samedi 4 octobre 2014

BRAHMS – Concerto pour violon – Hilary HAHN, Neville MARRINER – par Claude Toon (200ème)



- Ah ah, M'sieur Claude… Retour aux sources du blog, la jolie violoniste est revenue, l'égérie de l'archet…
- Et oui Sonia, 200ème chronique aujourd'hui, ça se fête avec le concerto de Brahms dans une excellente interprétation d'une très jeune Hilary de 22 ans !!!!
- Ce n'est pas l'unique référence pour ce concerto je pense ?
- Non bien évidement, mais ce disque avec Neville Marriner de 55 ans son aîné, est plein de jeunesse et le son est magnifique… alors
- 200ème chronique déjà, bigre, quand aviez-vous parlé de Hilary Hahn ?
- Pour mon deuxième article et également pour quatre autres concertos : Schoenberg, Sibelius, Tchaïkovski et Jennifer Higdon… Il y a un bail, 3 ans 1/2, et Chostakovitch en 2011...
- Hum Hum M'sieur Claude, sans parler des vidéos par-ci par-là… Allez va, on ne vous en veut pas, place à la séduisante virtuose et à Brahms…

Le joli minois d'Hilary sur ce CD de 2001 me renvoie à mes débuts dans le blog. Une chronique fleuve (Luc avait râlé) qui présentait les 4 concertos mentionnés en discutant avec Sonia. La jeune surdouée américaine avait misé ses débuts de carrière sur Bach et les grands concertos du répertoire pour lancer sa discographie. Des disques souvent remarquables vu son âge et remarqués ou alors boudés par quelques grincheux jaloux d'un talent aussi précoce (Clic) (Clic). Je ne reviens pas sur ce premier article consacré à l'artiste : ses études au Curtis Institute de Philadelphie (la pépinière des virtuoses), ses premiers concerts symphoniques à 14 ans à Munich accompagnée par Lorin Maazel qui vient de nous quittés (Concerto de Sibelius).
Le temps passe pour tout le monde, la belle a aujourd'hui dépassé la trentaine et, depuis quelques années, elle explore des horizons très originaux allant de la musique de chambre (les sonates pour violons et pianos, de Mozart à Charles Ives) à la musique contemporaine. Un témoignage pour appuyer mes dires : en 2013, j'ai assisté à l'un de ses concerts originaux salle Pleyel surnommés Hilary Encores (bis en anglais). Hilary arrive sur scène à petits pas vifs moulée dans une robe de conte de fée qui semble peinte sur ses formes sublimement féminines. (Vincent n'est pas le seul à en pincer pour les artistes canons.) Elle était accompagnée par le pianiste Cory Smythe, musicien spécialiste de musique contemporaine et improvisateur ; l'un des complices d'Hilary qui aime bien ce profil d'accompagnateur. Au programme, des grands classiques : Sonates de Fauré et de Corelli et la longue chaconne de la partita N°2 de Bach. La perfection d'un jeu aérien sur son célèbre Vuillaume ! En complément, une multitude de pièces choisies aux derniers moments et commandées à des compositeurs contemporains expérimentés, de David Del Tredici à la japonaise Michiru Oshima, en passant par James Newton-Howard, compositeur de musiques de film très réputé qui avait composé à l'intention de la jeune femme la musique étrange et glaçante du film "The Village" de M. Night Shyamalan, film tourné en 2004
Encore plus singulier, en 2012, Hilary a gravé en Islande (la patrie de Björk) une suite d'improvisations avec le pianiste allemand Hauschka, le pape du piano "préparé". Les deux artistes se sont retrouvés plusieurs fois au pays des glaces et volcans au gré de leurs agendas pour enregistrer en une seule prise ce "qui leur passait par la tête". 12 pièces aux sonorités fantastiques et poétiques qui montrent à quel point la violoniste a su faire évoluer sa carrière vers des créations des plus originales… Ce CD surprenant porte le titre de SILFRA.
Nota : l'intégralité des 27 "Encores" écrits pour la violoniste et Cory Smythe vient d'être publiée par Dgg.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Nous étions allés à la rencontre de Sir Neville Marriner lors d'une chronique consacrée au Messie de Haendel (Clic). L'illustre chef anglais qui a fêté ses 90 ans en avril fait partie de ces chefs de légende qui nous lèguent une discographie abondante et d'un niveau superlatif comme les Karajan et autres Dorati
Hilary Hahn n'a pas hésité pour ses débuts à se confronter à une discographie pléthorique des concertos romantiques ou contemporains les plus aboutis : Beethoven, Tchaïkovski, Sibelius, Mendelssohn (une chronique à envisager), Schoenberg… Et bien entendu celui de Brahms qu'elle a gravé accompagnée et sans doute conseillée par le maestro anglais.
Plusieurs articles ont déjà été consacrés à quelques œuvres majeurs du compositeur allemand… (Voir l'index). Ce concerto pour violon a été écrit entre 1877 et 1878 à l'intention du violoniste virtuose Joseph Joachim, ami de Brahms. Il sera créé à Leipzig en 1879 sous la direction du compositeur alors âgé de 46 ans. Bien que très populaire de nos jours, il fut mal accueilli en France par des musiciens de génie comme Debussy ou Fauré qui le trouvaient ennuyeux !?!? Je pense que nos deux compères ont plutôt été déroutés par la forme néoclassique de l'ouvrage. Bien que techniquement d'une difficulté inouïe pour la partie de violon, l'orchestre conserve une forme classique identique à celle des symphonies les plus chambristes de Haydn ou de Beethoven (cordes, 2/2/2/2, 2 trompette, 4 cors, timbales et… c'est tout). Il comporte trois mouvements. La tonalité dominante est le ré majeur.

