jeudi 29 décembre 2016

L'ACCORDEON OU LE PIANO DU PAUVRE - par Pat Slade







Rockaccordéon




L’accordéon, aux oreilles de certains, n’est qu'un instrument poussiéreux et complètement dépassé. Celui de nos aïeux, de la musette, de la valse et des guinguettes de l’avant et de l’après guerre. Ayant eu un grand-père accordéoniste, je ne peux pas critiquer ce noble instrument à vent dont les premières traces remonteraient à la Chine ancienne et qui ne trouvera sa forme définitive qu’au XIXe siècle en Autriche.

Pour beaucoup, si l’accordéon n’est lié qu’à Aimable, André Verchuren et Yvette Horner, ils devraient revoir leurs vision sur le piano à bretelles. Même si il est synonyme de musique populaire, il a servi tous les genres et tous les styles de musique. On peut le trouver en musique classique, Piotr Illich Tchaïkovski en intégrera 4 dans sa «Suite pour orchestre n°2», l’allemand Paul Hindemith dans sa «Kammermusik n°1» réécrira la partie d’harmonium pour l’accordéon. On le trouve et aussi dans l’opéra «Wozzeck» d’Alban Berg, «L’opéra de quat’sous» de Kurt Weill, chez Serge Prokofiev : «20e anniversaire de la révolution d’octobre opus 74», Dmitri Chostakovitch : «Jazz suite n°2», Darius Milhaud, Luciano Berio… l’accordéon a bien été servi par en musique dite "savante" (allez savoir pourquoi cet adjectif). Il existe de nombreuses transcriptions de pièces diverses comme la toccata et fugue si connue de Bach proposée en vidéo...      

Pour les jeunes générations, c’est un instrument «ringard», juste bon à mettre à la retraite, mais tout le monde ne pense pas la même chose. Si à une époque l’accordéon à été dans le creux de la vague, certains artistes se sont emparé du soufflet pour lui donner une seconde vie.

Ce dernier va perdre de sa verve populaire même si certains artistes continueront à le chanter comme Edith Piaf et son «Accordéoniste» en 1940. Jean Ferrat, en 1960, chante «Ma Môme» et ressort ainsi l’instrument de son étui pour lui redonner une nouvelle jeunesse. Brel et sont Chauffe Marcel ! Dans «Vesoul» en 1968 prend le relais. Jacques Brel qui accordera une grande place à l’accordéon dans son œuvre, «L’Eclusier» sera uniquement joué avec l’instrument et par son accordéoniste de prédilection : Marcel Azzola. Beaucoup des chanteurs des années 50-60 prendront le thème à bras le corps comme Juliette Gréco «Accordéon» en 1965, mais aussi Charles Aznavour, Serge Gainsbourg, Philippe Clay et Charles Trenet tout en sortant du registre musette et bal populaire.    

Zachary Richard
Et puis il disparaît à nouveau, On ne peut plus  l’entendre que dans les mariages et autres fêtes familiales. Ceux qui voudront écouter un accordéon différent de celui connu en France devront aller dans les pays anglo-saxons. L’Irlande s’en servait déjà depuis longtemps dans sa musique traditionnelle avec l’accordéon chromatique (Avec un clavier inspiré du piano) mais aussi diatonique. Beaucoup de groupes comme The Fureys, The Dubliners, The Dublin City Ramblers et Les Pogues, le groupe de Shane MacGowan qui restera le groupe le plus connu du grand public, useront du son des instruments Irlandais dans leurs compositions et surtout celui de l’accordéon. On pourra aussi aller en Louisiane avec la musique Cajun, ou au Canada les ballades acadiennes serviront l’instrument de belle manière, les artistes plus connus resteront Zachary Richard et Marc Savoy.
En France, l'accordéon va sortir enfin de sa torpeur et se retrouver sur le devant de la scène. En 1966, les charlots, lors d’un gala, joueront de l’accordéon sur le titre «Je dis n’importe quoi, je fais tout ce qu’on me dit», un sursaut avant qu’arrive un p’tit gars de Tours armé de son piano à bretelle, Gérard Blanchard qui va submerger les ondes de son «Rock Amadour». Une certaine rock-attitude sur l’accordéon qui lui fera écouler 1,7 million de copies. Dans les années 90, il sortira un album intitulé «Branle Poumon» (Désignation argotique de l’accordéon). Mais c’est Jacques Higelin qui le premier va réintroduire le piano du pauvre dans le rock français, même si le grand Jacques s’en servira surtout pour des ballades nostalgiques comme dans «La Rousse au Chocolat». Il aura même l’audace de le mettre sur l’affiche de son spectacle au Casino de Paris en 1983.  

