mercredi 1 avril 2015

BUTCH WATKINS & THE DIRTY TRAVELLERS (2015)




Natif de Géorgie, à Jasper, dans le comté de Pickens, Butch Watkins apprend la guitare avec le pasteur de l’église baptiste locale. Il baigne très jeune dans la musique, le chant, ses parents jouent du violon et de l’accordéon le samedi soir dans les bals, quand ils n’animent pas – bénévolement - une émission de radio sur K-WAWA. Butch se met rapidement au rock, tendance folk. Mais quand on joue de la guitare, en Géorgie, on ne peut pas faire l’impasse sur les frères Allman, Duane bien sûr, et son compère Dickie Betts, qui très vite vont influencer le jeu de Butch. A l’époque, il joue sur une Transformers à double micro Haupmann, que lui a achetée son oncle, le joueur de banjo Hermann Froditts. Avec quelques copains, Butch fait la tournée des bars. Les bruits ambiants, les verres qui tombent, les mecs qui gueulent, ou dégueulent, qui s’mouchent, qui rotent, contraignent Butch à durcir le son pour se faire entendre, et son Classic Rock tendance Bluegrass-Country prend des allures de Heavy-Blues rugueux aux entournures. 

Butch
Mais les choses sérieuses vont commencer vers 2009, Butch Watkins rencontre le guitariste Mike Butterfood, plus chevronné, il a joué avec Gary Smoothdog, Zack Dylan, avec les Blackberry Bitch, et même Connie Stewart. Et puis vont s’adjoindre Duran Taylor derrière les fûts, Andrew Dixie Croft à la basse. Le mot d’ordre est clairement de faire péter les amplis, avec un Heavy Rock torride, solide, qui sent la clope et la bière tiède, qui prend bien sûr dans ses racines du Sud, un arrière-goût Southern quand Mike et Butch rivalisent de soli. 

Andy
Ils entrecoupent leur set de reprises plus couillues, Aérosmith, Rose Tatoo, Gun N’ Roses. Mais après quelques mois à ce régime, des tensions naissent entre les deux leaders, Mike et Butch. Mike boit beaucoup, ce qui altère son jeu, et après quelques éxcès vraiment néfastes, Butch Watkins, déçu, quitte le groupe. Duran Taylor et Croft le suivent. Butch et sa section rythmique repartent de zéro.

Butch Watkins prend un autre guitariste, Kenneth Mc Duggan, qui a joué chez Friday’s Mate, Devils’s Church, Honky Donky, qui maltraite une Flame, modèle Long Stick à triple barrettes et micro Aliflex. Et pour étoffer le son, verser vers la soul, Andy Crossman va prendre les claviers. Les Dirty Travellers sont prêts pour tailler la route, et c’est justement un soir de concert, qu’ils vont croiser le chemin de Roger J. Goodford, qui recherche des groupes pour son nouveau label Peach.  

Peach distribue des artistes comme Dury Kane, Crusemakers of the Loud Moon, Monkeys Beats and The Bluesfuckers, Daïquirri Coast meets The Manhattan Luxury Bombs. Un premier Ep est enregistré en 2012, une mauvaise maquette mp2 qui a coûté 375 dollars, distribuée avec le lait du matin, un ratage complet, qui ne rend évidemment pas justice au Soul-Heavy-Southern-Rock du groupe, qui claque la porte du label Peach. Les Dirty Travellers sont une fois de plus tout seul sur la route. Roger J. Goodford sera d'ailleurs arrêté pour escroquerie quelques temps plus tard, dans l'affaire des partitions et tablatures ésotériques de Jimmy Page, vendues aux enchères, certifiées authentiques, alors qu'il s'agissait de grilles de Sudoku (1).

Duran
En 2013, la rencontre avec Buffalo Mike Philips va être déterminante pour la suite. C’est le fils de Mighty Dog Philips, le producteur de Spoon Cosmic et de Zinedine Larry. Il va offrir au groupe une occasion en or, un passage en première partie de Golden Smoke, qui cartonne. Butch Watkins lui fait écouter ses chansons, et Buffalo Mike Philips envoie le groupe en studio, avec dernière les manettes Andrew C. Coogan, le bâtisseur sonore de Cherry Meat ou Dragon Land of The Death Talking Dicks. On est en mars, 9 chansons sont mises en boite, quand un drame survient : Buffalo Mike et Mighty Dog Philips décèdent dans un accident de vélo (2). Le groupe se retrouve avec une bande, exploitable, mais plus de production.

Andrew Dixie
Ils sont contraints de reprendre la route, et nourrir toujours plus leur expérience de la scène. Ils sont certainement les plus impressionnants dans ce genre d’exercice, les morceaux se transformant au contact du public en déflagrations soniques. Par l’intermédiaire d’Andrew C. Coogan, cousin de Stevie Salas (3), Butch Watkins rencontre le québéquois Jimas Lamothe, du label Cadix, qui reprend les bandes à son compte, les mixe, met en avant la guitare de Butch, incisive et torturée. Lamothe ne verra pas la sortie du premier album de Butch Watkins and the Dirty Travellers. Il meurt écrasé par le métro (4).

