mercredi 25 mars 2015

Andy FRASER - (3/07/1952 - 16/03/2015) - RIP



     La série continue, et on constate que ce ne sont pas les plus âgés qui partent. Andy Fraser n'avait que 62 ans lorsqu'il s'en est allé pour d'autres lieux, le mardi 16 mars dernier, seul, à son domicile.

     Né un 3 juillet 1952 à Paddington (dans le Grand Londres), Andrew McLan  Fraser avait commencé sa carrière professionnelle de manière exemplaire. A peine âgé de 16 ans, il allait former avec d'autres comparses de la même tranche d'âge un des plus grands groupes de Heavy-Blues des années 70. C'était avec trois autres jeunes prodiges qu'il forma FREE. Un groupe qui, en une poignée d'albums, allait marquer à jamais les décennies suivantes.

Andy avec son EB3, à l'époque de Free

     Paradoxalement, bien qu'étant le plus jeune du quatuor, il était celui qui pouvait déjà se targuer d'une jolie petite expérience. Initié à la musique par le piano (via Mozart et Beethoven, un apprentissage qu'il utilisera pour ses compositions, comme dans "Heavy Load"), il passa à la guitare à 12 ans et, plus ou moins livré à lui-même (son père l'ayant abandonné à l'âge de 6 ou 7 ans), il se retrouva rapidement à jouer dans les clubs de l'East End (pas vraiment les mieux fréquentés), jouant avec des gars qui avaient dix ans de plus que lui, si ce n'est davantage. Ce fut Alexis Korner (qu'il avait rencontré par l'intermédiaire de sa fille, Sappho, qui fréquentait le même établissement scolaire) qui le recommanda à John Mayall.
     Ainsi, à 15 ans, Andy Fraser rejoingnit les Bluesbreaker de John Mayall, aux côtés de Mick Taylor.
Ce serait encore Alexis Korner, qui considérait pratiquement Andy comme un fils d'adoption, qui l'aurait encouragé à rejoindre trois jeunes passionnés de Blues qui cherchaient à monter un groupe.
FREE naquit donc en 1968, et tira sa révérence en 1973, après une fin tumultueuse et chaotique, mais en laissant en héritage une discographique quasi parfaite. (A lire la story : ""Free Story").

     FREE fait partie de ces groupes rares où chaque élément est une pièce maîtresse, où chaque musicien est devenu une icône, une référence.
Fraser s'y révéla un bassiste doué, dont le jeu pourrait être la synthèse entre James Jamerson, de Willie Dixon, de Paul McCartney (comme pour beaucoup, les Beatles eurent un impact déterminant sur le jeune Andy) et de Jack Bruce (comme ce dernier d'ailleurs, il choisit une Gibson SG EB3 (1)). Son jeu était à la fois puissant, précis, groovy,  fluide et surtout très expressif. A lui-seul, il était capable de créer une atmosphère (comme par exemple sur "Free Me"), pouvant aller du spleen le plus profond comme à quelque chose de nettement plus enjoué.

     Dès le premier opus, en 1969, "Ton of Sobs", il s'investit dans l'écriture, avec ici deux morceaux co-écrits avec Paul Rodgers. Quelques mois plus tard, avec le magnifique album éponyme, il participa à l'intégralité du répertoire. Désormais,et ce  jusqu'à l'album "Highway", le binôme Andy Fraser - Paul Rodgers par sa forte présence en tant que compositeur, pouvait être légitimement considéré comme le cœur et l'âme de Free. Un duo de compositeurs prolifiques qui ne laissaient que quelques rares miettes aux autres, et encore, généralement en collaboration (ce qui créa quelques dissensions avec Paul Kossof).  Toutefois, il est indéniable que la patte de monstres sacrés tels que Paul Kossof et Simon Kirke a eu une part déterminante dans le son singulier et la forte personnalité de ce groupe incontournable. 

