- Encore un R.I.P M'sieur Claude, une vraie série noire ! Le nom de
Pierre Boulez ne m'est pas inconnu, mais aucun air ne me vient à
l'esprit…
- Il y a plusieurs personnalités en une avec Pierre Boulez, Sonia : le
compositeur (plutôt le chercheur musique-science), le pianiste et chef
d'orchestre, et le pédagogue…
- En effet, pour le chef d'orchestre, vous avez déjà parlé de son talent
dans Stravinski, Bartók et Scriabine, je crois… Mais comme
compositeur…
- Sa musique expérimentale est difficile d'approche. Je tenterai de
vulgariser au mieux dans un article à venir, consacré à Répons.
- 70 ans de carrière, je vous souhaite bon courage…
- Merci Sonia, d'autant que ce monsieur n'avait pas la langue dans sa
poche, se voulait parfois provocateur, et reste donc controversé…
Boulez succède à Bernstein à New York en 1971 XXXXX |
Boulez compositeur
Né en 1925, le petit Pierre
pianote avec talent dès ses sept ans. Élève brillant, il poursuit des études
en Maths-sup, mais décide de mettre de côté une carrière scientifique pour
intégrer le conservatoire de Paris en
1942. Entré au prestigieux
conservatoire en 1943, il suit
la classe d'harmonie d'Olivier Messiaen dans un premier temps. En
1945, il s'écarte de cet
enseignement trop traditionnel à son goût pour la classe de
sérialisme de
René Leibowitz, chantre de la seconde école de Vienne et du sérialisme pur et dur. Après
la guerre, l'affaire continue, dodécaphonisme et sérialisme semblent
l'unique planche de salut pour écrire de la musique. Le temps où
Schoenberg, l'"inventeur" et non le découvreur de cette technique
disait lui-même : "il reste beaucoup de belle chose à écrire en do majeur" semble bien loin.
Pierre Boulez
reconnaîtra plus tard que le dogmatisme de
Leibowitz
aurait pu le conduire à une impasse créatrice, ce qui n'était pas le cas
avec l'enseignement de l’inventif
Messiaen…
Luigi Nono, Pierre Boulez et Karlheinz Stockausen XXXXX |
Et puis on ne peut pas passer sous silence les recherches
électroacoustiques, le recours à l'informatique pour intégrer une notion
aléatoire et hasardeuse dans l'exécution comme dans
Répons. Chronique à venir. Tiens, à propos de
Répons
qui est un terme de musique médiévale,
Boulez
travaillera sur la polyphonie grégorienne, le rôle de l'écho dans une salle
de concert à l'instar des effets imaginés au moyen-âge dans les
architectures romanes, pour souligner la présence céleste dans l'espace. Ce
qui met à mal l'a priori qui consiste à considérer
Boulez
comme un compositeur coupé de l'héritage du passé.
En 1969,
Pierre Boulez
crée l'IRCAM (Institut de
recherche et coordination acoustique/musique) dans le centre
Georges Pompidou. J'ai eu la chance d'avoir une invitation pour la
première en 1977, assis à trois
sièges de distance de
Henri
Dutilleux. Une soirée un peu poilante et un peu snob, il faut bien l'avouer. Mais de
tous les morceaux spécialement écrits pour cette soirée (Xenakis
était de la partie), on ressentait une volonté d'innover, d'avancer en
terrain inconnu… Les théories musicales de
Pierre
Boulez
sont affaire de spécialistes (je n'en suis pas un, ce sont des années
d'études pointues), mais n'est-ce pas aussi le cas pour les techniques
contrapuntiques de
Bach, le chromatisme de
Wagner
ou les gammes tonales de
Bartók
?
Pierre Boulez
a beaucoup travaillé avec d'autres compositeurs de sa génération et d'écoles
diverses :
Luigi Nono,
Pierre Schaeffer,
Karlheinz Stockhausen, György Ligeti
et
John Cage
avec qui il aura des divergences.
Boulez s'est situé pendant 70 ans comme l'un des chefs de file du bouillonnement
de la musique de notre temps…
Piano, clavier et ordinateur à l'IRCAM |
* Technique très présente aussi chez
Mahler.
