mardi 18 octobre 2016

LION SAYS "New folk" (2016) + Interview Lionel Giardina et Fred Woff

Lionel Giardina n'est pas un inconnu de ces colonnes, il forme en effet avec Fred Woff le duo rennais Two the West que nous avons déjà croisé ici pour un bel album tendance rock progressif (CLIC !)  . On  retrouve ici Lionel avec un projet solo acoustique de belle facture riche en belles mélodies, en guitares, lap steel, violons, dobros,  enfin en solo façon de parler puisque son compère Fred est au mixage et à la production, et aux batterie et basse. Puisque nous avons le privilège de les accueillir tous les deux profitons en pour mieux faire leur connaissance :


Fred, Lionel
Le Deblocnot : Lionel et Fred nos lecteurs vous connaissent déjà un peu à travers Two The West mais on va essayer d'en savoir un peu plus. Pouvez-vous nous parler de vos parcours musicaux respectifs et de votre rencontre, vous vous connaissez depuis un moment je crois?
Lionel : Oui oui, on se connaît depuis tout gosse. Personnellement, je ne me rappelle pas d'une vie sans Freddy (rires) ! En gros on a grandi ensemble, donc oui, ça fait un moment qu’on bricole tous les deux. Dès neuf ans on enregistrait des trucs, des chansons, mais aussi beaucoup de trucs pour se marrer - comme des parodies ou des délires spontanés. On a toujours eu ce lien direct à l'enregistrement. On est assis sur des kilomètres de bande magnétique et des kilos de disques durs (rires) ! Gamins, on n’a jamais eu le temps de s'ennuyer ou de chercher un truc à faire. Peut-être qu’on est toujours un peu ces mômes devant le gros magnétophone du salon… Au final, il nous a fallu pas mal d'années avant de nous ouvrir aux autres, de jouer avec les autres, de faire des concerts, de sortir un disque. Trois disques plus tard, avec trois équipes différentes, l’envie de partager est vraiment là. Même si c'est difficile en tant qu'indépendants. On a monté SSI Records pour ne rien devoir à personne et faire ce qu’on avait envie de faire, même si ça implique de faire beaucoup de choses par nous-mêmes. On a fini par intégrer que faire des chansons fait partie de nos vies, et que si on y renonce à le faire – il y a toujours plus de raisons pour renoncer que pour persévérer – on risque fort d'être malheureux.
Fred : Concernant l’enregistrement, je confirme, j’ai attrapé très tôt le virus ! A trois ans, je me baladais déjà avec un petit magnéto… J’écoutais tout le temps de la musique. Forcément ça m’a amené à vouloir jouer de toutes sortes d’instruments. J’ai commencé par l’orgue Hammond, grâce aux disques 60s/70s de mon père. Ado j’ai un peu bifurqué parce que j’avais envie de découvrir d’autres sonorités. Avec Lionel, on s’est mis ensemble à jouer de la gratte. Lui a persévéré à la guitare, au chant et aux textes ; moi, à la batterie, la basse, les bidouillages électroniques, la console de mix et les claviers vintage. Tout s’est fait naturellement, chacun a trouvé sa place. Comme je voulais en savoir plus, j’ai avalé une maîtrise de musicologie à Rennes et un master de son à Prague, ça m’a permis d’apprendre un tas de choses. Pendant ce temps là, Lionel était en Angleterre. Du coup j’ai progressé dans mes prises de son et ça a été l’ouverture à l’écriture musicale. Je pouvais enfin écrire mes arrangements, traduire ce que j’avais dans la tête, pouvoir les faire jouer, les enregistrer, et du coup, satisfaire nos ambitions avec Lionel ! L’inventivité d’un George Martin ou d’un Brian Wilson ou des albums orchestraux tels que « Atom Heart Mother » (Pink Floyd & Ron Geesin) nous faisaient rêver. Perso, tout ce qui dépasse les 4 accords m’intéresse, du moment que l’harmonie soit élargie, que les mélodies aient du caractère, et que les arrangements et la production soit inventive, qu’il y ait de l’âme dans les enregistrements. Et justement, c’est précisément ce que j’aime bien avec Lionel dans ses compos. Il réussit toujours à placer des petites surprises musicales, des petites bifurcations inattendues, tout en gardant une ligne stable. Quand j’entends sa musique, ça me parle direct, j’imagine tout de suite le panorama sonore. Sur cet album, c’est vrai que j’ai moins arrangé que sur le précédent, mais je me suis éclaté sur la batterie et la basse, et j’ai mixé intégralement le disque et géré le mastering qui est dorénavant mon activité principale.

