samedi 18 juillet 2015

SIBELIUS – Chevauchée nocturne et lever de soleil - Simon RATTLE – par Claude Toon




Akseli Gallen Kallela
Ah les forêts et lacs de Finlande, les aurores boréales… Ballade nocturne aujourd'hui dans ce court et romantique poème symphonique du compositeur finnois Jean Sibelius. Pas de commentaires à rallonge et trop érudits pour cette période estivale.
Honnêtement, ce sont les choix de vidéos musicales disponibles qui vont guider mes choix de petits articles. Je vous rassure tout de suite, je ne brade pas le sujet et essayerai de trouver des morceaux interprétés avec brio, même si la discographie regorge d'enregistrements un poil plus aboutis. C'est le cas ce jour avec une pièce de Sibelius qui figure comme complément d'une intégrale des symphonies de Sibelius gravée par le chef anglais Simon Rattle avec l'orchestre symphonique de City of Birminghan, et non la Philharmonie de Berlin dont il est directeur depuis 2002. Pour être plus précis, ce bonus a été enregistré avec le Philharmonia Orchestra, autre grande formation symphonique british.
Je ne suis pas un inconditionnel de cette intégrale qui a ses qualités, mais qui, manquant un petit peu d'engagement et de passion, ne peut rivaliser avec les réussites légendaires de John Barbirolli, Guennadi Rojdestvenski (Clic), ou encore Paavo Berglund et Kurt Sandeling. Ne boudons pas pour autant notre plaisir par snobisme musicologique, laissons cela à la presse spécialisée. Dès 1980, Simon Rattle s'est imposé comme l'un des chefs les plus doués de sa génération, notamment avec l'orchestre de Birminghan avec lequel il a enregistré des must dont des symphonies de Mahler, des gravures de références.
Une chronique de ce blog a été consacrée en partie à ce chef accompagnateur du pianiste lang Lang dans le 3ème concerto pour piano de Prokofiev (Clic). Un commentaire sur l'un de ses disques mythiques reste toujours à écrire, j'y songe, j'y songe… Tiens la 10ème symphonie de Mahler avec l'orchestre de Bournemouth, Sir Simon n'a jamais été surpassé pour ce CD réalisé au tout début de sa carrière !!
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XXXXX
Dans l'article consacré à l'âpre 4ème symphonie, j'avais souligné l'habileté d'orchestrateur de Sibelius qui, bien qu'appartenant à l'école postromantique, savait moderniser son style d'écriture notamment dans ses ultimes symphonies. Il est évident que dans son corpus des 7 symphonies, Sibelius n'a cesse de sophistiquer la structure des ouvrages et de l'orchestration. De la première symphonie (1899) à la 7ème (1924), le compositeur a basculé dans l'ère moderne.  Ce poème symphonique, écrit en 1908, entre les symphonies 3 et 4, montre la transition vers une écriture plus aventureuse, débarrassée de tout académisme de manière patente. Dans ce poème symphonique, la nature nocturne et épique des divers éléments a priori disparates assurent la cohésion par des thèmes identifiables et récurrents, des leitmotive.
L'orchestration lorgne vers la modernité. Exit l'orchestre romantique d'un Tchaïkovski, ici : 2 flûtes, piccolo, 2 hautbois, 2 clarinettes, 1 clarinette basse en si bémol, 2 bassons, 1 contrebasson, 4 cors en fa, 2 trompettes en fa, 2 trombones, 1 tuba, timbales, grosse caisse, tambour, tambourin et ensemble de cordes.
Quant à l'inspiration, elle se rapproche du goût prononcé de Sibelius pour  les légendes nordiques, les sombres forêts impénétrables, les tragédies surnaturelles. Une thématique poétique que l'on retrouve dans toute son œuvre : En saga (1892-1901) la symphonie épique Kullervo (1892), la dramatique Suite de Lemminkäinen (1893) comportant une pièce féérique : le Cygne de Tuonela, et Tapiola (1924) pour citer les ouvrages orchestraux majeurs autres que les 7 symphonies…

Tout commence par une brève introduction aux accents anarchiques dans laquelle cordes graves, cuivres agrestes et percussions se bousculent. Un cheval qui piaffe, se cabre, désireux de s'élancer dans la nuit diaphane aux clairs-obscurs propres à la Scandinavie. Sibelius évoque la chevauchée aventureuse par une scansion ininterrompue et très rythmée des violons. Cavalier et destrier traversent la forêt et longent les lacs qui miroitent sous la Lune. Sibelius émaille cette course folle de mille évènements musicaux dont la signification sera laissée libre à l'auditeur. Une myriade de petits motifs orchestraux aux bois ou aux cuivres animent cette chevauchée (Sibelius adorait le son des bois, celui des clarinettes entre autres). Que peut-on imaginer ? Le bruissement des feuilles, le galop d'un élan, le chant d'un oiseau de nuit…
Le compositeur fait preuve à la fois d'une belle imagination mais surtout d'une légèreté d'écriture qui manque parfois cruellement à la plupart des poèmes symphoniques de Liszt, l'inventeur du genre qui abuse souvent des répétitions de thèmes lourds, ce qui appauvrit le récit et réduit l'œuvre à une simple ouverture de concert classique.
Dans le développement médian [5':22"], flûte et bois succèdent aux cordes pour prolonger l'ivresse de cette galopade nocturne. [6':52"] Petit à petit le discours se détend, quelques bois semblent expédier avec drôlerie les petits animaux vers le sommeil. [7':52] Les pas du cheval ralentissent et le cavalier va contempler le lever de soleil doré au son d'une longue mélopées élégiaque des cordes, où flûtes, hautbois et basson apportent des traits de lumières vermeils. [11':42"] La clarinette, toujours elle, introduit la coda : une marche sereine sous un ciel grandiose, un tableau brossé par des accords de bois et de cors. Majestueux mais aucunement emphatique.
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L'interprétation de Simon Rattle est de bon aloi, le phrasé est précis, sans pathos, et les belles couleurs du Philharmonia magnifient ce poème nordique. Cet œuvre se trouve souvent intégré au sein des intégrales symphoniques, soit 4 ou 5 CDs (Sanderling et Barbirolli). Il existe un superbe album simple de Paavo Järvi dirigeant l'orchestre de Stockholm où se trouvent réunis Chevauchée nocturne et lever de soleil et la Suite de Lemminkäinen peu enregistrée dans son intégralité hélas. Une recommandation…
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