1 - Allegro non troppo : Le long premier mouvement commence par une introduction étoffée où s'affronte un thème bucolique et radieux très romanesque et un thème rythmé plus vif évoluant en quelques mesures vers un accord violent qui donne la parole au violon. L'entrée du violon se veut virile (?) mais sans sécheresse. Hilary Hahn nous enchante de son jeu élégant où chaque note prend sa place malgré l'intense difficulté du jeu sur deux cordes qui caractérise la mélodie sans pause de cette exposition. Sir Neville Marriner laisse le violon chanter en évitant toute lourdeur trop fréquente dans l'interprétation des partitions romantiques. Le flot sonore, d'une grande pureté, distille une joie simple. Certains pourraient espérer un jeu moins tendre, plus proche de l'énergie du concerto pour piano N°1 où la tempête se déchaîne. Mais comme on le verra dans la discographie alternative, peu d'artistes évitent l'écueil de la brutalité et de l'hédonisme. Alors… La sonorité franche, sans fioriture ou vibrato baveux du violon Jean-Baptiste Vuillaume, éclaire de teintes mordorés le jeu de la violoniste. Les aigus sont d'une justesse et d'une intensité stupéfiantes. Ce concerto par sa forme très classique s'écoute facilement, pourtant Brahms ne se répète pas, loin de là. La jeune femme avait choisi la cadence de Joachim. Elle l'aborde avec grâce et spontanéité. On pourra préférer une interprétation plus personnelle et vigoureuse, mais bon sang, quelle fraîcheur !

2 – Adagio : Très étonnant dans ce concerto, c'est le hautbois qui intervient en soliste dans une longue introduction orchestrale, un jeu secret et nocturne avec la clarinette et les autres bois. Très curieusement, le hautbois vole donc la vedette au violon. Pour la petite histoire, le violoniste Pablo de Sarasate détestait l'ouvrage pour cette raison. Cela surprit voire choqua à l'époque. Le violon reprend la main à [2'40"] en développant ce thème avec intimité. La douceur domine, animée par quelques trilles ludiques. La musique s'écoule avec une telle évidence que l'on ne trouve pas vraiment le besoin de commenter en détail cette page. Hilary Hahn conserve son jeu charmeur dans tous les développements. Elle joue Brahms et non pas Hahn.

3 – Allegro giocoso, ma non troppo vivace : Le final est totalement festif avec son introduction joyeuse aux accents tziganes. Ce mouvement enlevé et bref est du pur Brahms, celui des danses hongroises. Sir Neville Marriner accompagne brillamment la soliste mais toujours sans emphase ni effets. Il faut préciser que l'Academy of St Martin in the Fields, avec son effectif léger, convient parfaitement à cette orchestration endiablée. On entend trop souvent Brahms interprété comme du mauvais Bruckner (qu'il détestait...).