- Lionel, pourquoi cet album solo, tu voulais t' exprimer différemment? comment est né ce projet? D'ailleurs solo n'est pas le mot puisque Fred tu y es largement associé, et d'autres musiciens interviennent aussi..
Lionel
Lionel : Ceux qui me connaissent le savent, j'ai toujours écrit des chansons. Ce projet est né après l'aventure Two the West, tranquillement. Je voulais depuis quelques années réenregistrer des vieilles compos acoustiques, enregistrées sur un 4 pistes, auxquelles je voulais redonner une jeunesse et un nouveau son. En parallèle, de nouvelles idées ont pointé leur nez… Ça peut paraître prétentieux mais c'est parfois les chansons qui viennent vous chercher, et pas l'inverse. Parfois, il suffit d'être assis là, disponible, ouvert… Écrire une chanson ne devrait jamais partir de la volonté d’écrire une chanson. C'est à la fois le truc le plus intime et le plus imprévisible du monde. Je ne sais pas faire ça avec d'autres, même si il nous est arrivé de bosser avec Fred, c'était toujours en partant d'idées préexistantes, les siennes ou les miennes. Pour en revenir à ce projet, tout a commencé à la campagne dans un lieu que j'adore, où tout s'arrête, sans internet ni téléphone. Tout le monde était bien autour de moi, ma guitare ne gênait personne. Plus de la moitié des chansons sont nées en quelques jours. A chaque fois que je prenais ma vieille guitare classique, il y avait une chanson dedans (rires) ! Ensuite j’ai finalisé les textes – retravailler l’écriture est moins spontané, il faut mettre en forme, avec précision. C'est un peu plus de discipline mais c'est très exaltant. C'est un peu comme encrer un crayonné dont on est content. Il y a une part de technique, mais il ne faut surtout pas s’éloigner du trait de départ, du mouvement original. Ensuite j’ai fait quelques prises de son à la maison. Pour la première fois depuis qu'on se connaît avec Fred, je ne lui ai pas envoyé chanson par chanson. J'ai attendu d'en avoir sept ou huit, guitares et voix. Je voulais qu'il me fasse un retour sur l’atmosphère, il y avait déjà une sorte de tout qui se tenait. A ce moment là, je ne lui ai rien demandé, je voulais juste qu'il écoute.
Fred
Fred : Et quand j’ai écouté j’ai trouvé que les morceaux étaient super, mais à ma grande surprise, ils étaient plus aboutis que d’ordinaire, comme si les maquettes prenaient déjà une tournure d’enregistrement studio. Lionel avait jusqu’ici souvent l’habitude de m’envoyer des versions brutes de ses morceaux, mais là, il y avait des arrangements, certains définitifs, d’autres provisoires. Je trouvais que ses idées étaient globalement plus abouties que d’ordinaire, et c’est ainsi que l’idée d’album solo nous est venue… Avec autant de chansons bien ficelées, il n’y avait plus vraiment de place pour que je compose quelque chose dans cet album ! Lionel voyait déjà dans ce projet quelque chose de plus épuré, sans claviers, et avec très peu de cymbales. Il avait donc des idées assez arrêtées sur le projet. On en a conclu que ce projet étant plus personnel dans sa gestation, il fallait naturellement qu’il assume cet album sous sa propre houlette, avec son propre nom d’artiste. Une sorte de side project par rapport à Two the West. D’une manière générale, je trouve ça très bien de vouloir aller plus loin dans l’introspection, c’est une autre route, mais absolument pas incompatible avec un travail commun et un travail de groupe. D’ailleurs pour ne rien te cacher, je suis aussi dans la même démarche. Mon projet perso sera sans doute très différent de Lion Says ou de Two The West, ça me prendra du temps, mais ça sortira ! Quoi qu’il en soit, ces side projects ne changeront jamais notre envie de continuer à faire de la musique ensemble. Un peu à l’image de Voulzy et Souchon, quoi ! Chacun ses projets, with a little help from my friend, mais aussi, des projets communs. Sans oublier les participations sur les projets des copains, et les rencontres musicales. C’est toujours très enrichissant.
Lionel : Je tiens à préciser que Fred a apporté beaucoup en terme de couleur sur ce disque. Il a pensé tout de suite à des balais, à des sections rythmiques minimalistes mais bien présentes. Sur Catchers in the Rye par exemple, c’est lui qui joue de la Hofner et de la batterie. Il y a un groove unique, il fait littéralement décoller la chanson. Comme l’identité sonore du projet se précisait, j'ai appelé des amis que je voulais entendre sur le disque. Des musiciens qui avaient déjà bossé en studio avec nous pour Two the West. Arthur a finalisé la batterie sur « I’m getting you » parce que c’est le son qu’on voulait. Il a fait tous les tambourins aussi. On a vécu des sessions inoubliables avec Jean-Baptiste Ramaut au violon, hyper créatif et à l'écoute, comme toujours. Fred Lesaint est venu avec 4 ou 5 resonators différents – qu'on appelle génériquement des Dobros, des vieux instrus magnifiques et introuvables. Fred Lesaint a un toucher unique, il peut jouer une mélodie complexe en slide, uniquement en harmoniques. C’est est aussi un très vieux pote. La musique nous permet de nous retrouver régulièrement ; c’est avec lui que j’ai fait mes premières armes sur scène. Ça peut paraître cliché mais quand on se retrouve dans ces moments là, on n'a pas besoin de parler énormément. Comme avec Fred Woff, c’est la musique qui nous relie, c'est comme un lien inaltérable. On se dit autre chose en jouant, et c'est chouette. Pour moi c'est aussi ça faire un disque. Passer des moments forts avec des gens qu'on apprécie, sortir ce qu'on a de plus inspiré à ce moment là… Être musicien finalement c'est avoir l’opportunité de donner un peu de soi. Et puis si on est sincère, il y a forcément des gens et des oreilles qui vibrent avec vous, qui se reconnaissent. Je le sais parce que j’écoute les disques des autres (rires) !