L’album finit par sortir, en octobre 2014 -une pochette sublime, juste le nom du groupe- et fait grand bruit, au propre comme au figuré. Augmenté de deux autres titres plus anciens, le disque aligne 11 titres, et brasse des styles allant du Heavy-Rock pimenté de Southern Soul, au Funk torride, ou par l’intermédiaire de la reprise des Hawksmen « Black shadows on my dream », au Rock’n’roll des origines, Butch Watkins ayant toujours crié son admiration pour Eddy Cochran, Bobby Cruch ou Walty Jenkins

« Down in the wood » explore des univers presque psychédéliques, Kenneth Mc Duggan (sur Flame Long Stick SP552, canal gauche) et Butch (SoundFire T2, micros amovibles Durkan, canal de droite) y échangent des solis de feu, dans la tradition du Southern, mais avec un parfum de renouveau, au point qu’on penserait qu’ils venaient d’inventer le style. « Black Cherry Blues » puise chez les pères fondateurs Willie Gunman, Daren Lowfin, Garrett Wolf, autant que chez Jessie Morgan ou Curt Bailey, et toujours cette impression d’entendre ça pour la première fois.  Un morceau grandiose.

Kenneth
Un des pics du disque, « Liza » (hommage à Liza Blackwell (5) célèbre choriste, de Ray Charles à Bob Seger, et dont la fille est la demi-sœur par alliance de Butch) est une pièce Hard Soul, d'une beauté hypnotique, alignant solis d’Hammond d’Andy Crossman fleurant bon le Sud moite, et de Watkins, qui habille d’une Fuzz puissante et salvatrice ses descentes de manche. « Grooving Oaks » accroche dès son riff d'ouverture riche et puissant, c'est remuant, dansant, le chant se gorge de Soul, la Gismer BB3002 crachote de l’overdrive crapoteux (HAX Sole Pressure), et des échos distordus venus des Enfers.

« Pain is mud » évoque les premières heures du High-Rock'n'Roll australien, hargneux, pas si simplet que les premières mesures le laissent penser, car doté d’une construction ingénieuse (mais pas savantes, merde, c'est pas du Prog !)  et de contre points en uppercut. Un morceau hallucinant. « Writing on your feet » ralentit le tempo, dans une Plugged-Folk presque introspective, mais l’accalmie est de courte durée, un break de batterie propulse le groupe dans une cavalcade jubilatoire qui atteint des sommets, avec un Butch précis, fin, affûté, tranchant, acéré, habile, roublard, intrépide, mélodieux, turbulent, vif, véloce, corrosif, insaisissable, magnétique et rayonnant, l’émotion gagnant toujours sur la technique. Sa voix déchirée fait merveille, jamais forcée pourtant, toujours en place, jamais prise en défaut de caricature, et rappelant les légendes du genre comme Kim Johnson, Darryl Colman, Cisco Travers

L’album de Butch Watkins and The Dirty Travellers marie la rudesse des âmes déracinées, enchainées à leurs craintes, et les espaces du Sud peuplés de fantômes errant dans la poussière et le vent tiède venus des îlots meurtris par l’intolérance de ceux qui ne croient plus en l’Homme comme vecteur de l'espérance séminale dont les vertus fleurissent encore quand l’hiver impose ses choix douloureux de vivre ou non dans le souvenir qu'on pensait éternel de celui qui n’est plus mais qui existe encore par delà les cimes boisées et des prairies verdoyantes comme un retour à l'enfance sereine des premiers Impalas.

Pas sûr que dans l'Histoire il y ait beaucoup de premiers albums de cette qualité là. Certes, Butch Watkins and The Dirty Travellers ne crée pas un genre (c'est pas Led Zep I) mais arriver à autant de fraicheur, d'excitation, d'intelligence dans la digestion des influences, ça laisse sur le cul ! Incontestablement, l’album de l’année, même si tôt dans l'année ! 

Pas de clip, malheureusement, mais l'album est disponible sur leur site, vous pourrez y écouter aussi des extraits:
butchwatkinsdirtytravellers.com 

(1) Jimmy Page était d'ailleurs venu à la barre, témoigner, et pardonner à Roger J. Goodford  au motif qu'il était lui-même amateur de Sudoku.     
(2) Sur Motobécane XR2 double pédalier, six vitesses. L'accident est survenu à l'angle de la Beach Road et Telport Avenue, et a fait une autre victime, Taylor McDughon, un laitier qui traversait au même moment, blessé, il se remettra vite.  
(3) Andrew C. Coogan, avait été élevé par la tante du beau-père par alliance de Stevie Salas, mais les deux gamins qui se sont fréquentés très jeunes, se sont perdus ensuite de vue lorsque Andrew, pour cause de mauvaise conduite à l'école, a été envoyé en pension chez les Soeurs Marie-Joseph de la Circoncision. 
(4) Ligne 21, à Fulton Square. Ce drame a fait une autre victime, Taylor McDughon, un laitier qui avait échappé quelques semaines plus tôt à un accident de vélo. 
(5) Liza Blackwell connaissait donc les parents de Butch, participait aux mêmes émissions de radio, prêtant sa voix aux annonces promotionnelles, c'est à elle qu'on doit le slogan "Du beau, du bon, Dubonnet"   

4 commentaires:

  1. Je confirme : ce disque est a manipuler avec précaution. C'est du chaud-bouillant. Du Heavy-funk radioactif ! Et quelle voix !
    Un des meilleurs disques du trimestre.

    Mon disquaire m'a écouté, et tout est parti comme des p'tits pains.

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  2. Par contre... Je ne sais pas... mais... c'est assez bizarre...
    Andrew Dixie a des airs de Calogero... et... Kenneth de Maé.

    C'est bizarre

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  3. Bruno... Qu'est ce que tu vas chercher là... On est au Déblocnot, je te le rappelle...

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    1. Ha !?.... Mais oui ! Où ai-je la tête ?

      (j'bosse trop)

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