lundi 25 mai 2015

BOB DYLAN - "Oh Mercy"- (1989) par Philou




Merci, Daniel !!!

En cette fin des années 80, l'ex-troubadour des sixties se lance dans une longue tournée en compagnie de Tom Petty, puis du Grateful Dead, mais sur scène BOB DYLAN est au plus bas de sa forme. Soir après soir, il met le pilotage automatique en marche et voit s'envoler l'envie, la spontanéité, l'inspiration... mêmes ses propres chansons lui sont devenues étrangères.
Par ailleurs, DYLAN voit son angoisse de la page blanche prendre des proportions de plus en plus inquiétantes. C'est vrai que ses deux derniers albums : le médiocre "Knocked Out Loaded" (1986) et le pas terrible "Down In The Groove" (1988), n'ont pas vraiment rassurés ses fans.
Devant son incapacité à écrire de nouvelles chansons, DYLAN pense même à mettre un terme à sa carrière discographique.
Après avoir frôler l'extinction totale, BOB DYLAN va retrouver la flamme en débutant, le 7 juin 1988, une nouvelle série de concerts qui deviendra par la suite "The Never Ending Tour".
Il se lance également dans l'aventure Traveling Wilburys ( TRAVELING WILBURYS - " Volume 1"), une expérience qui va lui redonner le gout de l'écriture.
Un soir, lors d'un diner avec Bono, Bobby lui montre l'ébauche de quelques chansons qu'il a écrit. Une caisse de Guiness plus tard, le chanteur de U2 persuade le Zim de les enregistrer et de se mettre en rapport avec le talentueux Daniel Lanois, un musicien multi-instrumentiste passé à la production. Ce dernier a collaboré avec Brian Eno sur "The Unforgetable Fire" et sur "The Joshua Tree" de U2.

Daniel Lanois
BOB DYLAN se rend à La Nouvelle Orléans pour rencontrer Daniel Lanois et le courant passe immédiatement entre les 2 musiciens : -"Entre nous, ça a tout de suite fonctionné, car il comprenait ma musique. C'est très difficile de trouver un producteur qui soit à la fois capable de jouer et de se servir d'un studio moderne. C'est, en tout cas, ce qui m'a manqué par le passé"-.
Daniel Lanois est également un sacré joueur de pedal-steel et travaille sur le dernier Neville Brothers "Yellow Moon".
Le producteur fait écouter l'album à DYLAN qui reconnait, à sa plus grande surprise, 2 de ses chansons "Hollis Brown" & "With God On Our Side".


Au mois de mars 1989, les 2 hommes se retrouvent à La Nouvelle Orléans, dans un ancien manoir victorien où Daniel Lanois a installé un studio mobile. Pour créer un son "marécageux" et une ambiance moite et vaporeuse, il a aménagé l'endroit en posant de la mousse, des animaux, des têtes d'alligators empaillés....
Pour enregistrer les chansons, Daniel Lanois a recruté un fine équipe de musiciens qui vont aider DYLAN à créer un album carrément habité.
Dans ce team éclectique, on retrouve le texan Mason Ruffner, un guitariste qui a joué avec Memphis Slim et un second guitariste au jeu très funky, Brian Stoltz, qui accompagne maintenant les Neville Brothers. Tony Hall à la basse, Willie Green à la batterie, Cyril Neville aux percussions et l'ingénieur du son Malcom Burns, qui joue aussi des claviers, complètent l'équipe. Daniel Lanois, en plus de la production, assure des parties de dobro, de guitares, de mandoline, de mandore, d'omnichord et d'autres bizarreries à frettes.


Les séances d'enregistrement sont parfois houleuses car Daniel Lanois pousse le gars Bobby à faire des choses qui ne lui seraient jamais venues à l'esprit et le résultat est exceptionnel. BOB DYLAN déclarera plus tard que le producteur canadien l'avait aidé à créer "un disque non plus boiteux ou hésitant, mais obsédant et magique".
Dans cet album, on retrouve un des mes titres favoris et qui est certainement l'une des chansons les plus atmosphériques que DYLAN a écrit. C'est "Most Of The Times", une composition bouleversante, remplie de résignation pendant laquelle le Zim nous offre une performance qui vous donne des frissons. A écouter après une rupture, effet garanti...
"Oh Mercy" est l'œuvre d'un musicien réconcilié avec un monde dont la moralité l'avait quelque peu déçu toutes ces dernières années.... enfin, pas tout à fait si on se réfère aux paroles de "Everything Is Broken", une chanson assez caractéristique du DYLAN des années 80, qui se sent en décalage total avec les idées du moment. Heureusement, sur les autres titres de cet album, il retrouve le sens de la poésie et de la conviction qui manquaient terriblement sur ses dernières productions.




"Man In The Long Black Coat", enregistré en une seule prise est autre grand moment de l'album. C'est un murmure tourmenté dans lequel DYLAN conte l'histoire d'une femme qui quitte son mari pour rejoindre un étranger démoniaque, provoquant une série de réflexions sur la conscience, la foi religieuse et l'engagement émotionnel. Les guitares s’entremêlent dans l’écho lointain d'un harmonica et vous touchent au plus profond de votre sensibilité.
BOB DYLAN garde toujours les pieds ancrés dans le terrain politique et l'on s'en rend bien compte en écoutant "Political World", un morceau plus enlevé, plus rock dans laquelle il réaffirme son manque de confiance en la politique, voire même son dégout.
Sur "Ring Tem Bells" DYLAN reprend confiance en sa voix. Son timbre pénétrant et ténébreux est accentué par un piano et le vibrato de la guitare de Daniel Lanois qui soutiennent des paroles qui évoque l'Apocalypse. 
"When Teardrops Fall" a été enregistrée à 3 heures du mat' avec d'autres musiciens du groupe de rock cajun Rockin’ Dopsie and His Cajun Band, d'où une ambiance différente du reste de l'album , le final est superbe avec un saxophone qui résonne dans la nuit moite.
"What good am I" est une chanson introspective dans laquelle DYLAN se livre à un exercice cruel d'auto-analyse en se posant des questions sur sa véritable place et son rôle au quotidien dans cette société.
Seul au piano sur "Disease Of Conceit" , BOB DYLAN interprète avec délicatesse cette chanson remplie de compassion, dans laquelle il expose ses regrets et son d'impuissance face à la vanité des hommes.
Bobby se laisse aller à un peu de mélancolie sur "What Was It You Wanted" et sort son vieil harmonica pour cette chanson d'amour qui transcende sans forcer, toutes les banalités du genre. Alors qu'il était encore imprégné de sentiments de tristesse, BOB DYLAN termine sur une note positive avec "Shooting Star", une chanson où il semble en paix avec lui-même et semble reprendre espoir pour l'avenir.

Dans cet album Daniel Lanois utilise des sons nouveaux pour DYLAN tels que la réverbération, des trémolos de guitares, des chants de Gryllus Campestris (grillons champêtres)... des effets sonores qui sont brillamment distillés dans les chanson et qui accentuent l'ambiance moite et vaporeuse du disque.
L'album est finalement salué par la critique qui n'hésite pas à affirmer que BOB DYLAN a enfin quelque chose à dire car "Oh Mercy" est bien plus que l'album du come-back, il est certainement le meilleur disque de DYLAN depuis "Desire".

Une petite vidéo de la chanson "Most Of The Time"  bidouillée par myself sur You Tube.
 




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