     Sa basse parfois minimaliste avait le don de trouver la note juste, raisonnant alors tel un riff immuable et imparable. Une basse qui portait parfois à elle seule la chanson ; Kossof n'ayant plus alors qu'à apposer ses soli déchirants.
Même si ce n'était pas la meilleure composition du groupe, "Mr Big" devint rapidement un titre emblématique (toutefois, bien moins que "All Right Now"  qui fut N°1 dans une dizaine de pays, dont la France), notamment pour de nombreux bassistes. Car la basse y a non seulement une place prédominante, mais elle se fraye aussi un chemin lors du break pour s'octroyer un fin solo. D'ailleurs, Billy Sheehan (qui fut un temps surnommé le Eddie Van Halen de la basse) s'en souviendra lorsqu'il créera, avec Paul Gilbert, un groupe qu'il baptisera Mr BIG. Peut-on rêver plus bel hommage ?

ère Andy Fraser Band (avec une Guild SG)

     En 1972, Andy quittait le groupe, lassé par les déboires et l'addiction de Paul Kossof. Une position d'autant plus inconfortable qu'il était certain que le décès du guitariste était devenu inéluctable et proche. Le tout était de savoir quand. La fin du groupe, comme le décès de Koss, lui occasionnera une plaie à vie. D'autant qu'il ne fut pas invité à l'enterrement, et qu'il recu une lettre de David Kossof lui reprochant le décès de son fils. Il ne sut jamais si Rodgers et Kirke eurent droit au même courrier culpabilisant.

     Il fut approché par les Faces mais il ne sentait pas en phase avec leur image de machos.

     Il préféra former un nouvelle bande, Sharks, avec Chris Spedding (et avec Marty Simon à la batterie et le chanteur Snips, futur Baker Gurvitz Army). En 1973, arrivait dans les bacs le résultat de cette réunion : Un très bon disque de Rock âpre et bluesy, même s'il est loin d'égaler FREE. (Chronique complète ici : Sharks "First-Water").
Apparemment insatisfait, il ne s'y éternisa pas et quitta le navire peu après la sortie du premier disque.

     Nouvelle brève aventure avec The Andy Fraser Band, pour deux galettes dans la même année, en 1975 ("Andy Fraser Band" et "In your Eyes"), où il libérait, pour la première fois, tout son potentiel de multi-instrumentiste. On connaissait le Andy Fraser excellent bassiste et compositeur, bon choriste, mais on n'imaginait pas alors qu'il avait, encore, tant de talents. En tant que chanteur, son timbre était assez proche de celui de son ancien collègue Paul Rodgers, avec un peu moins de coffre et de rugosité. Il se situait un peu plus dans une veine Blue-eyed Soul. Des chansons comme "Need Someone to Love" sont d'une intensité rare, encore plus pour une personne de son âge (probablement l'exemple de Rodgers). Cela baigne dans une Soul (blanche) maîtrisée, généreusement saupoudrée d'éléments Rock et blues. Une musique qui s'épanouit dans un terrain de jeux propice aux développements du style des Rod Stewart, Robert Palmer, Cold Blood, et Joe Cocker. Bien que contenant de belles pièces, plaisantes à l'écoute, apte à rivaliser avec des galettes de Soul et de Rock qui eurent droit aux honneurs en cette année 75, ces deux vinyls sortirent dans un relatif anonymat. A tel point que nombreux étaient ceux qui croyaient qu'Andy Fraser s'était retiré de la musique dès son départ de Free.
Comme quoi, parfois, le talent seul ne suffit pas, une bonne promotion s'avérant souvent indispensable à l'éclosion et au succès d'un artiste. En aparté, dans le même cas de figure, on peut faire le parallèle avec les excellents "Cut Loose" et "Electric", voire "Now & Live" de Paul Rodgers qui n'ont bénéficié que d'un modeste succès alors que ses disques avec The Firm, pourtant bien moins bons, sont rentrés dans les charts américains et anglais. 