- L’album New Folk est assez différent de Two the West même si dans ce dernier on trouvait des passages folk, d'ailleurs tu l'as titré "New folk", que représente ce "nouveau folk" pour toi?
Lionel : Je ne prétendrais pas faire quelque chose de neuf. Disons que Fred et moi avons pris un vrai bol d'air avec ce projet. A part la basse et mon vieux lap steel, on n’a joué que sur des instrus acoustiques. Pas de pédales d’effet, de claviers, de numérique. Les resonators, les violons, le glockenspiel, les percus, les guitares 6 et 12 cordes... Je me suis aussi amusé avec des guitares acoustiques à l'envers, de l'harmonium ou du sanza (petit instru percussif africain). Pour être honnête, je n'ai pas écouté beaucoup de folk ces dernières années. Ce disque est plus une démarche, une envie de prolonger les bonnes vibrations acoustiques. Contrairement à notre précédent disque avec Two the West, qui était très arrangé, on avait envie d'entendre le silence entre les notes, de ne pas surcharger. Il faut peut-être comprendre le titre dans ce sens… La nouveauté pour nous finalement, c’est de faire de la folk à notre sauce. Même si c’est nourri, consciemment ou non, de la folk de notre enfance et de trucs plus récents, cet album nous a rafraîchi et on a eu cette sensation de repartir de zéro. On l'a fait avec le cœur, même si ça peut paraître naïf, on s'en fout. Les gens semblent peiner à croire qu'on fonctionne sans calcul ou préméditation de nos jours. On me demande aussi « Pourquoi Lion Says ? »… On avait tellement fait de brainstorming sur le projet précédent que j’ai refusé de me prendre la tête avec ce disque. Lion Says m'est venu comme ça, ça me faisait penser à Simon Says (le Jacadi pour les anglophones), avec un lion qui cause - mon prénom signifiant le lion… c’est une idée qui m’a fait sourire et ça me suffit. Même chose pour New Folk. D’ailleurs « folk » peut désigner une personne en anglais. Et finalement, une fois de plus, je suis un « nouveau venu ».