Renaud et son coté poulbot ne
Christian Decamps (Ange)
pouvait pas laisser passer l’occasion de ne pas apprendre à jouer de l’instrument. Christian Decamps, patriarche, mentor et chanteur du groupe Ange apportera lui aussi sa pierre à l’édifice avec l’album «Par les fils de Mandrin». Autre musicien multi instrumentistes qui se sert très souvent de l’accordéon : François Hajdi-Lazaro la pierre angulaire des Garçons Bouchers et de Pigalle un groupe qui remettra au goût du jour la chanson réaliste.

Yann Tiersen
Le rock alternatif avec les Négresses Vertes, les VRP, Les Hurlements d’Léo, les influences tziganes et Les Ogres de Barback, le folk rock des Têtes Raides et même le métal avec Nightcreepers vont avoir l’audace de le mettre en scène. Et puis le dernier pour la bonne bouche qui le fera sortir des sentiers battus et exportera le son de l’accordéon jusqu’au Japon, c’est Yann Tiersen et la musique du «Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain».  


Même Jimi y a touché !
A l’étranger, le rock va s’approprier l’accordéon et va le mettre à toute les sauces. En 1967 The Young Rascals avec «How Can I Be Sure» suivi peu de temps après par les Rolling Stones avec «Back Street Girl»  dans l’album «Between the Buttons». Ou encore «When I Paint My Masterpiece» par The Band et écrit par Dylan en 1971. Même les Who dans «The Who by the Numbers» arriveront à le mettre dans «Squeeze Box». La légende raconte que Pete Townshend a acheté un accordéon et a appris à en jouer en quelques minutes et a rapidement composé ce titre. On le trouvera aussi, en vrac, chez Springsteen en 1973 dans «4th of july, Asbury Park (Sandy) », Dave Edmunds en 1982 dans «Bail You Out», Les Talking Heads : «Road To Nowhere», Paul Simon et ses sons sud africains dans l’album «Graceland» sur «The Boy In The Bubble», Paul McCartney sur son album live «Unplugged» avec une reprise des Beatles de «We Can Work It Out». Même le «Jeune» prix Nobel de Littérature Bob Dylan s’en servira en 2009 dans le titre «Beyond Here Lies Nothin» dans son album «Together Through Life».

Mais beaucoup d’autres s’en serviront dans leurs musiques comme les Beach BoysJohn Mellencamp, Mark Knopfler dans sa période solo, Styx et Tom Waits pour ne citer que ceux-là. Même Slade jouera de l’accordéon sur un titre dans l’album «Nobody’s Fools» en 1976 : «In For A Penny». Même si à l’image c’est Noddy Holder qui joue du bandonéon, c’était Jim Lea le bassiste qui jouait de l’accordéon lors de l’enregistrement. 

L’accordéon est-il alors si vieillot que ça ? L’accordéon est-il un instrument tellement dépassé ? Si oui, pourquoi autant d’artistes et de musiciens en on fait leur instrument de prédilection ?

♫♪«Accordez, accordez, accordez donc
L'aumône à l'accordé l'accordéon» ♫♪     



1 commentaire:

  1. j'espère que l'ami Shuffle va tomber sur ton excellent article, car j'ai cru comprendre qu'il avait une vision très partielle de l'instrument, à moins qu'il y ait eu de sa part une dose de mauvaise foi mais j'en doute, c'est pas dans ses habitudes......Pour ma part l'amateur de folk et country que je suis ne peut être insensible à cet instrument.Amené par les colons allemands au Texas, on le trouve chez des song-writers comme Joe Ely souvent accompagné par le remarquable Joël Guzman , "Live at Antones" et "Live Cactus". Amicalement et bonnes fêtes de fin d'années.

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