mercredi 11 mars 2015

NORDIC'S YELL (2014), by Bruno

    


      Nordic's Yell, un patronyme qui semble en dire long, tant sur l'origine du groupe que sur la musique délivrée. On est certain de pas avoir affaire à de la bonne soupe formatée R'n'bi. Il est vrai que l'imagerie viking semble avoir le vent en poupe. Seul hic, point de gros barbus braillant et brandissant sa hache, ni drakkar sur l'art-work de la pochette. Pas de runes ni de dieux nordiques. Juste un fond blanc sur lequel se détache un pauvre petit poisson rouge qui saute hors de son bocal ; préférant la mort, ou affronter l'inconnu (ce qui pour lui reviendra au même résultat), plutôt que d'être pollué par l'argent. Ou bien est-ce l'argent qui a déjà pollué son environnement ? Est-ce que le poisson essaye d'échapper à une corruption en tentant de rejoindre le « Nordic's Yell » ? Comme pour retrouver une bouffée d'oxygène, quelque chose de plus sain, voire se ressourcer ?


deux frères 

Une image symbolique qui est loin d'être déplaisante, au contraire (et qui, au passage, est à l'encontre de tous ces « artistes » affichant tous les attributs ostentatoires d'une réussite matérialiste, exposant bijoux imposants et tapageurs, et voitures de luxes). La calligraphie du patronyme, fait d'un lettrage semblant réalisé d'une main nerveuse et lourde, à l'aide d'une plume d'oie accrochant le papier, tranche avec le fonds et l'image. Un ensemble intéressant qui sort des sentiers battues et qui ne donne aucune indication quant au contenu. C'est déjà un premier bon point. Le second, c'est la musique. De prime abord, du très gros Rock, entre Heavy-Metal, Stoner et Hard-Rock, mais pas que. Finalement, peut-être que ces Nordic's Yell font avant tout du Nordic's Yell.

     La petite galette de 12 cm est enfournée dans le lecteur et, immédiatement, jaillit une grosse guitare grasse et baveuse, affublée d'une distorsion abrasive. Un Glam-Roc surpuissant parent avec un Marylin Manson (la rythmique est d'ailleurs proche de « Rock is Dead »), voire avec un Rob Zombie. A ceci près, que la voix ici renverrait presque les deux icônes du Horror-Heavy-Metal indus à l'école primaire. L'appellation de Nordic's Yell prend alors tout son sens. A travers ce Heavy-Metal tendance Glam surnage une voix forte, légèrement gutturale, un rien caverneuse (sans partir dans le Growl ou le Grunt), parfois plus ou moins teintée de Pig Squeal. C'est le chant d'un berserker, encore chargé de résidus d’adrénaline, vantant ses exploits après la bataille, ou d'une quelconque entité de la mythologie nordique. Un timbre que l'on pourrait situer entre James Hetfield, Zakk Wylde, Big Dad Ritch (Hippie Texas Coalition), et Herman LeRoux (Juggernaught).
« On the Road », tout en reprenant le même attirail guerrier, planche sur une facette plus franchement Stoner, et aussi un rien conventionnelle. Tout comme les paroles d'ailleurs, qui sont une ode à la vie sur la route (pour la scène) en même temps qu'un défi lancé à eux-mêmes ; c'est l'occasion ou jamais de faire leurs preuves.
Et puis, subitement, on change la donne.  « Nocturnal Frenzy » se distingue par des arpèges de guitares et une ambiance posée, recueillie. Toutefois, le timbre de voix reste pratiquement le même, bien que le chant soit forcément moins offensif. Des chœurs sont invités et insufflent une lointaine réminiscence à la fois guerrière et mélancolique. Cela se durci légèrement : les arpèges laissent leur place à des accords plaqués, un solo échevelé nourri à la wah-wah et à la disto habillée d'un léger effet de chorus déchire l'air (un peu dans le style de Zakk Wylde - autrement dit, ça tricote et ça a le gros son -), mais l'atmosphère demeure cantonnée dans un espace gothique, en catégorie Heavy-folk.
Nouvelle surprise avec une basse bien funky, limite claquante, qui introduit « Lose my Soul ». Funk ? La guitare ne l'entend de cette oreille et, en réaction, plombe considérablement l'ensemble en délivrant un gros riff à la slide en version Caterpillar ; la batterie suit. C'est la rencontre des Red Hot avec Rob Zombie. Après cette empoignade, l'orchestration, semblant réconciliée, finit sur un lent mouvement qui aspire à rejoindre un Blues-rock poussiéreux et souffreteux, sans jamais l'atteindre.