- Question classique pour tous les deux: quels sont vos groupes de chevet et vos coups de cœur du moment?
Lionel : Le dernier coup de cœur sincère qui me vient à l’esprit remonte à l’année dernière, avec le dernier album de the Apartments « No Song No Spell No Madrigal ». Les chansons sont belles, ça sent la spontanéité avec de l’émotion à fleur de peau. Les vocaux sont un peu Lou Reediens d’ailleurs, avec ce côté « Je chante comme je le sens et je t’emmerde. » J’adore. Sinon je revisite the National et Bon Iver en ce moment. Tu vois, je ne suis pas vraiment un folkeux !
Fred : Je n’ai pas de groupe de chevet parce que réécouter en boucle les disques, c’est pas mon truc. Dans les choses relativement récentes, j’ai flashé pour Rover, c’est quelqu’un qui a du goût, du coffre et de l’instinct, j’aimerais bien le rencontrer. Je l’ai vu en concert avant qu’il ne connaisse le succès, on était 20 à tout casser dans la salle mais il se battait et dégageait une énergie phénoménale, on était scotchés. Malgré le succès qu’il a connu, il semble avoir gardé les pieds sur terre. D’une manière générale je garde l’oreille sur ce qui se fait en matière de rock et de chanson à travers les disques que je reçois à masteriser mais aussi via la radio. J’aimais bien écouter dans la bagnole la nuit l’émission de Serge Le Vaillant sur Inter, il recevait toujours des nouveaux talents et c’était intéressant. Dommage qu’on lui ait coupé l’antenne. Côté chanson française récente, j’aime bien Bertrand Belin, ses compositions et ses arrangements sont intéressants. Ou sinon je m’intéresse plus aux vieux loups fêlés de l’époque qui continuent ou continuaient à enregistrer… Genre Christophe, Bashung… Mais de manière générale je reste extrêmement attaché à toutes mes vieilleries sixties et seventies, y’a pas mieux, je n’écoute que relativement peu de pop anglaise actuelle. Genre les Tindersticks ou Midlake récemment. Il y a eu tellement de disques intéressants dans les 60s et 70s que je continuerai d’en découvrir encore jusqu’à la fin de ma vie, probablement…

