jeudi 6 mars 2014

HOMMAGE A PETE SEEGER (1919-2014)


Pete Seeger a cessé de jouer du banjo le 27 janvier dernier. Pete Seeger n’était pas seulement une grande gueule, c’était aussi un grand bonhomme ! Son crâne dégarni culminait à 1m92, mais surtout, il est à l’origine de bien des carrières, cité comme influence par beaucoup de ses contemporains et fils spirituels.

Grande gueule, il avait de qui tenir, puisque son père était classé comme dangereux anti-militariste, à l’aube de la première guerre mondiale. Pete biberonne donc au militantisme très jeune, apprend le banjo (il publiera aussi des méthodes de banjo) commence la musique sur le campus de Harvard, où il était étudiant. Il a ensuite assisté Alan Lomax, qui courrait tout le pays pour enregistrer les bluesmen et les folksingers, dans le but d’archiver tout un pan de la musique traditionnelle américaine. Il s’installe à Greenwich Village, avec son groupe The Almanac Singers , où il rencontre Woody Guthrie (photo de droite). Les deux hommes resteront très proches. Il y côtoie aussi les bluesmen Sonny Terry & Brownie Mc Ghee ainsi que Leadbelly.

Après la guerre, il forme The Weavers (photo de gauche), dont la reprise de « Goodnight Irene » de Leadbelly devient un tube. Le succès du groupe est de courte durée, Pete Seeger étant rattrapé par le Maccarthisme. Seeger devra aller témoigner devant les commissions qui pourchassent le communisme dans tout le pays, et sera blacklisté. C’est bien davantage Pete Seeger que Bob Dylan, qui représente le chanteur engagé de gauche type ! Inscrit aux Jeunesses Communistes dès 17 ans, et membre du parti après la seconde guerre. Il était encore présent aux côtés des Occupy Wall Sreet très récemment.

Cette publicité, dont il se serait bien passé, lui redonne le vent en poupe, au début des années 60, il est signé chez Columbia par l’incontournable John Hammond, découvreur de Dylan, ou Springsteen, deux héritiers en ligne directe. Sa popularité augmente un peu plus avec cette nouvelle génération de chanteur folk : Dylan (au micro sur la photo, Seeger aux choeurs), Van Ronk, Joan Baez, Willie Nelson, Peter Paul and Mary. Ces derniers reprennent une de ses créations « If I had a hammer » dans une version très édulcorée (en français, le « si j’avais un marteau » de Cloclo), le texte original ayant été censuré par les radios. Dans les années 1965-66 il animera sur une chaine  télé son émission intitulée "Rainbow Quest" où il recevra nombre d'artistes de folk, blues ou country.

Pete Seeger a été aussi un des artisans des festivals de Folk musique. Dans le documentaire de Martin Scorsese consacré à Bob Dylan (« No direction home ») on voit des images d’archives du Newport Folk Festival de 1965, celui où Dylan essaie sa première guitare électrique. Seeger, gardien des traditions, se met dans une rage folle ! Trahison ! Blasphème ! Armé d’une hache, il tente de couper les câbles électriques pour réduire le volume sonore !!

Il écrit énormément, enregistre constamment (deux albums en 2012, âgé de 92 ans !) mais aussi popularise d’anciennes chansons, puisque le Folk a ceci de commun avec le Blues que ce sont des traditions orales, où chaque interprète reprend les titres des autres, les transforme, se les réapproprie. Il mêle influences cubaine, africaine, yiddish. La chanson contestataire n’a pas de frontière.  Pete Seeger avait sans doute le désir de chanter, et d'enregistrer pour la postérité un maximum de chansons, influencé par le travail d'archivage d'Alan Lomax.

Ses chansons sont reprises par plusieurs générations, les Byrds reprennent son « Turn, turn, turn », Bruce Springsteen en fait en album en 2006 « She shall overcome, the Pete Seeger sessions ». Autre titre bien connu par chez nous "Waist Deep in the Big Muddy" magnifiquement adapté par Graeme Allwright qui en fait son fameux "Jusqu'à la ceinture", Graeme qui adaptera aussi notamment "Little boxes" ("Petites boites"), un titre de son amie Malvina Reynolds dont Seeger fit un hit en 1963. Cette chanson a aussi servi de générique à l'excellente série "Weeds" diffusée sur canal+ jusqu'à l'année dernière.   

Pete Seeger était aussi un activiste écolo, il crée le Clearwater Project, chargé de nettoyer le fleuve Hudson. Pour vous dire la popularité et le respect qu’il engendrait, le président Obama lui a organisé son 90ème anniversaire, entouré de la fine fleur des chanteurs de folk-rock (en photo avec John Mellencamp). Pas sûr que le troubadour d'opérette Christophe Maé, et ses chapeaux de hobo, soit reçu de sitôt à l’Elysée… 
  
Avec Pete Seeger disparait une des figures séminales du "protest song" américain, un "pur", sans concession (il avait quitté son groupe phare The Weavers, pour ne pas être obligé d'enregistrer une publicité radio !) au même titre que des Woody Guthrie, Leadbelly ou Odetta, et son influence sur tout un pan de la musique du 20eme siècle est incalculable. 

R.I.P. Pete.

On écoute "Little Boxes", puis un extrait de Rainbow Quest avec Sonny Terry & Brownie Mc Ghee et enfin "Waist Deep in the Big Muddy"

3 commentaires:

  1. Merci Luc! On l'avait sans doute un peu oublié cet homme depuis quelques décennies, mais il nous laisse un héritage absolument fabuleux et surtout une quantité d'extraordinaires chansons reflets du siècle passé. Springsteen (bien sûr) mais aussi Mellencamp, Earle et tant d'autres lui doivent beaucoup. Sans oublier ce cher Graeme Allwright, un peu oublié lui aussi, faudra t-il attendre sa disparition pour qu'on se souvienne du bonhomme????

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  2. Pete Seeger reste lié pour moi à Joan Baez, chaque fois que je l'ai vue sur scène, elle à chanté cette très belle chanson qu'est "Where have the flowers gone ?"

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