mardi 7 avril 2015

JEREMIE BOSSONE "Gloires" (2015)

Je ne vais pas vous la raconter, il y encore 3 semaines je n'avais jamais entendu le nom de Jérémie Bossone, que j'ai découvert par hasard via un clip sur  Facebook...
Une écoute et 2 titres m'ont suffit pour prendre une claque comme je n'en avais pas pris depuis des lustres. Difficile en effet quand on aime rock ET belle chanson française de ne pas tomber sous les coups de boutoir de Jérémie. Les quelques renseignements que j'ai pu glaner m'ont appris qu'il était natif de la Loudun dans la Vienne et avait commencé son parcours musical comme chanteur d'un groupe de métal progressif avant de bifurquer vers folk et chanson, découvrant les géants, les Brassens, Ferré, Brel, Barbara mais aussi Graeme Allwright, Léonard Cohen et surtout Bob Dylan.
Si ce membre du collectif "les Astapotes"  arpente les salles et festivals depuis une dizaine d'années et a remporté plusieurs prix, ceci est son premier vrai album, on y retrouve les titres d'un premier EP autoproduit ainsi que d'autres titres qu'il joue sur scène, un disque mixé par une pointure du métier, Ian Caple (Bashung, Simple Minds, Stevie Wonder, Higelin..). Il s'est entouré de son frère Benjamin (claviers, piano), Daniel Jea (guitares), Benoit Luque (basse), Bertrand Noël (drums), lui même étant au chant et aux guitares.
Mais sans plus attendre, plongeons dans son univers, une traversée nocturne de la ville par le poète aux prises avec les affres de la création et qui n'a "Rien à dire". On pense à  Manset qui lui n'avait "Rien à raconter"  mais aussi à  Borhinger ("C'est beau une ville la nuit") , Philippe Léotard et bien sûr Brel, avec des fulgurances de rock électrique, comme dans "Décomplexe", qui ose poser la vraie question : l'amour, la vie, la mort, et puis quoi...
Moment fort avec une reprise de "Göttingen" de la dame en noir, une cover belle à pleurer, où la voix de Bossone rejoint presque celle de Barbara, montrant son large registre dans cet émouvant hommage.
On en arrive à "La tombe", sans doute le monument de cet album, une ode sombre et forte à la mort, ça explose en déluge rock'n'rollien à sa moitié, écrit et chanté avec les tripes, avant ce final qui ramène à notre propre trépas "cette tombe était la sienne/en ce jour oui, mais demain/ cette tombe elle sera mienne / c'est la ronde des humains".
Pour reprendre nos esprits, rien de tel qu'une virée irlandaise, vers "Galway", une ballade folk sur laquelle Jérémie sort son harmonica  (à la Dylan ou Neil Young), un poème à la fin duquel Jérémie prends congé, "en ménestrel sur le chemin"  avant de nous faire rencontrer "Scarlett",  encore une histoire de looser magnifique, d'auteur raté qui se noie dans le Whisky, aux accents "Breliens" (je ne sais pas pourquoi elle me fait penser à "Ces gens là" du grand Jacques). L'alcool, thème récurrent qui reviendra dans "L'empire", celui des oiseaux de nuit, celui des solitudes, des maudits et des paumés.
L'amour est là également,  le sulfureux avec "L'érotique", celui qui se consume et s’achève dans "Jamais rester", le romantique dans  "Les amants de la Seine". Puisqu'on parle de romantisme voici la seconde reprise, "Der leierman", un texte du poète allemand Wilhelm Muller (1794-1827), mis en musique par Franz Schubert, un "lied" que ça s'appelle, une autre influence du garçon.
On termine avec le second morceau de bravoure de l'album, embarquement sur le "Cargo noir" pour un voyage chimérique, long poème halluciné qui fait ressortir les fantômes de Rimbaud et ses semelles de vent, de Baudelaire et ses "Fleurs du mal", de Lautréamont et ses chants de Maldoror, ("j'ai vogué sur des mers d'extase/enlacé des constellations/chevauché sirènes et Pegases/ dans la lumière des créations ..."). Et si ce cargo noir était son bateau ivre ? 8 minutes, le truc qui ne passera jamais en radio, mais il s'en fout Bossone, et le dit dans les remerciements: "Merci aux salauds du show biz, vous aiguisez mes crocs".

"Bossone, le chaînon manquant entre Brel et Noir Désir", c'est par cette formule choc que je voulais conclure ma chronique mais je m'aperçois que tous ceux qui ont déjà écrit sur ce disque ont fait aussi ce rapprochement, c'est qu'il doit sauter aux oreilles, tant pis je trouverai autre chose....
Il a tout pour lui ce Bossone, une gueule, une plume, un talent viscéral, une présence scénique qui le fait habiter ses textes, tout pour lui sauf... la France, pays capable de faire Christophe Maé chevalier des Arts et des lettres, de donner la légion d'honneur à Mimie Mathy, ou de considérer M Pokora comme un artiste...
A la fois trop lettré pour le rocker de base et trop rock pour le fan de chanson française, tel est le risque encouru mais en de rares fois le talent fini par s'imposer au delà des genres aux yeux de tous, telle une évidence, je prends le pari que ce sera le cas ici. Jérémie Bossone, retenez son nom et s'il passe prés de chez vous foncez!

ROCKIN-JL

4 commentaires:

  1. Je viens de tomber sur sa version de "Göttingen" y a pas ! Ca le fait ! "Décomplexe" dépote un max ! "Le chaînon manquant entre Brel et Noir désir...." oui ! Mais j'y vois un soupçon du grand Léo aussi et une certaine tendance à faire sonner les mots comme Lalanne sur certain titre de ses début comme "Des mains de chomeur" ou "Que la vie est triste". Pour sur qu'il a tous pour lui, et tout à fait d'accord avec ton coup de gueule (Qui ne le serait pas ! )

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  2. "A la fois trop lettré pour le rocker de base et trop rock pour le fan de chanson française"
    Il y a bien longtemps que je trouve les chansons "peu lettrées" en France et ça me chagrine, et là c'est du bonheur : des textes, de la tripe, et même des c**s !!
    Je ne suis pas un spécialiste de Rock (c'est bien connu), mais son accompagnement musical peut envahissant permet de profiter des textes.. en y injectant de l'énergie...
    Comme Pat, d'accord à 1000% sur le coup de gueule....

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  3. vos remarques à tous les 2 sont trés justes, oui Claude l'accompagnement est dépouillé et va à l'essentiel, -recherchez sur You tube "jamais rester" et la version de" Gottingen", - ce qui n'empêche pas parfois des envolées furieuses . Mon coup de coeur du mois, de l'année, de la décennie peut être.. à suivre

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  4. Shuffle.7/4/15 13:37

    Et en plus, il fait les liaisons. Rien à dire, ça me fait un peu penser à Ange.

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