mercredi 12 mars 2014

BACK ROADS (2014) by Bruno


     Back Roads est un nouveau groupe français, d'obédience Heavy-rock aux réminiscences bluesy. Un quintet lyonnais porté par une chanteuse et un duo de guitares qui sait faire parler la poudre sans pour autant se noyer sous une tonne d'amplis bloqués à onze. Le tout assis sur une section rythmique en acier qui évite, autant que possible, le binaire. Un combo qui a tous les attributs pour assurer sur scène et acquérir rapidement une bonne réputation.


     Comme la plupart des groupes, Back Roads s'est forgé sur un lot de reprises diverses. Une sélection correspondant à leurs affinités et non à un impératif commercial, car le collectif est une bande de passionnés, et certainement pas d'opportunistes. Fait évident tant leur répertoire, et leur musique, pourraient paraître désuets pour les « programmateurs » des radios commerciales (notamment celles qui passent autant de pubs que de « chansons »). A l'inverse, il révèle un collectif ayant une culture et un goût musical des plus sûrs.
Ainsi, Led Zeppelin, Thin-Lizzy, Gov't Mule, Joe Bonamassa et Janis Joplin ont servi d'école et de réservoir pour le quintet. On retrouve même sur le net une excellente interprétation de « Remedy » des Black Crowes et une autre toute aussi bonne de Pearl (le disque de Scott Ian et de son épouse, Pearl Aday, également fille de Meat Loaf -> * lien *), « Rock Child ». Des choix qui cernent les goûts et la direction de Back Roads. Toutefois, leurs propres compositions ne sont pas un ersatz, ni un patchwork de ces diverses influences, même si irrémédiablement ces dernières ressortent parfois au travers d'un riff, d'une rythmique ou du chant. Ce qui est bien naturel et même plaisant.

de G à D : Fabrice, Christophe, Sylvaine, Franck et Nicolas
     Dans la conception de sa musique, évidemment exacerbée par le chant de Sylvaine, Back Roads évoque également Cheetah, Gypsy Queen (les jumelles Hard-rockeuses lancées par Jack Douglas), et Mother Station. Des groupes de Heavy-rock empreints de couleurs Hard-blues, ayant une ou deux chanteuses chantant avec force.
Le chant de Sylvaine n'a rien de mijauré : si le timbre est bien féminin, l'intonation prend souvent une morgue toute masculine. La voix pourrait être, à la louche, un mélange de 20 % de Maggie Bell, 40% de Susan Marshall (Mother Station), de 25 % de Beverly Jo Scott et de 15 % de Fabienne Shine.

     Les riffs sont gorgés d'une disto chaleureuse et canalisée, qui ne bave pas. Avec une équalisation constituée de graves généreux, de médiums tempérés et d'aigus qui ne débordent pas.
Une écoute distraite (ou sur du matériel de merde, genre Iphone ou autre gadget dénaturant la musique) donne l'illusion de riffs efficaces, mais carrés, or c'est réducteur. En fait, ils reposent sur un jeu en duo totalement indissociable et complémentaire ; à la manière des binômes de Thin-Lizzy, Wishbone Ash, mais dans une optique plus rude, les guitares jouent parfois des plans différents qui s'imbriquent pour former un entrelac de power-chords et de plans Heavy-blues qui flatte les esgourdes. Un équilibre entre un Hard-blues à l'australienne et un Heavy-southern-Rock-bluesy (Screamin' Cheetah Wheelies), un lyrisme à la Thin-Lizzy, et une rudesse coincée entre les Black-Crowes et le Great-White période 87-92. Ces deux bretteurs ont l'art et la manière de faire évoluer leurs riffs pendant un titre, les muant, les modelant, sans que cela choque l'oreille, sans que cela crée une cassure. Ainsi, Fabrice et Christophe ne se contentent pas de faire tourner indéfiniment un riff. Leur plaisir c'est de le transformer, de changer sa tonalité
Les soli sont toujours opportuns, sans exception. Jamais verbeux, ils se manifestent en courtes interventions ou en joutes « bonne enfant », qui évitent de tomber dans la démonstration puérile ; ils sont là pour apporter un plus qui insuffle un surcroît d'intensité et/ou de lyrisme. Ainsi, jamais ils ne déstabilisent l'assiette de la chanson (comme on peut, hélas, parfois l'entendre dans ce genre de musique).


Morceaux choisis :
« Flesh of the World » qui, bien que débutant de façon quelque peu conventionnelle, prend de l'ampleur et du corps progressivement. Cela débute sur des tonalités et des vibrations entre « Led Zep II » et "Kingdome Come - In Your Face » pour virer doucement vers quelque chose de plus carré, plus épais. Black Country Communion (* lien*).

« The Escape » qui gambade gaiement, et surtout avec aisance, dans l'univers de Thin-Lizzy. Ni plagiat, ni pâle copie, juste une composition qui oeuvre dans la continuité du lyrisme d'acier du fameux quartet irlandais. C'est la même démarche que Black Star Riders (* lien *).

« Shadow of Timeless » avec ses arpèges crunchies qui côtoient des power-chords bien appuyés. Un genre de blues lourd, pas Stoner pour autant. Avec un délicieux solo abreuvé de wah-wah.
Fabrice Dutour : guitare et compositions

Back Roads sait également ruer dans les brancards comme le prouve le teigneux « Mister Gray » boosté par une basse vindicative (qui aurait mérité un mix plus avantageux – un discret caisson de basse est bienvenu en sculptant la basse et les fûts -). Du Hard-blues fonceur limite Metal, orné de refrains « punkisant ».

