samedi 9 septembre 2017

MOZART – Divertimento N°1 & 2, K 136 & 137 – Ton KOOPMAN vs Herbert von KARAJAN – par Claude Toon



- Tiens M'sieur Claude… des petites œuvres de Mozart, ça pétille jusque dans le couloir… Surprenant après les grandes chroniques sur Vaughan Williams et Bach !
- Moui, en ce début septembre, je me sens encore un peu encore en vacances. Et puis certains de mes lecteurs doivent se débattre avec la rentrée, donc un papier court…
- Ma foi pourquoi pas, c'est une œuvre pour cordes et de jeunesse, par ailleurs je crois que vous aimez bien Ton Koopman que l'on a déjà rencontré dans le blog…
- Tout à fait Sonia, Mozart a 16 ans quand il couche sur les portées ce que l'on considère parfois comme sa première symphonie. Ton Koopman retrouve la jeunesse du propos…
- Vous nous proposez en prime le divertimento N° 2 K 137… C'est un groupe d'œuvres similaires ?
- Exact, Mozart en a composé 3, de K 136 à K 138. D'ailleurs au disque, on les retrouve souvent ensemble. Une musique très fraîche…

Mozart en 1772
Il est assez poilant de lire la synthèse de Brigitte et Jean Massin à propos des débats entre musicologues érudits sur la classification (on pourrait parler de taxonomie obsessionnelle) pour le groupe des trois premiers divertissements. Certains pensent à des quatuors orchestrés pour le besoin d'un concert. D'autres leur dénient le titre de Divertimento du fait de l'absence de menuet et enfin certains contradicteurs pensent qu'il s'agit des premières symphonies de Wolfgang mais pour lesquelles le jeune génie n'aurait jamais eu le temps d'écrire les parties de vents et/ou de cuivres…
Les deux musicologues français s'amusent de ces joutes savantes et je rejoins leur point de vue, à savoir que très jeune, Mozart n'avait pas l'intention de s'enfermer dans des moules académiques et a donc composé en un tour de main et avec la forme qui lui chantait ces charmantes pièces en trois parties. Bref, en un mot, des concertos orchestraux pour petit ensemble de cordes. De la même époque datent huit symphonies. Ce diable de gamin avait donc composé 11 œuvres symphoniques en huit mois sans compter des incursions dans d'autres formes musicales… Les Massin concluent leur analyse en parlant d'œuvres bâtardes, ce qui est un compliment en regard de l'indépendance et de la liberté intellectuelle du jeune Mozart. On les appelle parfois les symphonies de Salzbourg.
Ils ont donc été écrits, c'est une certitude, même si les manuscrits originaux sont perdus, lors du premier trimestre 1772 par cet adolescent précoce et surdoué déjà au faîte de son art.
Curieusement, ces virevoltants et galants divertissements n'ont pas la discographie variée qu'ils méritent. Je les ai découverts avec une gravure de Herbert von Karajan de la fin des années 60 avec les belles cordes de la Philharmonie de Berlin. Le maestro autrichien s'est bien illustré dans Mozart avec certes une direction qui regarde vers le romantisme à venir (quand on entend les dernières symphonies et concertos, ça se tient). Le disque a été réédité et c'est une bonne chose…
On entend parfois ces ouvrages dans une réduction pour quatuor à cordes. La richesse des mélodies rend la transcription bien agréable. Le style italien semble omniprésent dans les compositions. Cependant l'ambition conféré au développement élargi des mouvements bat en brèche la tradition de copier la brièveté des œuvres similaires italiennes de l'époque classique en ce siècle des lumières. Mozart le novateur
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Ton Koopman
Troisième article mettant en scène le chef néerlandais Ton Koopman. Un artiste majeur de la musique jouée sur instruments d'époque mais sans la radicalité de certains confrères qui jouent Mozart avec des ensembles étriqués aux timbres acidulés comme si il s'agissait de sinfonia des fils de Bach, donc du baroque très tardif à la lisière de l'âge classique.
Nous avons déjà écouté dans le blog un concerto baroque de Corelli de 1690 (Clic), et cela pour les fêtes de Noël 2015 (Koopman déjà en compétition avec Karajan). Puis un autre jour, place à la symphonie N°44 "Funèbre" de Haydn dans une interprétation pleine d'émotion et là aussi sans les lourdeurs parfois appliquées à la musique du maître et mentor de Mozart. Nous étions au mois d'août 2015 et j'avais détaillé la biographie de Koopman pour ce papier. (Clic)
Bien entendu, c'est son ensemble Amsterdam Baroque Orchestra qui est mis à contribution. Il a été créé en 1979 par Koopman. Le nombre des cordes est limité à une dizaine d'instrumentistes, avec sans doute une contrebasse trapue et à cinq cordes du XVIIIème siècle qui se fait légère. Le son devient ainsi brillant et lumineux, je dirais même pétillant.
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Une analyse sophistiquée de ces deux divertimentos n'aurait pas grand sens. On n'y trouve aucunement la profondeur, l'épicurisme opposé aux doutes spirituels des œuvres de la fin de la vie de Mozart. Quoique en parlant d'épicurisme… Il y en a…

