vendredi 27 mars 2015

DEEP PURPLE "Inglewood" (1968) par Luc B.


Si toutefois l’offre n’était pas déjà assez pléthorique, on voit refleurir dans les bacs depuis quatre ou cinq ans des lives de DEEP PURPLE. D’abord répertoriés sous le nom de Official Archive Collection, avec des LIVE IN DANEMARK ’72, ou LIVE AT SAN DIEGO ’74, le nouvel arrivage s’appelle The Official Deep Purple (Overseas) Live Series. Avec notamment un COPENHAGEN ’72, qui, cela ne vous aura pas échappé, se situe au Danemark… Révisons toujours notre géographie, avec un LIVE IN STOCKHOLM ’70 vs SCANDINAVIA NIGHTS ’70. Reste que ces rééditions sont très bien faites, le son vaut ce qu’il vaut, mais les livrets sont copieux. Et puis il y a des pièces comme LIVE IN MONTREUX ’69, première apparition de Gillan en formule Rock’n’Roll après les prestations progressivo-classiques au Royal Albert Hall, ou le LIVE IN PARIS ’75, (la prise de son est remarquable) dernier tour de piste du fauve Ritchie Blackmore, à l’Olympia s’il vous plait, qui a notamment servi de base au MADE IN EUROPE.  

Le dernier en date, c’est le LONG BEACH ’71, quatre titres pour 70 minutes, qui circulait depuis des lustres en pirate sous le titre SPACE VOL.1 & 2.

Celui qui nous intéresse est à classer à part. Dans le tiroir document. LIVE AT INGLEWOOD ’68 est le seul concert enregistré avec la première formation du groupe, comprenant Rod Evans au chant et Nick Semper à la basse. Il a été enregistré à Los Angeles, le 18 octobre 1968. Le groupe a déjà sorti deux albums aux USA (seul le premier a pour le moment été distribué en Angleterre), le titre « Hush » cartonne en radio, ils sont donc accueillis comme des stars, trois jours avant, limousine, hôtel de luxe et petites pépées. Ils ont été engagés pour assurer la première partie des concerts d’adieux de CREAM, une vingtaine de dates.

DEEP PURPLE va bénéficier des ingénieurs qui enregistrent CREAM pour la parution d’un futur live GOODBYE CREAM, et leur première prestation US sera immortalisée. Filmée aussi, mais suite à des désaccords et des problèmes techniques (on testait les nouvelles caméras vidéo Sony), le résultat est désastreux. Dans la salle le public est aux anges, mais la fête sera de courte durée. DEEP PURPLE se fait virer de la tournée après trois dates. Certains dans l’entourage de CREAM n’apprécient pas le succès qu’obtient DEEP PURPLE, qui fait de l’ombre au trio star. Les musiciens ne sont pas mis en cause, d’ailleurs, comme le fait remarquer Jon Lord, ils étaient tellement défoncés qu’ils ne se rendaient compte de rien…

Le public raffole de Ritchie Blackmore, qui étonne en glissant ça et là ses gimmick baroques, jazzy, au milieu de solos censés être Rock’n’Roll. Ça ne se fait pas d’épater la galerie, surtout quand Eric Clapton passe après. Les membres de CREAM sont chargés comme des mules, se détestent cordialement, leur musique parait brouillonne, face au juvénile quintet, qui déploie son talent sans fausse pudeur. Les producteurs de la tournée appellent VANILLA FUDGE et Rod Stewart à la rescousse.

Autre motif de bouderie, Jimi Hendrix, qui avait une maison à Los Angeles, invite les membres de DEEP PURPLE après leur concert, pour jammer. Et pas CREAM. Un affront pour les mecs de la maison de disque, qui espéraient tant de cette rencontre. Pendant la soirée, Hendrix recommande à Blackmore d’aller écouter un certain Johnny Winter, dont il pense le plus grand bien. DEEP PURPLE se retrouve sans date, mais reste aux USA jusqu’à la fin de l’année, on leur trouve des concerts vite fait, quelques séances de studios, puis c’est le retour en Angleterre.

