Autant le dire tout de suite si vous aimez les westerns où John Wayne sauve la veuve et l'orphelin sans défroisser sa chemise ni salir son foulard ou ceux dans lesquels Gary Cooper ou Henry Fonda rasés de prés vainquent les méchants à la fin, cette coproduction italo-espagnole tournée à Alméria n'est pas faite pour vous...Il s'agit en effet d'une oeuvre à part qui intervient alors que commence le déclin du genre (même si c'est aussi l'année où sort "Il était une fois dans l'Ouest"), les Trinita et leurs avatars vont le faire sombrer dans la parodie et le grand n’importe quoi.
Mais écoutons le réalisateur Fernandino Baldi (1927-2007 réalisateur de Texs Adios, le dernier des salauds, Blindman..) : "Le western américain a fait partie de l'histoire américaine, le western italien n'a pas fait partie de la notre, il faisait partie du royaume de la fantaisie et dans ce divertissement nous avons tout mis". Voila, c'est comme cela qu'il faut prendre ce genre fascinant : un divertissement sans souci de réalisme ni de réalité historique, une fantaisie ou tout est permis, où l'on peut tout oser, et pour cela ce "Matalo" va combler les amateurs de cinéma bis . ( A noter qu'il s'agit peu ou prou du même scenar qu'un film de 1967 "Dieu ne paie pas le Samedi)).
Le réalisateur Cesare Canevari (1927-2012) s'est surtout illustré dans le giallo et le film érotique et même la nazisploitation (Moi Emmanuelle, la princesse nue, crime charnel , l'ultime orgie du 3eme Reich..), quelques westerns mineurs aussi (Pour un dollar à Tucson on meurt), bref un réalisateur de seconde voire de troisième zone qui signe pourtant ici avec un certain talent une vraie curiosité filmique, à moins qu'il ne fut tourné sous acides..
des plans surprenants |
La place d'une petite ville, un corbillard, une veuve, des enfants qui jouent à saute-mouton, une potence sur laquelle on conduit un condamné goguenard, l'attaque d'une bande de mercenaires mexicains venus le libérer et laissent une rue jonchée de cadavres, voila un début fracassant où la belle gueule de Burt (Corrado Pani (1936-2005)) et son accoutrement de hippie aimante l'action.
A peine libéré il abats ses sauveurs et est rejoint par 2 complices, Théo, un vrai taré, sadique et obsédé, accoutré d'une peau de chèvre, et le 3eme larron, Phillipe (Luis Davila, acteur argentin) avec ses colliers n'est pas en reste. On nage en plein flower power avec quelques décennies d'avance, il faut dire que le film a été tourné l'année de Woodstcok, ceci explique cela. A noter que dans "Le spécialiste" de Sergio Corbucci sorti en 1969 - petit western avec Johnny Hallyday en pistolero (!)- le héros était aussi aux prises avec une bande de hippies.
la ville fantôme |
Burt est blessé et laissé pour mort par ses comparses quand ils braquent une diligence puis de nouveaux personnages apparaissent : une vieille folle ex patronne de la ville du temps de sa splendeur, une veuve dont le mari et le cheval sont morts dans le désert et enfin un étranger à demi mort de soif, dont on saura seulement qu'il vient d'un lointain pays, joué par Lou Castel, l'acteur d'origine suédoise remarqué dans l'excellent "El Chuncho" de Damiani (1966) et apparu dans plus de 140 films.
Castel torturé par Salines |
Encore une idée scénaristique originale à la fin puisque Lou Castel pour se défendre sort de son sac des...boomerangs avec lesquels il est aussi adroit et rapide que Lucky Luke avec un flingue! Fallait oser!
Claudia Gravy |
Ce "Matalo " ("Tue le ") est sans doute un des westerns les plus barrés jamais tournés, et même si c'est loin d'être un chef d'oeuvre, c'est une expérience à vivre pour tout amateur du genre.
Et comme toujours Artus (artusfilms.com)fait bien les choses avec en bonus un entretien avec le spécialiste Alain Petit (auteur de "20 ans de western européen") et un doc, "Rouge western", qui donne la parole aux réalisateurs et acteurs qui ont fait le western italien.
Rockin "Buffalo" JL
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