mercredi 20 juillet 2016

Joey GILMORE "Brandon Blues" (2015), by Bruno

   


  En voilà un qui n'est plus vraiment jeune. Josuah "Joey" Gilmore est né le 6 juillet 1944 à Ocala, en Floride, et voilà bien des années qu'il a débuté la musique professionnellement. D'abord par un premier 45 tours en 1971 avec "Somebody Done Took my Baby and Gone", de la bonne Soul, bien cuivrée, très proche de Donny Hathaway et de ce que fera de mieux plus tard Robert Palmer (il penchera plus tard vers un style plus mielleux à la Marvin Gaye). Chanson que l'on peut retrouver sur la compilation "Miami sound - Rare Funk & Soul from Miami, Florida 1967-1974" de 2003. Ensuite, enfin, par son premier long-player, sorti seulement en 1979 ("Get All You Want" sur Blue Candle). Et, pourtant, aujourd'hui encore, il demeure inconnu en Europe. D'un côté, avec seulement huit disques en 45 ans de carrière, c'est bien maigre pour forger une réputation.
C'est comme si Gilmore s'était toujours contenté de sa petite gloire et d'être considéré comme le meilleur artiste non signé. Heureux d'avoir eu le privilège d'ouvrir pour James Brown, Etta James, Johnny Taylor, Bobby Bland. Une humilité rare, surtout chez les artistes qui auraient plutôt tendance à sur-développer leur égo. Les réalisations sporadiques de ses disques (seulement quatre albums de 1979 à 1995 !) n'aidant guère à la promotion de sa carrière.


      Une reconnaissance tardive arrive en 2006, lorsqu'il gagne l'International Blues Challenge de Memphis, avec les félicitations du jury et même celles des participants. Son album "When The Gods of Africa Meets The Ghosts of Mississippi" permet de nous faire découvrir, ou redécouvrir, un musicien de Blues classieux mais aucunement policé (dans le sens radio, FM) qui a toutes les qualités requises pour séduire la clientèle des clubs de Blues peu ou prou puriste. Puis en 2008, avec le prix Blewzzy de la meilleur chanson pour "Blues All Over You" issue de son dernier et remarqué disque, sobrement intitulé "Bluesman". Un titre qui semble claquer la porte à son passé de Soulman.

     Rien de particulièrement original chez Gilmore, notamment parce qu'il compose peu. Pourtant le seul titre de l'album signé de sa main, le formidable "Letting a Good Thing Go Bad" (entre Blues claquant et cuivré et Soul), laisse penser qu'il a un évident potentiel de compositeur. Placé non sans raison en ouverture, puisqu'il fait parti des meilleures pièces de l'album.
Même si sa voix peut parfois donner quelques signes de faiblesses (bien normal à 70 ans), son timbre profond de baryton, patiné par les ans, un rien graveleux, se marie parfaitement à son Blues urbain coloré, tantôt clinquant, tantôt Soulful. Un Blues qui n'est pas sans évoquer celui de deux Kings, Albert et B.B., ainsi que celui de Little Milton ; voire du "jeunot" Carl Weathersby et de Joe Hughes.

     Parfois, il remonte à la surface l'influence de l'authentique "Rythmn'nBlues", celui d'Otis Redding (dont il reprend ici le "Nobody's fault but mine"), de Wilson Pickett ou encore de Sam Cooke (ici en core avec "Somebody have mercy").
Son Epiphone demie-caisse, riche en fréquences graves et médiums, un tantinet crémeuse, perpétue la tradition des mentors sus-nommés avec des notes expressives, faisant fi de tout babillage ou de propos déplacés. La faculté de savoir exprimer beaucoup avec peu de notes. Less is more.

     Un répertoire ici constitué principalement de reprises, à l'exception, donc, d'une personnelle, et de deux autres composées par Sonny Boy Williams, le claviériste du groupe. Cependant l'engagement, la sincérité et l'authenticité qui s'en dégagent, élèvent ce « Brandon's Blues » au rang des belles surprises en matière de Blues traditionnel - ou de Modern Electric Chicago Blues - de l'année précédente. Du Blues cool - pépère diront certainset assez frais, idéal pour des journées chaudes et ensoleillés (et l'apéro).

     Joey Gilmore prouve ici que sa notoriété aurait logiquement dû dépasser les frontières de la côte Est des États-Unis. Gilmore maintient en vie l'héritage des deux Kings mentionnés et de Little Milton.
  1.  - Letting a Good Thing Go Bad  :  4:19
  2.  - Cheaper to Keep Her  :  5:18
  3.  - Brandon's Blues  :  4:29
  4.  - Somebody Have Mercy  :  4:13
  5.  - You Just Can't Take My Blues  :  4:06
  6.   - You Can't Strike Gold  :  3:54
  7.   - Cold, Cold Feelin  :  5:10
  8.   - Still Called the Blues  :  4:49
  9.   - As the Years Go Passing By  :  4:50
  10.   - You Better Love Her Good  :  3:57
  11.   - That's What Love Will Make You Do  :  3:37
  12.   - Nobody's Fault but Mine  :  4:09



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Article paru sur la revue BCR (2015)

2 commentaires:

  1. Solide. Le 1er morceau fait un peu penser à du Michael Burks mâtiné d'Albert King.

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    1. En fait, on retrouve du Albert King tout au long de l'album (notamment dans le jeu de gratte, mais aussi dans la mise en place des cuivres).
      Michael Burks était un peu plus bourrin (problème générationnel ?)

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