Rebelote avec « Wild Child » où l'on croit un instant avoir accès aux humeurs introspective du groupe, avant que l'orage ne s'abatte. La distorsion est poussée à fond. On nage en plein Stoner violent, sombre et torturé. C'est entrecoupé d'instants plus calmes, couchés par un arpège ténébreux où le chant ressemble à la plainte d'un Jötnar blessé. Ou plutôt de Sekhmet, car la chanson fait intervenir cette déesse guerrière égyptienne venu sonder l'âme du nouveau-né.
« Red Bad Girl » chante le regret du départ d'une chanteuse (la choriste ? Qui illumine chaque chanson où elle intervient ?). Guitare sèche et voix néandertalienne. 
Comme son nom l'indique « Rock'n'Roll Home » aborde une contrée plus... Rock'n'Roll, avec harmonica plaintif en fond sonore. Et, là encore, après une superbe introduction blues (avec voix d'outre-tombe) d'une trop courte minute, le névrosé calé derrière sa gratte (que l'on soupçonne d'être équipée d'humbuckers à haut niveau de sortie) ne peut s'empêcher de lâcher la purée avec sa disto confectionnée dans les forges de Völund. A ce titre, on ne sait si la guitare passe par deux pédales d'effet (genre disto couplée à une overdrive) ou si c'est une seule pédale qui rajoute sa dose de gras à un ampli déjà bien chargé (bien souvent, le grain des soli évoque une Marshall Guv'Nor II en mode fat et le gain poussé au 3/4). Et toujours ce jeu d'ombre et de lumière, d'accalmie au milieu de la tempête, de respiration au milieu du tumulte. Une pièce qui nous ramène au « Rock'n'Roll Great Wall part I & II» du collectif éphémère C.LA.F.F de Claff Germain.

« Insane » - ou la lutte d'un homme avec lui-même, afin de ne pas chuter dans la folie -  débute tel une ballade ténébreuse de Zakk Wylde,... mais... comme toujours, on ouvre les vannes d'où jaillit alors un flot bouillonnant et destructeur de Metôl-Rock, un tantinet Stoner (Clutch). Le coda renoue avec la ballade, cette fois-ci avec des chœurs faisant le lien avec « Noctural Frenzy ».

Neils + Gibson Les Paul Black Beauty
(joliie...)

     Jusqu'où iront ces Nordic's Yell ? On ne sait pas trop... la preuve, ce « Coyolxauhqui » du nom de la déesse de la Lune des Aztèques (au destin tragique). Un bodhram est sollicité pour donner une sensation supplémentaire, non pas celtique, mais bien amérindienne au début. La seconde partie laisse échapper quelques effluves de souffres avec ces incantations envoûtantes psalmodiées où vient se lover un chorus meurtri par des bends vertigineux (frôlant un instant le chaos) soudé à des chants d'extases, de possédés, d'abord féminins puis masculins. Bien que la recette soit simple, la magie opère. On est séduit, et cela finit même par s'incruster dans le cerveau.
Le final se fait sur une pièce acoustique : chant, guitare acoustique, chœurs et quelques effets de cymbales. Il semble y avoir en fonds, à peine audible, une simulation de notes tendues de violons qui se fondent dans les arpèges. Plus trois notes de synthés répétées en boucle sur le second mouvement. A l'exception de "Red Bag Girl", c'est le morceau le plus sobre au niveau de l'orchestration. Le chanteur y déverse toute sa rancœur, toute son amertume, sa colère face à l'immobilisme et une société castratrice. Un appel au réveil des consciences. On retrouverait presque les textes virulents d'un Bernie Bonvoisin des premiers Tru$t.