Réédition des gravure de Karajan de 1967
Divertimento K 136 : Il comprend 3 mouvements. L'allegro débute par un motif rythmé et gouleyant suivi par un thème en trilles. Quel galanterie dans cette musique pour soirée festive à Salzbourg. La mélodie se révèle irrésistible de gaité. À 16 ans, le jeune compositeur est encore très respectueux de la forme et la reprise se fait da capo avant un développement qui chercherait presque à nous conduire vers des sentiers plus épiques avec ses pizzicati dans les graves. La reprise, après ces quelques variations, présente des fantaisies qui montrent le souci du jeune homme de ne pas lasser son public avec une mélopée académique. On ressentira sous la baguette de Ton Koopman une vitalité toute italienne, très logique dans cette Autriche qui vit encore à l'heure du baroque italien.
L'andante prolonge cet effet de soirée BCBG dans une cour princière. Le tempo est lent et on ressentira cette élégance altière qui fera la réputation de Mozart dans les mouvements lents à venir, notamment dans les grands concertos pour piano. Ton Koopman articule avec délice cette musique ondoyante, aux lumières crépusculaires, dans le sens d'une belle nuit qui tombe sur l'assemblée…
Le très court presto se présente comme une course éperdue et galopante par sa rythmique affirmée. Je recommande cette musique pour accompagner le petit noir du matin. C'est totalement antidépressif !

Divertimento K 137 : Le second divertimento commence de manière plus grave par un andante. Enfin grave, tout est relatif, disons que la retenue et la sérénité surprennent après la vélocité du K 136. La mélodie se veut imaginative et le concept d'un mouvement symphonique d'une certaine ampleur se distingue résolument. On retrouve le ton de marivaudage des œuvres de cette époque. Mozart dépasse avec une facilité stupéfiante les limites d'un simple morceau destiné à divertir un public qui a la tête ailleurs, qui échange des mondanités ou, pire, s'empiffre de petites gâteries 😊.
Les deux allegros qui suivent sont très brefs mais d'une vitalité sans borne. On ressent dans cette joyeuse folie la boulimie de composition qui anime Mozart en cette année-là.
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Il est amusant de comparer l'évolution des options interprétatives entre les années 60 et le tournant du XXIème siècle. Karajan fonce de manière jubilatoire sans faire les reprises d'où la différence de durée sensible avec l'exécution de Ton Koopman dont les tempos sont tout aussi allants… Chacun peut avoir sa préférence ou, comme moi, aimer les deux visions. Mozart s'adapte bien à des conceptions diverses sous réserve que la cohérence et la vivacité ludique soient au rendez-vous… Voici les divertimentos K 136 à K 138 publiés en 1968 avec une Philharmonie de Berlin légère, légère, légère…



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