     Après une tentative de collaboration infructueuse avec Frankie Miller, il émigra en Californie. Là, il se contenta d'écrire pour autrui. Ses talents de compositeur reconnu lui permirent d'être sollicité, entre autres, par Rod Stewart, Chaka Kan, Paul Young, Tim Curry et Joe Cocker. Le plus bel exemple étant évidemment "Every Kinda People", méga hit interprété par Robert Palmer (album "Double Pleasure" de 1978) et qui fit la joie d'annonceurs publicitaires pour une célèbre marque de bière.

     A l'abri financièrement, il mena une vie tranquille. En 1984, il refit une apparition avec l'album "Fine, Fine, Fine" avec clips à la clef.  Le disque, grévé par une production emphatique, bourrée d'échos et de synthés, très orienté Pop-Rock FM, offre alors une toute autre image de Fraser. Une nouvelle orientation qui a peu de chance de satisfaire les fans de la première heure. Le Heavy-Blues n'est plus qu'un très lointain souvenir. 



     Et puis finalement, il disparut de la circulation. On apprendra bien plus tard, qu'il fut diagnostiqué d'un VIH dans les 80's. Puis d'un Sarcome de Kaposi, dont il eut près d'une trentaine de rémissions. 
     Après de longues années de combat contre la maladie, pensant avoir vaincu son VIH, il revint frais et dispos avec "Naked and Finally Free", en 2005. Si ce disque ne renoue toujours pas avec le Heavy-blues de Free, ni la blue-eyes-soul Rock du Andy Fraser Band, la musique est d'une indéniable qualité.
Andy s'y présentait mature, maître de lui-même, libéré, présentant une musique qui n'est pas loin d'être la synthèse de toute sa carrière de compositeur avec une approche complètement en phase avec son temps. Une sorte de World-Soul-bluesy où on retrouve un Fraser ayant  toujours cette capacité à faire vivre sa basse, la faire chanter, sans une note superflue ; une basse vibratoire dont jaillit un feeling énorme, capable même avec peu de notes de créer une atmosphère tangible (parfois subliminale).

2005 fut également l'année où il fit son coming-out à travers des interviews (cf le Daily News), ainsi que dans des clips vidéo où il s'y présente sans ambiguïté (qui pourrait choquer les plus puritains).


     Les dernières années, il se faisait remarquer en prenant position, s'engageant même parfois, pour diverses causes. En autres, il soutenint le mouvement Occupy (Wall Street), et  rejoignit celui de Rock Against Trafficking. Ce dernier milite contre l'exploitation des enfants. D'autres artistes y sont engagés, dont Glenn Hughes, Carlos Santana, Joss Stone, les sœurs Wilson du groupe Heart, Neal Schon, Steve Lukather, Keb' Mo', Julian Lennon, Slash et Paul Carrack.
Il a même composé une chanson en soutien de la campagne présidentielle de Barak Obama.

Andy était en cours de préparation d'une tournée dont les répétitions devaient débuter en mai prochain. Cela devait être l'occasion de retrouver un vieil ami : Simon Kirke. Il ne cachait pas son impatience de retourner sur scène avec son vieux collègue.
Le répertoire devait être constitué principalement des classiques de Free, plus des chansons issues de sa collaboration d'avec Frankie Miller.
Le chanteur Spike  (des Quireboys) devait, lui aussi, rejoindre Andy en vue de la préparation de la tournée.

     Andrew McLan Fraser a fini ses jours chez lui, dans cette communauté qui s'est installée dans le désert de Temecula, en Californie. A ce jour, les causes du décès ne sont pas certaines, et une enquête est en-cours (c'est son jardiner qui l'a retrouvé inanimé dans sa voiture). On se sait si son décès est directement lié à son cancer, ou/et, le VIH.
Il laisse deux filles, Jasmine et Hannah (qui interprète une superbe sirène pour un de ses clips) et leur mère, Ri.


 Quelques commentaires à vif de proches  

     Paul Rodgers : "Perdre Andy est quelque chose de très personnel. Je n'ai pas de mots. C'est un jour triste."

