumulte et le divertissement. Cela explique son succès à l'époque, mais ce mélange des genres lui sera sans doute reproché par les ultras du romantisme ; d'où son purgatoire.

Les cinq symphonies présentes sur cet album font appel à un orchestre proche de celui de Haydn et de la première symphonie de Beethoven, hormis la clarinette à l'usage encore balbutiant, donc : une vingtaine de cordes, 2 flûtes, 2 hautbois, 1 ou 2 bassons, 4 cors, un clavecin, et pour la symphonie référencée C11 : 2 trompettes et des timbales.


Carl Schütz (1745 - 1800) Vienne – Place Michael
Symphonie C11 en do majeur "Sinfonia comista"
L'œuvre ne comporte que trois mouvements à la manière d'un concerto. Un ouvrage tardif dont on ne connaît pas la date exacte de composition ; la plupart des partitions manuscrites ont été perdues. L'allegro initial est sous-titré "La speranza" (l'espoir). L'introduction commence, si je puis me permettre cette facilité, avec tambour et trompettes. Le discours se révèle coloré et vif. Les contrastes très marqués, les trompettes semblent s'amuser en intervenant comme des éclats de rires. Divertimento ? Oui et non car la vitalité presque frénétique semble cacher une course vers une joie difficile à atteindre (l'espérance soulignée par le sous-titre). La polyphonie est très travaillée et l'orchestration rutilante. Un petit grain de folie…
L'andante, [4:02] lui aussi suggère une œuvre à programme en affichant "Il sospirare e languire" (soupirer et languir). Ô rien de douloureux mais une douce réflexion intimiste avec un chant délicat des violons comme second sujet. La mélodie est élégante, d'un esprit légèrement nocturne. Vanhal fait preuve d'imagination dans son écriture. Ainsi, les altos sont divisés en deux groupes pour offrir des sonorités nostalgiques dans ce très tendre mouvement lent.
Vanhal fait l'impasse sur le menuet traditionnel pour enchaîner sur le final scindé en deux parties : un adagio "La lamentazione" (La lamentation) [8:56] suivi d'un allegro [9:48] au tempo mesuré "L'allegrezza" (l'allégresse) [8:56]. L'adagio se présente sous forme de quelques mesures plaintives et douloureuses mais sans doute à chasser de nos esprits puisque l'allegro aux accents heureux l'interrompt et conclut cette séduisante symphonie de façon rythmée et étincelante avec de nouveau des traits de trompettes éclatants. Le timbre agreste des instruments anciens sert à merveille cette musique sans développement superflu. Douze minutes de gaité sous la direction énergique, concertante et claire de Werner Ehrhardt.

Carl Schütz (1745 - 1800) Vienne - Ancienne université
Symphonie a2 en la mineur
Cette symphonie en quatre mouvements, antérieure à la C11 est connue et enregistrée depuis 1947. Elle est plus développée.
Elle débute comme souvent dans les œuvres influencées par le courant Sturm und Drang par un allegro moderato qui distille inquiétude et mystère. Le thème initial est captivant d'autant que Vanhal évite la reprise pour énoncer un second motif rapidement. La réexposition propre à la forme sonate sera plus tardive. Les phrases musicales se succèdent avec élégance et poésie, l'harmonie est très présente. Le nombre modeste de cordes apporte un bel effet concertant de la part de l'orchestre. Je n'imagine guère cette musique interprétée par un grand orchestre symphonique dans une grande philharmonie. Encore une caractéristique qui explique que Vanhal ait dû attendre le retour à des couleurs et effectifs authentiques pour intéresser les artistes.
[4:35] L'andante cantabile adopte une scansion délicate et pimpante. Les cors illuminent de touches de couleurs cuivrées un récit mélodique d'une grande tendresse (le choix de la tonalité de la majeur n'est pas étranger à cette sérénité).
[7:42] Le menuet et son trio n'adoptent toujours pas un tempo très rapide (allegro molto à mon sens). Là encore une douce allégresse avec un trio fantasque dominé par un dialogue entre les cordes et le hautbois.
[10:12] L'allegro final joue sur des frémissements très variés après deux mesures d'introduction un peu sombre. Le jeune Haydn de la symphonie N°49 n'est pas loin. Vanhal se révèle décidément très inventif avec l'usage de syncopes, de ruptures de rythme et toujours cette vitalité qui fascinait tant le public de l'époque préromantique.

Les trois autres symphonies enregistrées sur ce CD sont de la même veine : une musique à découvrir.
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3 commentaires:

  1. Inconnu et intéressant, agréable à l'écoute ! J'aime beaucoup ! Merci pour la découverte !

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  2. Merci, formidable ! Que de belles choses à découvrir de J.B. Vanhal grâce à vous, à youtube, à mon école de musique aussi !

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  3. Merci, votre remarque me va chaud au cœur.
    Le nombre de compositeurs "sympas" passés à la trappe de l'histoire est important. J'essaye de leur rendre justice :o)

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