Cloches tubulaires |
Pour être complet sur le sujet composition, signalons que
Pierre Boulez
a été professeur au Collège de France de 1976 à 1995,
titulaire de la chaire d'Invention, technique et langage en musique.
Boulez et ses "bons" mots
Pierre Boulez
aurait dit (je dis bien aurait) que "Si Schubert était compositeur, alors c'était lui, Boulez, qui n'en
était pas un !"
Ce qui a permis à ses détracteurs de répondre "ça on le savait déjà" :o) Pas malin pour se faire aimer du grand public… On appelle aussi cela
tendre la perche…
"Le jazz est de la musique pour boîte de nuit". Heuu oui, c'est vrai que les clubs de jazz sont moins grands que la
Scala mais le jazz est aussi joué dans de grandes salles illustres.
Ravel, ami de
Gershwin, a du se retourner dans sa tombe ! D'autant plus bizarre que
Pierre Boulez
a dirigé
Ravel
adepte du jazz (L’Enfant et les Sortilèges) comme personne…
Narcissique et élitiste notre grand disparu ? Possible, un peu moins vers
la fin de sa vie, allant même diriger brillamment
Bruckner
à Vienne ! Mais, un génie sans hédonisme est souvent un dépressif en
puissance (Bruckner justement). Inversement, il s'emballe, trop sûr de lui, et dit ou écrit
des âneries.
Brahms
ou
Stravinski
ne se privaient pas de taper sur leurs concurrents.
Duke Ellington affirmait que seuls les noirs savaient jouer du jazz. On pardonnera donc
ces poussées d'égo un peu infantiles…
Boulez, chef d'orchestre et discographie
XXXXX |
Quoiqu'il en dise, le compositeur a dirigé les meilleurs orchestres de la planète parfois comme
directeur à long terme… Quelques exemples : L'orchestre de Cleveland de 1970 à 1972 puis plus tard comme chef invité dans les
années 90, le
Philharmonique de New-York
de 1971 à 1977, mais aussi la
philharmonie de Vienne, le
Philharmonia, le
Symphonique de Chicago, bref uniquement des grandes phalanges. Il a également créé en
1954 en complicité avec
Hermann Scherchen l'Orchestre du Domaine Musical
pour faire découvrir la musique contemporaine en bénéficiant de musiciens
rompus à cet exercice. En 1976, il crée l'Ensemble intercontemporain
dans le même but.
Ses gravures sont nombreuses, toujours disponibles et souvent de référence.
Les enregistrements des années 70 des intégrales de
Ravel,
Debussy et des grandes pages de
Stravinski
et de
De Falla sont à préférer à celles plus tardives des années 90, période propice aux
gravures
Bartók. Des conceptions ultimes plus policées mais très affinées, résultats du
souci compulsif de précision et de clarté du maître (Coffrets ou CD
Sony classical - 6/6,
Dgg pour
Bartók - 6/6). L'intégrale de l'œuvre de
Boulez a été compilée pour le label DGG. C'est un monument du disque mais très
âpre à aborder (Dgg 13 CD,
artistes divers). Le chef a gravé toutes les symphonies de
Mahler
dans les années 90. Comme toutes les intégrales consacrées au postromantique
autrichien, elle présentent ses points faibles, mais les symphonies purement
instrumentales prennent une place de choix dans une discographie pléthorique
(1,5,6,7 & 9 - Dgg - 5 à 6/6). Enfin, plusieurs disques de
référence ont été consacrés à son mentor
Olivier Messiaen
(Dgg ou Erato - 6/6).
Pendant la décennie 70,
Pierre Boulez a été invité au
festival de Bayreuth, le temple wagnérien, pour diriger pendant cinq saisons (c'est la règle)
le cycle des quatre opéras du
Ring à l'occasion du centenaire !! Il sollicite Patrice Chéreau pour la mise en scène. Lors de la
première du premier volet, l'Or du Rhin, l'audace de Chéreau attire les huées (j'écoutais en direct sur France
Musique, ha ha ! J'aime bien que l'on bouscule les intégristes). Cinq ans
plus tard, la vision du duo Boulez-Chéreau devenait culte, et ce
monument, qui bouscula la tradition teutonne des lieux, reste disponible en
CD et DVD (Philips/Dgg 12 CD/8 DVD - 6/6). Il existe aussi une
gravure dégraissée du
Parsifal de 1971, sans pathos mystico-occulte, également à Bayreuth (DGG - 5/6).
