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          Les préludes (illustration d'Albena Vatcheva)
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  - Mais M'sieur Claude, j'imaginais Franz Liszt comme un compositeur
      austère, voire religieux, d'où ma surprise devant cette illustration… un
      peu sensuelle ??
  - Il a deux époques dans la vie du compositeur Austro-hongrois Sonia…
      Liszt est l'inventeur du poème symphonique dont Les préludes inspiré d'un
      poème de Lamartine…
  - Ah vous avez donné le texte… Une ode amoureuse… Je commence à comprendre…
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          Tout naît, tout passe, tout arrive
         
          Au terme ignoré de son sort :
         
          À l’Océan l’onde plaintive,
         
          Aux vents la feuille fugitive,
         
          L’aurore au soir, l’homme à la mort.
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          Mais qu’importe, ô ma bien-aimée !
         
          Le terme incertain de nos jours ?
         
          Pourvu que sur l’onde calmée,
         
          Par une pente parfumée,
         
          Le temps nous entraîne en son cours ;
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          Pourvu que, durant le passage,
         
          Couché dans tes bras à demi,
         
          Les yeux tournés vers ton image,
         
          Sans le voir, j’aborde au rivage
         
          Comme un voyageur endormi.
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          Le flot murmurant se retire
         
          Du rivage qu’il a baisé,
         
          La voix de la colombe expire,
         
          Et le voluptueux zéphire
         
          Dort sur le calice épuisé.
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          Embrassons-nous, mon bien suprême,
         
          Et sans rien reprocher aux dieux,
         
          Un jour de la terre où l’on aime
         
          Évanouissons-nous de même
         
          En un soupir mélodieux.
         | …Alphonse de Lamartine | 
  - C'est une œuvre orchestrale assez courte ?
  - Oui un quart d'heure environ, idéal pour les chroniques estivales, et
      coup de chance, nous avons la vidéo de l'interprétation de Bernard
      Haitink, spécialiste du genre…
  Je ne reviens pas en détail sur la biographie de
    Liszt
    que l'on peut lire dans la chronique consacrée à sa
    sonate en si mineur
    sous les doigts de
    Martha Argerich
    vs Krystian Zimerman
    (CLIC).
  Franz Liszt
    est un pur romantique, ayant vécu de
    1811 à
    1886. Bien que voguant de
    crises mystiques en crises mystiques, tout en troussant avec assiduité le
    beau sexe, ce n'est qu'en
    1860 qu'il accède à la
    prêtrise… C'est à partir de
    1848 que
    Liszt
    invente le poème symphonique, peut-être influencé par la
    symphonie fantastique
    de
    Berlioz. Cette nouvelle forme symphonique monolithique de 12 à 30 minutes s'appuie
    sur un programme, le plus souvent un poème.
    Liszt
    en écrira 13 d'intérêt très divers. Dans les réussites inspirées par un
    poème on compte "Ce que l'on entend sur la montagne" d'après un poème de
    Victor Hugo,
    Mazzepa,
    Héroïdes funèbres
    et
    les préludes. D'autres, plus dispensables, illustrent des faits historiques :
    La bataille des huns
    (grotesque avec son grand orgue…) ou la mythologie (Orpheus). Le style, d'essence wagnérienne est parfois lourd, mais on ne peut
    dénier à ces œuvres un certain panache. Certains voient les prémices de la
    musique de film par le coté narratif et descriptif du traitement musical des
    sujets. Nota : les 13 poèmes symphoniques ont été composés pendant le séjour
    du musicien à Weimar.
  Inutile de préciser que cet ensemble imposant inspirera nombre de
    compositeurs comme
    Richard
    Strauss
    :
    Ainsi parla Zarathoustra,
    Don Juan
    ou encore
    Mort et Transfiguration
    qui est un peu l'héritier du très beau
    Du Berceau à la tombe, l'ultime poème symphonique de
    Liszt
    composé en 1881.
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  On se focalise sur les
    Préludes. Sa composition s'étend de
    1845 à
    1853, la création ayant lieu
    den 1854, à Weimar sous
    la direction du compositeur. Il n'est pas absolument certain que ce poème
    symphonique soit une illustration directe du poème de Lamartine dont
    le texte a été intégré par Sonia. La plupart des musicologues y voit au
    moins une influence… Les deux thèmes principaux sont extraits de
    Chœurs
    sur des poèmes de
    Joseph Autran.
    Liszt
    imaginait sans doute un oratorio plus vaste avec tous ces éléments, oratorio
    qui n'a jamais vu le jour. Il est donc admis que c'est la 15ème
    méditation de Lamartine qui
    structure l'œuvre….
  Dans les années 70' Le chef néerlandais
    Bernard Haitink
    (Clic), directeur du
    Concertgebouw d'Amsterdam
    et du
    Philharmonique de Londres
    entreprend l'enregistrement intégral des poèmes symphoniques avec
    l'orchestre londonien. 5 vinyles qui n'ont jamais quitté le catalogue
    Philips rassemblés sur 2 double
    albums CD. C'est une réussite absolue. Le label
    DECCA a également réédité
    l'ensemble dans un coffret à prix imbattable.
  
  
  Les préludes
    pourrait se prêter facilement à un analyse fort détaillée de la partition
    tant le nombre d'idées, de climats, d'utilisation conjointe de la forme
    sonate et du scherzo s'entrecroisent avec énergie et romantisme dans une
    œuvre aussi courte. Ce n'est pas très utile ici, car justement la brièveté
    du morceau évite de se perdre dans les méandres d'un morceau à la structure
    complexe.
  
  L'introduction assez sombre serait-elle un écho du vers "L’aurore au soir, l’homme à la mort" (quelques pizzicati sur les cordes graves) ? On enchaîne rapidement sur
    une marche fougueuse qui peut nous renvoyer au vers : "Le temps nous entraîne en son cours". Puis, un passage tendre et élégiaque, avec une langoureuse mélodie aux
    cordes, laisse la voix aux hautbois, cors et divers solos de la petite
    harmonie. Ce qui permet de souligner en passant la finesse et l'équilibre de
    la prise de son. Oh, il n'y a pas que l'ingénieur du son à saluer, mais
    aussi la direction analytique et contrasté de
    Bernard Haitink, ses spécialités. La musique de
    Liszt, comme celle de
    Wagner
    ou de
    Bruckner
    peut aisément, et trop souvent, laisser libre cours à un pathos gluant et
    teutonique. Rien de cela ici où le phrasé est d'une belle transparence et
    sert magnifiquement le génie d'orchestrateur de
    Liszt. [6'17] Un orage orchestral semble évoquer la frénésie amoureuse (pourquoi
    pas). Ce passage impétueux est suivi d'un tendre et bucolique développement,
    un soupçon sensuel. Le morceau évolue enfin vers une conclusion majestueuse
    ! C'est le point faible de ce poème symphonique à mon sens. C'est
    fanfaronnant, et rien d'étonnant que ces abrutis de nazis aient détourné le
    final pour en faire un générique pour annoncer ou conclure leur propagande
    radiophonique.
    Bernard Haitink
    sauve ce triomphal final du pompiérisme par sa direction acérée qui nous
    entraîne dans une bacchanale enjouée. Soyons clair et objectif,
    Liszt
    n'orchestra pas ces dernières mesures dans la dentelle. " Comme un voyageur endormi."… Il y a des chances que la bien-aimée se réveille en sursaut d'une humeur
    de dogue à chaque coup de cymbale !!! Dans tous les cas, pour cette œuvre
    populaire, une référence discographique…
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