Sur ce disque, on a donc la prestation complète, ce qui a été joué ce soir-là. Le son n’est pas terrible, la guitare souvent noyée, si la pulse de batterie est présente, les fioritures de Ian Paice passent à l’as, hélas. Mais la voix de Rod Evans sort bien. Une voix qui détonne avec le volume sonore déployé par les autres musiciens, raison pour laquelle il sera viré quelques mois plus tard (trop limité techniquement ; Blackmore ayant entendu Robert Plant chanter, aurait dit à Jon Lord : c'est un mec comme ça qu'il nous faut...). Evans tient plus du crooner que du chanteur de rock. On l’imagine mal éructer sur « Speed King ». Mais assure le boulot, et le groupe entame avec « Hush », le tube du moment, bien alourdi par les riffs de guitare et la basse plombée. 

On ne laisse pas le public réagir, on enchaine recta avec un « Kentucky woman » trépidant, composition de Neil Diamond. Qui appréciait cette version, proposant même au groupe d’autres reprises. Sur 7 titres, DEEP PURPLE ne propose que deux compositions originales, préférant s’appuyer sur des standards pour leur premier concert américain. Rod Evans peine un peu sur les refrains, Blackmore brille de mille feux… Les mises en place sont impeccables.

« Mandrake root » (qui sera métamorphosé par Ian Gillan, avant d'être remplacé sur scène par « Space Truckin'») est un titre prétexte à jam, qui souvent atteint la trentaine de minutes, mais ici resserré à 9’30. On est clairement dans ce qui deviendra le Heavy Métal, lourdingue à souhait, un groove très hendrixien, et évidemment, ça dérape au bout de 3 minutes pour se barrer en impro (contrôlée), on va vous montrer ce que ça donne d’écouter du Bach quand on joue du Hard… Ian Paice est heureux, il laboure comme un dingue.

Une reprise des Beatles « Help » au tempo ralenti, Rod Evans y est plus à son aise, un peu ampoulé, très dans son époque, mais cet arrangement est plutôt intéressant. Mais à entendre Ian Paice, assez zepplinien dans son jeu, et celui de Nick Semper, on regrette que le bassiste ne se montre pas plus entreprenant. Un instrumental ensuite « Wring that neck » parfois nommé « Hard Road », là encore prétexte à de longs développements (jusqu’à 36 minutes à Stockholm !) sur une base de Boogie-rock. Ca swingue du feu de dieu.

« River Deep, Mountain high » est un titre de Phil Spector, arrangé pour Ike et Tina Turner. Il faut 4 minutes à DEEP PURPLE pour en venir au fait, Jon Lord faisant un détour (pompeux ou pompier ?) vers Zarathoustra/Kubrick, son pêcher mignon. Rod Evans prend sa voix de crooner au début, se sort un peu les tripes ensuite, mais bon. Le chorus de Blackmore remet un peu de Rock’n’Roll dans tout ça, mais bon. Pour finir, autre reprise le « Hey Joe » de Billy Roberts, dont la version de Jimi Hendrix est la plus célèbre. Celle donnée à Inglewood est conforme au disque SHADES OF DEEP PURPLE, avec son long développement hispanisant en intro. Rod Evans gueule bien, enfin, Blackmore impose sa patte, ne lorgne pas sur le gaucher de Seattle.

Franchement, pour un groupe fondé tout juste six mois plus tôt, et pour une première date aux USA, et ouvrant pour CREAM, le résultat se pose là. On retient évidemment les prestations des trois piliers Blackmore, Lord et Paice, déjà incroyablement en place, efficaces, imaginatifs et inspirés. Les deux autres ne déméritent pas, mais font moins d’étincelles. Le ton est en train de changer, entre les séances studios pop progressives, et la scène, où le volume est poussé à fond, où les riffs se durcissent, on sent que Semper (qui rejoindra WARHORSE avec Rick Wakerman) et Evans ne vont pas rester longtemps.