Fred
- Lionel tu as choisi de composer en anglais, est-ce un choix naturel pour toi, car la sonorité colle mieux avec ce genre de musique? Te vois-tu un jour composer des titres en français? et quels sont tes thèmes de prédilection quand tu composes? Et toi Fred, même question
Lionel : Hé hé, c’est la grande question à nous autres bâtards, biberonnés entre Léo ferré et Jimi Hendrix… En tout cas, l’anglais est le canal bis moi. C’est celui de la communication avec des copains bien sûr, avec les élèves à qui je fais cours, mais aussi et surtout le canal par lequel je voyage le plus, artistiquement. Je n’écoute que des disques anglophones, je ne lis des romans qu’en anglais. Dans New Folk, je me suis amusé avec quelques clins d’œil aux personnages qui me touchent, avec un penchant pour les clochards célestes et les losers cosmiques (rires). Récemment hanté par les personnages de Jim Harrison, J.D. Salinger ou John Fante. Chaque chanson a sa raison d’être sur cet album mais je ne suis pas sûr de pouvoir arrêter des thèmes de prédilection. Une ligne conductrice peut-être... une fâcheuse tendance à l’introspection, sans doute, pour moi ou mes personnages (rires)! Concernant le français en musique, beaucoup d’artistes francophones me touchent aussi, bien sûr. Par exemple j’aime bien le travail de la Maison Tellier, la voix et les textes d’Helmut, les guitares de Raoul [Raoul a enregistré un titre sur l’album de Two the West avec Lionel et Fred - ndlr]. Disons que, comme je te le disais, on ne choisit pas toujours… Je me considère – même si ça peut paraître un peu gonflé – plus comme un récepteur qu’un émetteur. Si ça sort en anglais, je continue le chemin en anglais. Ca va peut-être te surprendre, mais dans nos enregistrements passés, il y a plein de chansons en français. Ça correspond à une autre période. Et on n’a pas encore éprouvé le besoin de les sortir du placard familial…
Fred : Moi je n’exclus pas dans mes futurs projets d’utiliser la langue française, d’abord parce que je n’ai pas les facilités de Lionel pour écrire des textes en anglais… Mais c’est vrai que chanter en français donne l'impression, pour nous qui sommes passés par l'anglais, de se mettre beaucoup plus à nu face au public français. En plus ce public est assez rigoureux concernant la rime et la structure. L’autre fois j’écoutais un morceau de Yes de l’album « Looking for the One », et je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas toujours de rime dans les phrases au profit du sens, et pourtant ça passait comme dans du beurre avec la mélodie. En français il faut faire des pieds et des mains pour y parvenir, l’oreille d’un français est très attachée à la rime. Après, moi j’aime bien les trucs biscornus. Ferré faisait souvent ce qu’il voulait quand il se mettait à déclamer sa prose. Bashung aussi.

- Lionel, tu as vécu en Angleterre je crois, cela a certainement influé sur ta musique; Et plus généralement les anglais ont ils vraiment plus la culture musicale ? On le sait la France n'est pas une terre de rock...
Lionel : Disons que je me sens souvent plus proche de certains amis anglais en termes de goûts musicaux, c’est vrai. De sensibilité même parfois. Et puis il y a ce vieux débat inintéressant chez nous autour du « ça veut dire quoi les paroles ? » - qui n'a pas toujours d'intérêt chez les anglophones. Une bonne chanson est une bonne chanson. La voix intègre davantage l’ensemble en tant qu’instrument avant tout. Tu peux te pencher sur les paroles et découvrir le sens profond d’une song des années plus tard j’ai l’impression. Je me rappelle redécouvrir un vieux Genesis avec une amie anglaise à Sheffield, Christine, de lui demander son interprétation pour « Selling England by the Pound » et de nous prendre des fous rires parce qu’on ne comprenait pas grand-chose au final… On adorait le début de cet album, que je venais de retrouver en vinyle, cette mélodie incroyable, qu’on écoutait en boucle. On pouvait chanter les mots à tue-tête, mais on ne s’était pas posé la question du sens, littéralement. Finalement c’est peut-être ça la poésie aussi ? On ne comprend pas tout, mais ça fait résonner des trucs à l’intérieur. Les sonorités, le rythme, la mélodie aussi. A l’exception de mecs géniaux comme Bashung, la chanson française obéit souvent à d’autres règles. On est spécialiste de la chanson « concrète » : ça doit nous parler rapidement et faire du sens tout de suite. Sinon c’est « n’importe quoi ». C’est un peu comme les réseaux sociaux. Tout doit être capté vite, tout doit être efficace. Si c’est validé par les mass media, c’est encore mieux. La vitesse m’emmerde. Notre époque aussi j’en ai peur.