Avec l'excellent Heavy-funk « Ashamed », Sylvaine se complaît dans un registre sensuel. Les guitares se font plus crunchies, la basse groove et s'en donne à cœur joie. Et puis, le collectif passe la cinquième sans crier gare, les grattes s'apostrophent, se répondent, se bousculent, puis reviennent à un rythme chaloupé. « Ashamed » est une montagne Russe : passant de rythmiques syncopées funky à des instants plus Hard-rock tout en restant lié, indivisible. Une très grosse pièce qui pourrait faire baver d'envie Glenn Hughes. Pas moins. Peut-être le zénith de ce disque.

L'entraînant « Lucky Bird » marche – volontairement ou non - sur les plates bandes de Blackfoot (avec une voix féminine à la place des rugissements guerriers de Medlocke). Il y a comme une once d'AC/DC en fond. Sylvaine chante un peu avec une "cooltitude" propre à Bon Scott et les chœurs virils sentent le duo Malcom-Cliff. Une slide intervient même dans le style de Ricky et la batterie martèle tel un Spike. Un régal.

« Invisible Woman » hésite entre un Led-Zeppelin (le riff principal) et un Great-White débordant d'énergie.

« Opening Night » après son introduction en faux live évoquant le règne des guitar-Heroes sur scène lors des 70's avec ce chorus coulé, tout en feeling, surgit une rythmique trépignante façon Heavy-Southern-Rock de l'école « Screamin' Cheetah Wheelies » (voire Tishamingo, Point Blank, Hogjaw, Catawonpus, Ultra), assise sur un lit de plomb formé par un duo basse-batterie soudé comme deux frères siamois. Lors des accalmies, on songe à Fabienne Shine.

de G à D : Franck, Christophe, Nicolas et Fabrice.

Les accords à la guitare folk de « Rambling Heart », ainsi que le chant, procurent un fort parfum Zeppelinien (« House of the Holy » ?). Et lorsque l'on envoie l'électricité, on dérive vers le Scorpions de la fin des 70's. Back Roads clôture en beauté.

Les autres pièces ne sont pas en reste. Loin de là. Car il n'y a aucun déchet, aucun remplissage. Un disque qui s'apprécie en montant le volume (ou en l'écoutant au casque). L'appellation « Play it loud », tant de fois usitée pour des galettes parfois sans intérêt, mériterait amplement d'être mentionné ici en caractère gras. Un disque qui paraît se bonifier au fil des écoutes (deux / trois écoutes peuvent être nécessaires pour bien l'apprécier).


     Ainsi, Back Roads pourrait être l'héritier de Speed Queen, Karoline, Silvertrain, Shakin' Street (plutôt l'album « Vampire Rock »), Océan (* lien*), - on peut aussi citer Heavy-Manic Souls (*lien*- de sérieux et talentueux combos hexagonaux qui avaient la matière et les capacités pour mener une carrière internationale.

     Leurs influences revendiquées - Black Country Communion, Gov't Mule, Ritchie Kotzen, Beth Hart, Blindside Blues Band et Blackberry Smoke - ne sont guère transparentes, à l'exception du premier. En fait pas vraiment évident de cerner leur musique avec quelques références car, dans l'ensemble, les compositions sont assez différentes, tout en restant rattachées à un Classic-Rock baigné de soupçons Bluesy.
On pourrait citer, outre Led Zeppelin, Thin-Lizzy et Black Country Communion, et les groupes mentionnés plus haut, The Answer, Jaded Sun, Soul DoctorUFO, Little Caesar, King Baby, Mother Superior, et Screamin' Cheetah Wheelies.


      Les qualités de Back Roads rappellent qu'à une époque la scène dite «Lyonnaise » était dynamique (en bref, cette scène a porté des groupes tels que Ganafoul, Factory, Killdozer, Starshooter). Une scène constituée de passionnés voués corps et âme à la musique, qui avaient le potentiel pour jouer dans la perfide et chauvine Albion sans se faire caillasser, à une époque où il fallait se bouger et suer sur les planches pour tenter d'avoir un minimum de reconnaissance. Ce nouveau collectif pourrait s'inscrire dans une certaine continuité de Heavy-rock français dont les disques avaient réussi à séduire des passionnés ouverts et aucunement chauvins, en-dehors de nos frontières (paradoxalement d'ailleurs, certains disques, bien que jamais réédités, profitent encore d'une bonne réputation et sont parfois téléchargeables sur des sites étrangers).

Musiciens du groupe :
Nicolas Ammollo : Drums
Sylvaine Deschamps-Garcia  : lead vocal
Fabrice Dutour : Guitar/ backup vocals
Franck Mortreux : Bass/backup vocals
Christophe Oliveres : Guitar

Sylvaine Deschamps est diplômée d'un Master en musicologie et a obtenue une médaille de vermeil en danse contemporaine au conservatoire de danse de Lyon.

Fabrice Dutour faisait partie du groupe de Heavy-Metal Dyslesia. Parallèlement, il officie au sein de Tremen (Rock Celtique) où il y joue de la basse, de la guitare, de la mandoline et du bouzouki.

The Teaser
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The Medley
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2 commentaires:

  1. Pas mal. Grosse influence Led Zep. Ah, Killdozer, Born to fornicate....

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    1. Moi, mais que.

      J'ai un, lointain, souvenir d'une bien bonne prestation de Killdozer. Pas vraiment foule sous le chapiteau, toutefois le groupe avait joué sans se ménager. C'était d'ailleurs bien plus Rock en concert que sur disque.

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