jeudi 12 mai 2016

MICHEL POLNAREFF "Polnarévolution" (1972) par Pat Slade


Michel Polnareff : une Histoire de C*L par Pat Slade





La révolution d’un sans culotte






Michel Polnareff, à 71 ans, est reparti sur les routes depuis le début du mois de mai avec un album à la clé, le premier depuis «Kâmâ Sutrâ» en 1990. Pourtant, en 1972, après le gros succès de son 45 tours «On ira tous au paradis», les puristes vont se déchaîner après lui suite à la promotion de son futur concert à l’Olympia. Paris allait être entaché d’attentats, mais "à la pudeur" et n’allaient donc faire aucune victimes… ou presque !

Tout a déjà été dit sur l’homme aux lunettes noires, du chanteur beatnik aux cheveux longs et à la guitare à la main qui faisait la manche aux terrasses des cafés. Après avoir remporté un premier prix à un concours rock qui offrait un contrat chez Barclay, il refuse de s’engager avec l’impresario de Jacques Brel. Après sa rencontre avec Lucien Morisse, grand patron d’Europe N°1, ce dernier devient son manager et le fait signer sous son propre label : Disc’AZ. Mais Polnareff n’est pas n’importe qui et  a les dents longues. Avant d’avoir fait quoi que ce soit, il impose à Morisse des conditions drastiques, il veut pour enregistrer son album le guitariste des Yardbirds Jimmy Page et son pote bassiste John Paul Jones deux ans avant la création du Zeppelin. La maison de disque accepte et en 1966 sort «La poupée qui fait non» qui va cartonner un peu partout, même Jimi Hendrix ira jusqu’à la reprendre. Et les succès vont s’enchainer de «Love Me Please Love Me» au «Bal des Laze» (Avec une très belle reprise de Ange en 1982 sur l’album «A propos de…») jusqu’à «On ira tous au paradis» en 1972.

Mais pendant tous ce temps, l'allure du chanteur va changer. Le jeune homme aux cheveux longs, au look androgyne, avec ses faux airs de Françoise Sagan va entamer une mutation. La chrysalide va devenir un papillon d’une race inconnue. Les lunettes, l’élément phare de l’image Polnarevienne (?) vont apparaître et le regard de l’artiste va disparaître. D’abord fumées pour ensuite devenir noires, elles vont être le signe de reconnaissance et la marque de fabrique de Michel Polnareff. Mais pas seulement, puisque le look aussi va changer. Des vêtements à la coiffure : des vêtements beatnik vers de larges vêtements blancs puis exit la coupe Playmobil pour un blond décoloré et bouclé. Le Polnareff nouveau est arrivé.

Et c’est sous ce nouveau visage que l’on va le découvrir sur les pochettes de ses derniers 45 tours. Mais le scandale gronde, tapi dans un coin.

Il revient sur scène en 1971 mais en temps que musicien  derrière son pote Johnny Halliday qu’il va accompagner pendant toutes ses dates au Palais des Sports. Et puis un matin d’octobre 1972, sur les murs de Paris, de grandes affiches rouge avec une photo de Tony Franck, l'un des photographes de Salut les Copains et qui fera aussi la photo de l’album «Melody Nelson» de Serge Gainsbourg, va soulever un tollé général auprès de l’opinion publique. On peut y voir Michel Polnareff de dos avec un chapeau acheté au magasin «La Belle Jardinière» sur la tête, une tunique blanche de chez Kenzo qui rappel les nymphettes de David Hamilton, tunique faisant voir son postérieur !! Une idée qui venait du photographe. Polnareff voulait reproduire une posture d’une des danseuses du Crazy Horse qui arborait un pantalon ajouré aux fesses. Tony Franck arrivera à le convaincre de tout relever (Une affiche très drôle ! Avoir un poster rieur, n’est-ce pas avoir la raie gaie ?). Polnareff caché dans une voiture pas loin du drugstore Publicis regardera les colleurs d’affiches découvrir le postérieur de l’artiste avec des moues circonspectes, alors que ce dernier était mort de rire en découvrant leur étonnement. 

