vendredi 15 avril 2016

POLICE FEDERALE LOS ANGELES de William Friedkin (1985) par Luc B.



Ca fait peur au début, la séquence pré-générique, avec cette musique qui nous replonge dans les atroces années 80, « To live and die in LA » de Wang Chung. On a l’impression de regarder un épisode de DEUX FLICS A MIAMI… C’est oublier que derrière la caméra, y’a ce dingue de William Friedkin, qui nous plonge dans le bain, avec une poursuite dans un hôtel, jusqu’au toit, où un terroriste martyr de sa cause se fait péter avec sa ceinture d’explosifs. Waouh. Le générique arrive tout de vermillon et de vert fluo, comme un falzar de David Lee Roth.

Générique où défilent des photos, photos de surveillance prises par les flics, qui sont aux trousses d’un certain Rick Masters, dangereux trafiquant de fausse monnaie. C’est la patte Friedkin, cet aspect documentaire. On expose une enquête dans tous ses détails quotidiens. Souvenez-vous de FRENCH CONNECTION [ clic pour l'article ]. Même dispositif avec Rick Masters qui fabrique ses dollars. C’est précis, minutieux, illustré, jusqu’à ce beau plan de la plaque sur laquelle Masters souffle, la buée laissant apparaitre l’empreinte des billets. Rick Masters, c’est Willem Dafoe, givré, cinglé, court sur pattes, mais il fait peur.

Face à lui, le flic Richard Chance, rentre-dedans, peu sensible au règlement, beau gosse, le jean bien moulé aux burnes. Sa copine est pute, et accessoirement indic. Richard Chance est joué par William L Petersen, qu’on verra dans LE SIXIEME SENS de Michael Mann, puis dans la série LES EXPERTS. Bon acteur, dommage qu’il n’ait pas plus tourné. Chance est ingérable et tête brulée, quand il grimpe sur la rambarde du pont St Vincent qui domine le port de Los Angeles, et regarde en bas, avant de sauter… la cheville retenue par un élastique. Très impressionnant.  

Richard Chance a un coéquipier. Qui déniche la planque de Rick Masters. Il se fait repérer, et tuer, avant que la cavalerie ne débarque. Friedkin filme ça dans le désert, presque comme un western, avec les vautours qui tournoient dans le ciel. Chance va devoir reprendre l’enquête, avec un nouveau partenaire, le timoré John Vukovich, dont il se serait bien passé.   

William Friedkin est réputé pour ses films nerveux, éloignés de tout sentimentalisme. Et pour ses poursuites. Il y en a plein, à pieds pour la plupart, comme celle de l’aéroport, montage au rasoir, qui se termine dans les chiottes, où un passeur de Masters, Carl Cody, se fait alpaguer. C’est John Tuturro, épatant, comme d’hab. Si vous avez déjà trafiqué de la fausse monnaie, ou autre chose, vous savez ce que c’est… un gars comme ça, peureux, un peu lâche, pas sûr, on ne peut pas le laisser déblatérer dans un bureau de flics. Rick Masters va devoir charger une seconde équipe de régler le problème.

Friedkin aime aussi jouer sur les apparences. On l’a vu avec le saut à l’élastique, filmé comme un suicide (on pense au réalisateur Tony Scott, qui s’est donné la mort de cette façon, et ici même…). On le vérifie encore avec ce plan où Rick Masters embrasse goulument un danseur de théâtre après le spectacle, danseur qui s’avère être une danseuse ! On le voit surtout dans ce personnage de flic dont on ne sait de quel côté de la loi il travaille. 

POLICE FEDERALE LOS ANGELES est typique des années 80’s, car il clôt les années 70’s dont Friedkin fût un des piliers, et annonce les années 90 par une nouvelle esthétique. C’est assez fascinant à constater, avec le recul. Tous les ingrédients sont là, le flic en baskets et bombers, les bars nocturnes éclairés aux néons, aplats de couleurs franches, la ville survolée de nuit, la scène de nu tamisée devant les stores (mais abrégée, et suivie d’un long dialogue dans la salle de bain, par moment, on pense au cinéma de Sidney Lumet) la musique omniprésente. Ce film annonce les ARME FATALE, la série des DIE HARD, les trucs énôôôrmes genre BAD BOYS. Michael Mann accouchera 10 ans plus tard de HEAT, un sommet du genre. Mais seul Paul Verhoven imposera un véritable nouveau marqueur avec BASIC INSTINCT.    

Pourtant, la griffe 70’s de Friedkin est encore présente, l’aspect documentaire et social. Il glisse des plans de rue, quartier délabré, sans-abri, des citations politiques entendues via une télé, il tisse un arrière-plan presque anachronique avec le nouveau cinéma clinquant des années Reagan. Notons une évolution notoire : les cascades plus spectaculaires. Friedkin, 14 après FRENCH CONNECTION, réalise une autre poursuite en voiture qui fera date. 

Au départ de cette (longue) séquence, Richard Chance entraine John Vukovich dans un coup foireux. Piquer le fric d’un dealer, pour financer un coup et piéger Rick Masters. Sauf que le mec est constamment surveillé, et les deux flics se retrouvent pris en filature. Là encore, on pense à un western, la diligence prise en chasse par des indiens qui déboulent des collines. Y'a même un train qui passe. Mais ici les voitures surgissent par grappe, sur les pentes des égouts de Los Angeles (décor urbain qui servira à Cameron dans TERMINATOR), puis sur les échangeurs, et enfin sur une autoroute, à contre-sens. Dans ce film, il n'y a pas que les semi-remorques qui dérapent... Les flics aussi, pris dans un engrenage de mensonges et faux pas.  

D’autres scènes d’action parsèment le film, dans un hôpital, celle géniale dans une cour de prison, le règlement de compte en appartement, toujours cette tension crispante, ces éclats de violence. Friedkin s’interdit une suite en sacrifiant son héros, ce n’est pas tout le monde qui ferait ça… John Vukovich, qui y répugnait, a pris goût à l’illégalité. Il aborde la copine de Chance, pour lui dire : tu travailles pour moi, maintenant.

Archétype du polar solide, musclé, viril, mais moins balourd qu’il n’y parait, à la mise en scène ultra précise et efficace (sous ses airs rentre-dedans, Friedkin a un putain sens de l’image, du cadre, du montage) POLICE FEDERALE LOS ANGELES va participer à faire évoluer le genre. Deux trois détails me gênent, un scénario un peu facile parfois, et un épilogue pyrotechnique too much à mon goût, mais bon…  

 POLICE FEDERAL LOS ANGELES / TO LIVE AND DIE IN L.A. 
couleurs  -  1h55  -  format 1:1.85 
  


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3 commentaires:

  1. Bien vu. On est au carrefour de deux cinémas. L'esthétique clip est parfois un peu pénible. Mais grand film.

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  2. Pas sympa de raconter la fin...Oui, grand film, bien rock'n roll, y'a un bail que je l'ai pas revu.
    Avec son dernier, Killer Jo, Friedkin dépasse les limites du malsain avec un pilon de poulet que Gina Gershon a du mal à avaler...

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  3. Killer Joe dont on a parlé dans le blog, voir l'index cinéma...
    Pardon pour la fin, c'est ... mais bon, dès le début, on ne lui donne pas cher au mec !

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