-  Fred, je sais  que tu collectionne les claviers vintage, peux-tu nous dire un mot sur cette passion et quelles sont les pièces que tu préfères?
J’ai toujours trouvé que les claviers dits « électromécaniques » avaient beaucoup de caractère, ce sont des machines capricieuses mais je les aime ! L’orgue Hammond en fait partie, ce sont ses défauts qui font ses qualités par rapport aux autres orgues. Les pianos électriques comme le Rhodes, le wurlitzer, le pianet, j’adore, ce sont des instruments très expressifs. Ce sont des classiques vintage mais on ne s’en lasse pas ! J’ai toujours vénéré le Mellotron, le son fragile, aléatoire et tremblotant de ces vrais appareils, mais depuis que ces sonorités sont devenues hyper accessibles à cause de certaines firmes qui incluent des samples retravaillés et aseptisés sur leurs synthés, on peut entendre du sample de Mellotron à toutes les sauces, dans le rap commercial, la chanson française bobo, et ça me fait plus que grincer des dents, parce que les arrangements sont souvent hyper connotés ou servent à tenter de combler un vide… Le malaise, quoi… Sinon j’ai pas mal de string machines (synthétiseurs de cordes) comme l’Eminent 310U, et une tonne d’orgues divers et variés chez moi, Vox, Farfisa, Yamaha, et j’aime bien en bidouiller certains électroniquement pour leur donner plus de possibilités sonores. Même mon orgue Hammond est complètement bidouillé, il ne sonne comme aucun autre ! Mais on sort un peu du sujet de l’album New Folk n’est-ce pas, puisqu’il n’y a pas ce genre d’instruments dessus… Si on veut écouter mes claviers c’est plutôt sur Two the West !

- L'album New Folk doit sortir le 4 Novembre, tu as fait appel à un site participatif pour financer cette sortie, où en es tu?
Lionel : On n’est jamais rentrés dans les cases pour les subventions. Un projet indépendant demande beaucoup d’investissement, du temps et de l’argent. C’est le plus difficile finalement. Tu te retrouves à des années lumière de la partie créative et des vibrations originales. En même temps un projet doit sortir du studio pour vivre. C’est comme un choix que tu te retrouves à assumer, le mieux possible. On a la chance d’avoir des fidèles qui nous suivent et sont très emballés par le nouveau projet. Mais très honnêtement, capter des gens et des nouveaux fans n’est pas vraiment notre spécialité. On ne sait pas vraiment faire. C’est toujours sympa de publier une photo en répé mais la plupart du temps, les réseaux sociaux vont trop vite pour nous. On essaie d’attiser la curiosité mais par exemple, un lien audio sur Facebook n’intéresse plus personne aujourd’hui. Si tu ne sors pas un clip à poil ou une vidéo de répé dans la baignoire, peu de gens s’arrêtent (rires) ! Bon en tout cas il y a quand même une belle vague d’envie par rapport à l’album et on va tout faire pour atteindre notre objectif en crowdfunding. Et puis on a fait un beau clip avec Jeff Loch (réal lyonnais très doué) et une belle page sur KissKissBankBank. Plusieurs dizaines de personnes ont déjà répondu présent et on s’approche des 60 % de la somme demandée à l’heure où on se parle. On a jusqu’au 22 octobre pour atteindre notre objectif. L’album sera dans les bacs le 4 novembre quoi qu’il arrive – distribué par Modulor et défendu par Martingale côté promo – mais pour continuer à travailler et faire vivre le label en tant qu’indépendants, on a vraiment besoin de soutien. à bon entendeur ! ( c'est ici: kisskissbankbank.com/lion-says-go )