     Simon Kirke : "Andy ne se considérait pas comme un bassiste. Plus un musicien pouvant faire avec ce qu'il a sous la main. Quand je l'ai revu... il m'a fait écouté des morceaux qu'il avait écrit. Il avait tout joué, mais c'est surtout son chant qui m'avait le plus surpris. C'était un musicien accompli.Un joueur unique. Nous ne trouverons plus son pareil""

     Spike (Quireboys) : "Je ne peux pas le croire. Il est trop tôt pour y réfléchir... Andy était un musicien suprême, et un homme courageux. Il va beaucoup nous manquer"

     Glenn Hughes : "Ma plus grande influence sur mon jeu de basse. J'ai été honoré d'avoir pu partager la scène avec lui... Un frère aimé"

     Joe Bonamassa : "Je suis extrêmement triste. Andy était un des plus grands, et j'étais fier de pouvoir l'appeler mon ami"

     Gary Miller (président du Rock Against Trafficking) : "Mon cher ami a tant fait fait pour la fondation, et pour moi personnellement. Il était mon petit "Grand-frère", un des plus grands bassistes et auteurs-compositeurs de tous les temps"

     Hannah Fraser : "Andy était un survivant qui avait réussi à vaincre certains problèmes de santé les plus difficiles. Il a quitté cette terre heureux, en bonne santé, et charge de projets pour faire un monde meilleur pour nous tous. - It's all right now, et il est finalement Free -"

(1) Sa fameuse basse Gibson SG EB3 est exposée au musée du Rock'n' Roll of Fame. 
A la même époque, sa Gibson était secondée par une Epiphone Rivoli et plus tard par une Guild. 


Le titre emblématique : "Mr Big" (de Free)


Hélas, pas de séquence filmée pour l'épisode "Sharks"


Composition récente et militante

kkkkkk

5 commentaires:

  1. Il n'est pas bon d'être bassiste en ce moment, je ne touche plus la mienne !!

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  2. Belle nécro. Moi aussi , j'ai grandi avec ça.

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  3. Andy Fraser. Encore un de moins. je savais qu'il n'était pas en grande forme, le pauvre. Son jeu de basse fut un élément capital de la musique de Free, le ciment entre la batterie et les envolées de guitare. Un peu comme les Who, dans un registre plus sobre néanmoins. On sent d'ailleurs l'absence de Fraser sur le dernier album de Free, "Heartbreaker". Celle de Kossoff aussi, mais pour d'autres raisons. A part le premier disque de Sharks, il n'avait pas produit grand chose, encore terrassé par la lente agonie de Free et de son guitariste prodige. Fraser était jeune, il voulait tout, mais en avait déjà bien assez vu au niveau du business. Il s'est caché. Sa discographie post-1975 n'a pas beaucoup d'intérêt, mais cela n'a pas beaucoup d'importance. Quand on a bassiste et compositeur au sein d'un groupe comme Free, on a déjà beaucoup accompli comme musicien. Pour ainsi dire, il avait déjà tout vu à 20 ans.

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    1. C'est juste. Free a été comme une comète éphémère qui mit le feu à son passage. Et le monde musical en porte encore les stigmates.
      Les meilleurs musiciens ne sont pas nécessairement ceux qui ont eu une longue carrière médiatisée. ni forcément les meilleurs techniciens.
      Les albums de Free sont de véritables œuvres d'art intemporelles. Et qui par là, même, n'ont pas de liens avec l'industrie du marketing. D'ailleurs, ils se géraient eux-même ; à l'ancienne. D'où aussi, les déboires, l'épuisement et le découragement.
      Rodgers avait compris la leçon en allant trouver Peter Grant pour Bad Company. Apparemment, pas Andy.

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    2. Je trouve qu'il y a tout de même de bonnes choses dans ses deux premiers opus solo de 1975. Au contraire de "Fine, fine, fine", aseptisé au possible.

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