La qualité sonore du disque ne permet pas de profiter réellement de la musique, avec les moyens actuels, il est surprenant qu’on ne puisse pas faire mieux (les titres de CREAM bénéficient d’un meilleur rendu). Ce qui réserve ce disque aux amateurs confirmés. Hélas.             
  






DEEP PURPLE - INGLEWOOD 1968

1 - Hush (Joe South)  4:44

2 - Kentucky Woman (Neil Diamond)  4:42

3 - Mandrake Root (Blackmore, Evans, Lord)  9:36

4 - Help (Lennon, McCartney)  5:33

5 - Wring that Neck (Blackmore, Simper, Lord, Paice)  6:00

6 - River Deep, Mountain High (Jeff Barry, Ellie Greenwich, Phil Spector)  9:18

7 - Hey Joe (Roberts)  7:57

Pas de vidéo du concert, elle est illisible et inaudible, mais ce passage TV, chez Hugh Hefner, le patron de Playboy (quand je vous disais qu'ils avaient été bien reçus...). Visez-moi les costards !



ooo

14 commentaires:

  1. Très seyant le moule-"Burn" de Rod Evans !!!!

    RépondreSupprimer
  2. Excellent !!! Je m'en veux de ne pas l'avoir trouvée et placée dans l'article !!! Tu auras remarqué la grâce des mouvements de hanches de Blackmore, on dirait un jeune communiant sous acide ! Ce clip me rappelle un épisode de Amicalement Vôtre, dans une boite de nuit...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Exact pour le coté boite de nuit dans "Amicalement Vôtre" !! :-) Quand tu regarde le déhanché de certain danseur, comme le black en costard à 3.03 !! Tordant !!

      Supprimer
    2. Le black en costard, c'est Richard Pryor.

      Supprimer
    3. je ne l'ai pas reconnu !

      Supprimer
  3. Généralement, le Mark I est sous-estimé, voire carrément ignoré. Pourtant, en trois albums sortis avec juste quelques mois d'écarts, le Pourpre démontrait déjà une forte et rapide progression. Et d'ailleurs, l'album éponyme de 1969 demeure un de leurs meilleurs.
    Rod Evans a démontré dans Captain Beyond qu'il était capable d'évoluer, de s'adapter, tout comme Simper au sein de Warhorse (mais, apparemment, pas assez rapidement).
    Mais, l'énorme déflagration déclenchée par le faramineux et emblématique "In rock" ensevelit le Mark I.

    (le déhanchement de Blackmore est certainement généré par celui des pin-ups présentes. Il a peut-être une gêne)

    RépondreSupprimer
  4. De superbes belles paires de loches à profusion dans ce clip.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. pas encore regardé, mais voila un argument de poids HRT...

      Supprimer
    2. je vais revoir ma considération bienveillante envers Pat Slade qui s'attarde sur le moule burnes de ROD ( tiens ! ROD ,,, qui se traduit comment en notre langue de Voltaire ?? ).
      Moi, en tant que mâle poilu et tatoué je visionne avec une acuité visuelle aiguisée les Belettes de cette époque.

      Supprimer
    3. Il aurait mis un futal noir, j'aurais surement regardé ailleurs, le coté poutre apparente n'est pas ma tasse de thé, mais la couleur avec le reflet des spots, ça n'aide pas, ça attire l'oeil même si tu es hétéro !

      Supprimer
    4. Ok,
      Tu me récitera 666 Pater !
      Dont acte

      Supprimer
  5. Hola, Hola... Hola ! Camarade ! On s'égare. Voilà quelques minettes, et ça y est : on s'émoustille.
    Remarque : on voit un peu trop les musiciens sur cette séquence filmée.

    RépondreSupprimer
  6. Deep Purple était un groupe intéressant dés le départ. Il fut fortement influencé par Vanilla Fudge, Blackmore ne s'en cacha pas d'ailleurs. J'ai découvert cette phase avec le troisième album éponyme, simplement magnifique. On sent que Blackmore bouillonne intérieurement, et qu'il n'a qu'une seule envie : lâcher les chiens.

    RépondreSupprimer