la "une" de libé
- une question d'actu: Je sais que vous appréciez beaucoup Bob Dylan tous les deux. Que pensez-vous du fait qu’il vient de recevoir le Prix Nobel de Littérature ?
Lionel : En tout cas, si le Nobel cherchait à faire le buzz, c’est réussi ! Ce n’est pas la première fois qu’un de ces prix interroge si je ne me trompe pas… je me souviens notamment du Nobel de la Paix décerné à Barak Obama. Peut-être qu’on accorde trop d’importance à ce truc finalement, qui n’est qu’un cliché contemporain, pris par un groupe d’individus, à un moment donné. Concernant le Nobel de Littérature, je comprends que Philip Roth soit déçu, et pas mal d’écrivains méritants ont dû se poser des questions. Maintenant si tu me demandes de questionner la légitimité de Dylan en tant qu’auteur, je ne suis pas la bonne personne (rires). Ce mec a révolutionné l’écriture des chansons, avec une plume incroyable, une facilité hallucinante et sur plein de sujets. C’est un auteur populaire certes, un folk singer, au même titre que Woodie Guthrie avant lui, donc populaire au sens noble du terme : qui peut parler à chacun d’entre nous. Je crois que ça a le don d’agacer un petit peu certains milieux… ou peut-être s’agit-il d’ignorance. D’ailleurs, Dylan n’a pas d’équivalent français, c’est évident. Je lisais un journaliste dit « sérieux » qui s’insurgeait et qui lançait que Francis Lalanne pourrait peut-être tenter sa chance l’année prochaine ! Quelle inculture, quelle tristesse… Je crois qu’avant de parler, un certain nombre de journaleux feraient mieux de s’assoir et de lire, sans parler d’écouter, l’œuvre colossale de Dylan. C’est un type et une œuvre hors normes. Les gens semblent avoir oublié qu’il faisait trembler les puissants avec Masters of War, The Times They Are A-changin' et bien d’autres. Dylan est un poète énorme, un vrai Martien, capable d’écrire à peu près sur tout avec une justesse et une finesse inégalées… Qui sommes-nous pour questionner la légitimité d’un géant ?

Fred : Je suis d’accord avec Lionel. A mon sens, ceux qui trouvent ce titre illégitime portent simplement des œillères. Ils cloisonnent la littérature. Dès qu’il s’agit de littérature ou d’art moderne, il y a toujours les conservateurs qui reviennent à la charge… Je ne suis pas surpris… Ils peuvent penser ce qu’ils veulent mais « The Times They Are A Changin’ », n’est-ce pas ?

- Et bien merci à vous deux … On vous souhaite le meilleur à tous deux car vous êtes des musiciens doués et on vous retrouvera pour la suite avec plaisir; quelque chose à ajouter?
Lionel : Oui, juste dire que je suis heureux de travailler avec des nouveaux musiciens pour le live : Judi Massonnat à la batterie et aux percus, Léonard Sandre à la basse et Thomas Hoegy au violon. C’est toujours génial de rencontrer des gens par la musique. Les garçons sont doués et réceptifs, ils vont apporter beaucoup aux chansons. C’est un comme offrir une deuxième vie aux compos, en utilisant nos ressources et nos sensibilités à quatre ou cinq, c’est très excitant. On va bosser en résidence en novembre avec le Ninkasi Kao à Lyon, on est super contents. J’espère qu’on pourra jouer avec les vieux copains Fred en tête, mais aussi Pascal Riaux, Vincent Chevalier ou Serge Gelli, peut-être en guests sur scène un de ces jours. Allez, je vous dis à bientôt en live j’espère !Merci beaucoup JL, pour ta réception de l’album et ton enthousiasme pour nos projets.
Fred : Et je n’exclus pas de ramener tout de même quelques claviers vintage sur scène quand j’y serai… Pourquoi pas un Clavioline des années 50 ou un Theremin par exemple ? On expérimentera au moment venu et on verra bien ! Merci JL ! 

Propos recueillis par ROCKIN-JL



1 commentaire:

  1. Un très bel article que je viens de dévorer, merci à vous les gars :)

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