samedi 2 août 2014

SMETANA : La MOLDAU – Rafael KUBELIK – par Claude Toon



- Bonjour M'sieur Claude… C'est très connue cette Moldau, je crois même l'avoir entendu dans un film… C'est un compositeur important ce M'sieur Smetana ?
- Oui Sonia, la Moldau est une pièce très connue d'un "petit maître", un compositeur de la même génération et ami de Dvořák…
- Mais heuuu, il n'y a que ce morceau de 10 minutes sur l'album, c'est un single ?
- Hi hi, bonne question Sonia. La Moldau est l'un des 6 poèmes symphoniques qui composent la suite Ma Patrie, une ode symphonique dédiée à la Tchécoslovaquie…
- Rafael Kubelik est un petit nouveau de la Direction d'orchestre ?
- Non, il aurait eu 100 ans le 29 juin. Bonne occasion pour parler de ce grand chef alter ego des Karajan, Solti, Haitink et autres Bernstein au siècle dernier…

Rafael Kubelik
J'aurais déjà eu maintes occasions de parler du maestro Rafael Kubelik dans le blog. Ce chef discret a marqué l'histoire de la direction d'orchestre et du disque par des réalisations exceptionnelles de probité et de finesse. Ce chef né à Prague le 29 juin 1914 faisait partie du carré d'as de la direction d'orchestre qui entreprit les premières intégrales des symphonies de Mahler dans les années 60. Bernstein à New-York (CBS), Solti à Chicago (Decca), Haitink à Amsterdam (Philips) et Rafael Kubelik pour le label Dgg avec l'orchestre de la Radiodiffusion Bavaroise qu'il dirigea de 1961 à 1979… Il récidivera avec des enregistrements live pour le label Audite dans les décennies suivantes.
Pour ce fils de violoniste qui décida de sa carrière le jour de ses 13 ans lors des obsèques de Leoš Janáček, la musique tchèque sera évidement au programme de nombre de ses gravures : une intégrale des symphonies de Dvořák qui fait toujours référence, la messe glagolithique de Janáček. Dans le répertoire plus classique : une intégrale des symphonies de Schumann et  une autre de Brahms à la fin des années 50'. Cette dernière résume bien l'art du musicien : clarté, intimisme, absence d'effet hédoniste, un peu l'inverse des trois grands noms cités avant. Kubelik pourrait être comparé à Antal Dorati avec moins de punch mais plus de tendresse.
Le cycle de six poèmes symphoniques réunis sous le titre Ma Patrie de Smetana et enregistré en 1971 avec l'orchestre symphonique de Boston reste l'un des must d'une discographie pléthorique. Le chef avait déjà enregistré pour Mercury en 1952 cette œuvre à Chicago, une interprétation plus abrupte avec une prise de son monophonique miraculeuse.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Le compositeur tchèque Bedřich Smetana voit le jour en 1824 dans l'actuel Tchéquie. L'époque est rude puisque issu d'une famille de 11 enfants, il sera le seul à atteindre l'âge adulte ! Malgré l'opposition de son père, brasseur de son état, le jeune homme étudie le piano et le violon et commence à composer dès l'âge de 8 ans. La rencontre avec Franz Liszt vers 1848 sera déterminante, tant sur le plan financier, que pour le début de sa carrière. En termes de santé, la famille semble maudite car à l'instar de son ami Dvořák qu'il dirige lorsque celui-ci est altiste de l'opéra de Prague, il perdra 3 des ses quatre enfants en bas âge.
Smetana sera à la fois chef d'orchestre, compositeur et fondateur d'une école de musique grâce, une fois de plus, à l'appui de Liszt. De sa production assez modeste, trois belles œuvres ont marqué l'histoire de la musique : Le cycle Ma Patrie, l'opéra la Fiancée vendue et enfin des quatuors.
Les 10 dernières années de la vie de Smetana seront tragiques. Atteint dès 1874 de syphilis, il devient sourd et ne peut plus diriger. Il composera jusqu'au bout de ses forces, en 1884, date à laquelle il rend l'âme après un séjour en hôpital psychiatrique.
Musicalement, le style de Smetana est typiquement romantique. Pourtant c'est à lui que l'on doit l'introduction de thèmes de chants et de danses folkloriques dans les œuvres classiques. L'idée sera reprise par ses successeurs : de Dvořák à Bartók
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Ma patrie est composé dans la période 1874-1879. Les six poèmes symphoniques seront joués au fur et à mesure de leurs publications et la première exécution de l'ensemble aura lieu en 1882 sous la direction d'Adolf Čech à Prague. C'est une œuvre descriptive dans laquelle Smetana dépeint les paysages et évoque le folklore de son pays.
La Moldau, second poème dans l'ordre chronologique, date de 1874. La Moldau est un affluent de l'Elbe qui baigne la bohème et traverse la ville de Prague. Un fleuve déjà large et puissant pour ceux qui ont eu la chance de visiter cette belle capitale. Smetana a composé une œuvre à programme d'une douzaine de minutes découpée en 7 tableaux (Titres en violet) :
La première source de la Moldau : Un solo de la flûte et quelques délicats pizzicati symbolisent une source cristalline et indisciplinée. Kubelik ciselle cette page bucolique. La seconde source-forêt commence par le thème élégiaque et si célèbre avec ses longues phrases aux cordes, tandis que l'écume est symbolisée par un triangle cristallin. La prise de son à Boston est excellente, comme tous les enregistrements effectués avec cet orchestre par Dgg à cette époque. La chasse : Le rythme s'accélère avec des appels de cors qui répondent aux élans énergiques des cordes. Mariage campagnard : Ce passage qui s'appuie sur un rythme de polka peut faire songer au trio d'un scherzo. La musique se fait bonhomme et folklorique, mais sans les lourdeurs d'orchestration que l'on rencontre parfois dans les danses hongroises de Brahms ou les danses slaves de Dvořák. Clair de Lune ; Rondeau des nymphes : le tempo ralentit pour distiller une page nocturne avec un subtil dialogue des bois. On retrouve des citations du thème principal entendu au début de la seconde partie. Les Rapides de Saint-Jean : L'orchestre gagne en puissance voire en furie, trombones et roulements de grosse caisse s'imposent... avant… La Moldau coule majestueusement : une coda finale riche en percussions (cymbales et triangle).

La direction d'orchestre garde sa fluidité et ses élégances dans toutes les parties du poème symphonique. Les solos sont magnifiquement intégrés à l'ensemble avec, par exemple, une poésie diaphane dans le Clair de luneKubelik ne joue jamais sur la corde sensible du patriotisme. À noter que les cinq autres poèmes symphoniques du disque sont de la même veine. Une grande version…

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~


1 commentaire:

  1. "La Moldau" bien sur, le morceau de "Ma vlast" que tous les enfants ont écoutés à l'école, personnellement du poème symphonique, je préfère "Vysehrad". Oui ! j'ai aussi decouvert Kubelik avec son intégral des symphonie de Malher.

    RépondreSupprimer