Bon voyage Pierre au paradis pour rejoindre Schoenberg, Webern, Messiaen
et les autres. N'oubliez pas d'apprendre aux anges à chanter en mode
sériel…
Cinq vidéos, avec en premier deux œuvres courtes et accessibles de
Boulez
:
1 –
Sur Incises
pour deux pianos, deux harpes et deux percussionnistes. Une sereine et
facétieuse joute de timbres par
l'ensemble intercontemporain…
2 -
Rituel in memoriam Bruno Maderna
pour grand orchestre en huit groupes par le
BBC Symphony Orchestra
dirigé par
Pierre Boulez
3 –
Maurice Ravel
:
Ma Mère l'Oye,
Philharmonie New-Yok
dirigée par
Pierre Boulez. (LP, une beauté sensuelle inégalée)
4 –
Olivier Messiaen
:
Couleurs de la Cité Céleste. Création en octobre 1964 lors d'un concert au
Donaueschingen Festival, direction
Pierre
Boulez.
5 –
Frank Zappa
: En 1984 l'excentrique
rocker américain tente une incursion vers la musique "sérieuse". Dans sa
prime jeunesse il a découvert et adoré
Varèse
et
Stravinski… Sur la pointe des pieds, il contacte
Pierre Boulez
pour l'interpréter. Au départ,
Boulez
hésite, trop accaparé par ses recherches savantes. Il ne sait trop quoi
apporter à un artiste étiqueté "populaire"… Les hommes se rencontrent
néanmoins et
Boulez, captivé par la maîtrise et l'avant-gardisme de
Zappa, va diriger et enregistrer plusieurs de ses ouvrages qui bénéficient
ainsi du meilleur orchestre de la planète pour ce répertoire : l'Ensemble InterContemporain et de la direction au scalpel du chef, deux atouts indispensables pour ne
pas déboucher sur du charivari ! Nous écoutons
The perfect stranger. L'expérience a bien entendu défrisé les
Ayatollahs de la musique
moderne et des rockers, mais passionné les mélomanes yankee ! C'est
amusant et vivant, totalement instrumental, et pour une fois que se
réunissent des musiciens aux carrières et personnalités aussi opposées… Le CD est toujours au catalogue.
Cf. autres chroniques dans le blog : Le sacre du printemps de Stravinski (2 versions) (Clic), Le poème de l'extase de Scriabine (Clic) et un programme Bartók (Clic).
Quand on a une carrière et une renommée comme celle que fut la sienne, je ne comprends pas du tout pourquoi une personne telle que ce grand homme pouvait ainsi se laisser aller a des déclarations aussi tapageuses et aussi bas de plafond. Je pense qu'il ne servait ni son oeuvre, ni la dites "Grande Musique" avec ce genres déclarations. Moi qui suit déjà assez hermétique au classique d'ordinaire, voilà qui ne m'aide pas d'avantage a tenter d'en ouvrir quelques unes des portes.
RépondreSupprimerIl est sûr que la musique de Pierre Boulez ne me semble pas être la façon la plus adapter pour appréhender et/ou s'initier de la plus simple des façons à l'univers de la musique classique. A ce sujet, c'est un collègue qui m'a appris la disparition du Maître il y a quelques semaines. Il m'avait brièvement présenté l'homme en me disant, tout de go, que le Monsieur avait surtout bâtit sa réputation autour d’œuvres particulièrement exigeantes le plus souvent. Sous-entendant en plus ouvertement que sa musique avait quelque chose de très bizarre et le plus souvent d'inaccessible pour le commun des mortels.
Bon il est vrai qu'après avoir parcouru ton riche et complet hommage Claude, le Pierro je le trouve quand 'achement spécial !