     Pour faire court, Nordic's Yell se serait la rencontre du Stoner de Clutch, de Planet of Zeus, de Kyuss, de Rainbows Are Free, The Grand Astoria, de Stoned Jesus, avec la puissance dévastatrice d'un Black Label Society (dont on retrouve le même goût pour écrire des ballades ténébreuses, les solos fiévreux et le chant en mode "Berserker"), notamment au niveau de l'agressivité des guitares, et le Heavy de Grand Magnus et de Metallica.

Par ailleurs, le groupe revendique l'influence d'Ataxia (le groupe de John Frusciante), de Wadruna et de Stone Sour, en plus de celle de Black Label Society, bien que seul ce dernier soit vraiment évident (du moins sur ce disque).
Néanmoins, en ce qui concerne Wadruna (1), on peut effectivement y retrouver sur « Coyolxauhqui », ainsi que sur les passages calmes de « Insane »,  « Nocturnal Frenzy » et  « Wild Child » son empreinte sous-jacente.
Lorenzo + Fender Telecaster Custom FMT HH
(joliieee...)

     Mais d'où viennent ces jeunes gens adeptes du gros son et de la collision des atmosphères soniques ?  D'ambiances boisées avec celles sur-électrifiées d'Un Stoner violent ? 
De Scandinavie ? Non. D'un lieu retiré des U.S.A. ? Encore moins. Non, ils sont originaires de la Drôme, en France. D'un p'tit bled proche de Montélimar. C'est d'autant plus étonnant que, quelque fois, on croirait déceler un accent scandinave dans le chant.
 Les instigateurs sont Lorenzo et Neils Delannoy, deux frères qui ont débuté ensemble à la guitare, il y a une dizaine d'années, et qui ont étudié au Music Academy International de Nancy. Pendant toutes ces années, ils n'ont eu de cesse de composer, de travailler et de peaufiner leurs chansons, jusqu'à la réalisation de ce premier essai (essai transformé). 
     Pour ce premier enregistrement, ils se sont adjoint les services de leur ancien prof de guitare, Jérôme Duclaut (qu'ils ont relégué à la basse), du batteur Tommy Rizitelli, et surtout, ceux de Mark S. Berry, qui aurait été séduit par la musique de ces jeunes français. Mark Berry est connu pour avoir travaillé pour Billy Idol, David Bowie, Toto, Kool & the Gang, Yes. Berry a choisi un studio en Ardèche (à Saint Peray) afin de pouvoir travailler en analogique. 

 On remarque une invitée de choix en la personne de Gaëlle Buswel qui est employée en qualité de choriste de luxe et d'harmoniciste ("Rock'n'Roll Home"). Un choix judicieux tant sa voix se marie bien dans ces sonorités singulières, tout en contre-balançant avec la rugosité de celle de Neils


(1) Wadruna est collectif norvégien de Pagan Folk (ayant pour chanteur Gaahl, l'ancien hurleur du combo de Black-Metal, Gorgoroth) qui a pour objectif de transporter à l'aide de leur musique, l'auditeur aux temps des Vikings du Xème siècle. Notamment en utilisant des instruments scandinaves anciens et en exploitant l'alphabet runique. Les paroles narrent la mythologie et les anciennes croyances Nordiques. Wadruna est l'auteur de la B.O. de la série télévisée "Vikings" (même si  Kvitrafn dit avoir du mal à regarder cette série car, d'après lui, elle ne représenterai  pas correctement la spiritualité des anciens Vikings ).




Là, c'est un chouia plus brutal...


     On voudrait définir, dans les grandes lignes, le style définitif de Nordic's Yell comme du Stoner, tendance Hard-Rock ou Heavy-Metal (plutôt que psyché). Mais alors que penser de leur dernière réalisation ? Un modeste petit Ep beaucoup moins rugueux et offensif, qui penche parfois vers un Stoner-psychédélique et Heavy-psychédélique (entre Causa Sui, Colour Haze et un Samsara Blues Experiment posé), avec, en plus, l'influence de ce Wadruna alors un peu plus évidente.
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