Le CD est complété par une interprétation pleine de vie et malicieuse du concerto de Stravinsky. Un couplage original qui place le disque dans les références discographiques.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Lors d'une soirée entre amis mélomanes, j'avais organisé une écoute en aveugle de quatre interprétations en limitant l'écoute aux six premières minutes de l'allegro initial. De ces écoutes "hors influence" résultent souvent d'incroyables surprises.
L'enregistrement soi-disant mythique de 1955 de Jascha Heifetz se plaça brillant dernier avec les commentaires les plus assassins : lourd, épais, précipité pour l'orchestre dirigé par Fritz Reiner, hédoniste, fouillis et frénétique pour Heifetz. Bref un râteau discographique de deux immenses musiciens à l'aube de la stéréo !! Il faut dire que les deux artistes se foutent complètement du "non troppo" noté par Brahms au bénéfice d'un vivace. Aucune poésie, rien à sauver… (RCA - 2/6)
Hilary Hahn se plaça en bonne position derrière un disque dément, un vinyle de derrière les fagots : Leonid Kogan (1924-1982) et Kiril Kondrachine (1914-1981) à la tête de l'orchestre philharmonique de Moscou. Le jeu en double corde lors de l'entrée du violon est d'un tel délié que l'on pense à deux solistes siamois et non à un seul. Inégalable et inégalé à mon sens, ce disque n'a jamais été réédité (peut-être dans des anthologies confidentielles). Kogan-Kondrachine, c'est l'eau et le feu. On trouve une réédition du même duo mais avec le Philharmonia. La magie n'opère pas autant et le son reste brouillon. (A rééditer – Melodya – 6/6 – rares exemplaires à prix d'or sur Ebay).
Je passe sur le 3ème du classement, correct mais un peu dépassé. Dans la discographie générale, on retient l'album Christian FerrasHerbert von Karajan avec le son velouté du virtuose français et la philharmonie de Berlin de la grande époque (Dgg - 6/6). Enfin, toujours édité, un beau duo de Carlo Maria Giulini avec l'orchestre de Chicago et Itzhak Perlman dans l'un de ses meilleurs disques. Son hélas un peu brouillon. (EMI – 5/6). J'avoue préférer la transparence d'Hilary Hahn et Marriner. Enfin, Dans la nouvelle génération, le jeu de violon nerveux et volontaire, dans le sens engagé, de Sarah Chang accompagnée par l'élégance du trait de Kurt Masur, concurrence le disque de Hilary, de peu sa cadette (Warner - 5/6).

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

L'intégralité du concerto  :

La gravure volcanique de Leonid Kogan et Kiril Kondrachine  à la tête de l'orchestre philharmonique de Moscou est de retour ; profitons-en...


5 commentaires:

  1. très belle interprétation de ce très connus concerto de Brahms ( je ne possède que la version Guilini - Perlman) et de son fameux troisième mouvement..

    RépondreSupprimer
  2. Quelqu'un a un avis sur la version de Sophie Mutter/Karajan ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Aucun avis sur la version en question, je laisse le chef du Service Classique s'exprimer... mais par contre, un bienvenu à vous Cirimax, qui semblait découvrir ce blog !

      Supprimer
    2. Oui Cirimax, l'interprétation de Sophie Mutter est tout à fait recommandable dans ce disque de 1983 (si ma mémoire est bonne) avec le chef qui l'avait découverte ado surdouée lors d'un concours. Jeu fougueux et l'immensité du Berliner...
      Bien entendu, les tempos sont assez larges, c'est très romantique dans l'esprit, c'est Karajan en un mot.

      On trouve cette gravure dans YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=NTaNqM1HCeU

      Merci d'avoir mentionner ce disque qui n'a jamais quitté le catalogue...

      Supprimer
  3. Oui, je le découvre depuis quelques temps. C'est sûrement un des meilleurs blogs du Net.
    Je vous suivrai de plus en plus. Encore plus que bravo !

    RépondreSupprimer