Plus surprenant cher Claude, le visage du Chef d'orchestre m'a instantanément fait pensé a cet acteur plutôt inconnu par chez nous jouant le personnage d'un nazi de pacotille dans la comédie (très drôle et très irrévérencieuse aussi) OSS 117. Le deuxième volet si mes souvenirs sont bons. Tu connais ? :-)
- Ben m'sieur Claude, que ce passe-t-il, je vous trouve en larme…
RépondreSupprimer- Zest la fote à B'sieur Vinzent qui dit blein de béchantes chozes sur Boulesse suide à bon ardicle
- Calmez-vous et racontez tout à vot ptite Sonia, prenez un chocolat…
- Berzi… snifff…
Bon un peu de sérieux, mais pas trop… Merci Vincent d'être le premier à réagir à ma prose assez longuette !
Bon Ok, j'ai mentionné "les bons mots" du Pierre Boulez concernant Schubert et le jazz. Eh bien oui ces saillies à l'emporte-pièce pourraient le desservir, mais tous ceux qui en ont entendu parler (pas grand monde avant mon article hors du petit monde des mélomanes amateurs de classique contemporain) se sont poilés. Quelle est d'ailleurs la limite entre la véracité, la provoque et la boutade. Ça me parait moins grave que les pensées racistes anti-blancs de Ellington.
Mon petit Vincent, peux-tu m'affirmer que ce genre de vacheries ne se balancent pas entre rockers de styles différents, que se soit pas voix de presse ou en coulisse, à coup d'invectives ou de bouteilles de tord-boyau (vider avant avec quelques lignes de coke) sur la gueule ????
Je ne retiens pas le "tapageuses" dans le sens où on n'a pas entendu ces citations vieilles de 40 ans faire la une de Paris Match ou de l'ORTF… Je ne sais même pas trop d'où ça sort et dans quelles mesures, la rumeur na pas sorti le sens de son contexte avec le temps. On forge parfois des légendes…
Franchement ; deux vannes en 70 ans ! Et tu le cloues au pilori ?!
Tu me dis que ces propos ne t'engagent pas à écouter du classique. Heuuu honnêtement, ça fait 40 ans que t'en écoute pas ou peu :o) La vraie et bonne raison, tu la donnes toi-même : "je suis hermétique". Ok avec cela, c'est sincère ; moi idem avec le Hard-Rock, je trouve que ça gueule trop fort (argument pourri, mais je suis comme ça niveau oreilles, aucune rationalité dans cette affaire)
Non la musique de Boulez n'est pas incompréhensible comme dit ton gars, elle est ardue à écouter sans doute. Et puis doit-on "comprendre" la musique avec les neurones ou plutôt l'apprécier avec le cœur et les tripes ? Mais tout à fait d'accord avec toi, pour s'initier à la musique classique, pas Boulez, ô non ; Mozart, Beethoven, Ravel, là oui…
Ah m**e, en plus le Boulez et sa tête ronde, ressemble à un nazi… Manquait plus que ça !!!!
En tout cas grand merci de m'avoir évité les : "musique de merde pour snobs intellos" ou encore à mon sujet "crétin suffisant" et même, je cite un commentaire à mon sujet sur le web : "espèce de beauf qui connaît rien à la musique moderne"… Mais ça, cette rhétorique de bas étage, je ne l'attendais aucunement de ta part, ça va sans dire :o)
Oui Claude tu as 100 fois raison, les Rockeurs et les Rockeux sont bien souvent de grands benêts. Mais comme tu le dis, y z'ont quand même de sérieuses excuses: La dope et l'alcool.
RépondreSupprimerMmmm ! Certain affirmeraient sans doute que pour écrire ce que Pierre Boulez a parfois composé de "raide", il devait peut être bien lui aussi prendre des trucs bizarres. Pour ma part, je n'en crois bien sûr... rien ! J'ai pas envie d'avoir des ennuis moi ;-)
Tu as aussi oublié une chose Claude. Car en plus d'être alcoolique et drogué, les Rockeurs sont aussi souvent d'une extrême mauvaise fois. Hi! hiii!
Nota: J'ai pas dit qu'il ressemblait a un nazi. Mais le personnage du nazi dans le désopilant volume II de OSS 117 m'y a fait franchement pensé. Un visage, un mimétisme... Rien de plus Claude je te jure !
MDR!