Scandale auprès de la ménagère de plus de cinquante ans. La censure se déchaîne et le tribunal correctionnel le condamna  pour «Attentat à la pudeur» à une peine de 10 francs par affiches, seulement il y avait 6.000 affiches placardées sur le territoire et en particulier sur Paris ! Sa maison de disque paiera l’amende de 60.000 francs, un coup de pub un peu cher mais qui rapportera, l’affiche reste cultissime et… très recherchée. Cette dernière ne sera pas retirée mais recouverte d’un chaste carré de papier blanc. Polnareff s’installe à l’Olympia pour deux semaines.




La Polnarévolution     








La première révolution du concert de Michel Polnareff à l’Olympia sera une histoire de son. La salle de Bruno Coquatrix sera dotée du système 5.1 le système audio à cinq voix omnidirectionnel, l’ancêtre du home cinéma. Dans ses derniers concerts, il était accompagné par des musiciennes suédoises qui étaient sans doute plus jolies que musiciennes, il décide donc d’en changer et, comme à cette époque les musiciens et les groupes de talents ne sont pas des denrées rares, Il jette son dévolue sur Dynasty Crisis : le groupe de Jacques Mercier et Jacky Chalard. Pour la série de concert «Polnarévolution» le groupe portera des costumes argentés à paillettes et les musiciens joueront avec des instruments en plexiglas.  Il va triompher devant un public enthousiaste.

L’album live va sortir la même année, il contient tous les grands titres de Polnareff qui à notre époque sont devenus des classiques, «Le Bal des Laze», «Âme Câline», «On ira tous au paradis», «Je suis un Homme» …, 11 titres incontournables avec deux improvisations, «La Trompette» et un final avec un «Boogie-woogie» endiablé. L’affiche à scandale accompagnait la première édition de l’album. Dynasty Crisis restera avec Polnareff pendant plus de deux ans. Le succès se poursuivra au Japon où la notoriété de l’homme aux lunettes est énorme. Il reviendra en mars 1973 à l’Olympia avec sa nouvelle tournée «Polnarêve» et une affiche qui aurait du faire aussi un pataquès puisque Polnareff va poser entièrement nu avec uniquement le chapeau que l’on pouvait voir sur la précédente cachant ses attributs. Et pourtant la bombe médiatique ne marchera pas une seconde fois. 

Autant Polnareff s’occupe de près de l’aspect artistique de sa carrière, pour ce qui est du matériel et des chiffres, il est complètement déconnecté de la réalité. Il va se faire escroquer par un certain Bernard Seneau. Scandale Financier ! Poursuivi par le fisc, à la fin de 1973, il embarque sur le paquebot France pour New York pour un exil qui n’a jamais vraiment cessé depuis. Entre disparition et réapparition, il devient un fantôme qui lance des bouteilles à la mer comme «Lettre à France».

44 ans après une histoire de fesses, 14 albums, quelques compilations et plusieurs musiques de films, le capitaine est de nouveau à la barre de son navire et ses moussaillons sont montés à bord, en espérant pour lui que son navire ne finisse pas comme le Titanic.

Si vous voulez tout savoir sur Michel Polnareffil a enfanté une autobiographie intitulé «Spèrme». Donner un tel titre, il faut avoir des Cojones et Polnareff a toujours faire savoir  qu'il en avait.  Pas juste son c**l...




2 commentaires:

  1. Merci Pat pour cette chronique osée et bien dosée. Michel Polnareff est un grand artiste.

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  2. En 1972, j'étais en banlieue parisienne. Je me souviens assez bien de cette affiche. Je me souviens aussi avoir acheté le 45 t, chez A/Z effectivement, face 1 Holidays, face 2 La Mouche.

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