mardi 10 septembre 2013

JAMES COTTON "Cotton mouth man" (2013) par ROCKIN-JL



Tapis rouge aujourd'hui, car c'est une légende vivante que nous accueillons aujourd'hui au Deblocnot, et si le mot "légende" est parfois galvaudé, dans ce cas il ne l'est pas. Cotton est en effet un des très grands noms de l'harmonica et au-delà, du blues et de la musique tout court.
Géant de l'harmonica, oui, c'est sûr comme les Sonny Boy Williamson I et II, Junior Wells, Carey Bell ou Little Walter, ou encore Paul Butterfield et Georges "harmonica" Smith; lui est encore bien là, un survivant, comme Charlie Musselwhite et Billy Boy Arnold.

James devrait songer à écrire ses mémoires, c'est qu'il en a des choses à raconter. Né en 1935, sur les berges du Mississippi, il commence par suivre son mentor Sonny Boy Williamson (le II, Rice Miller), puis joue derrière Howling Wolf en 1950, avant de graver ses premières faces pour Sun Records en 1953 ! Puis ce sera la gloire à Chicago, dans l'orchestre du Boss, le vrai, le seul, Muddy Waters. Il  partagera l'harmonica avec Little Walter sur les disques de Muddy. Et en 1965 il devient leader de sa propre formation, avec le pianiste de Muddy Waters, Otis Spann..  Une trentaine d'albums naîtront, parmi lesquels on peut ressortir "Cut you loose" (1966), "100% Cotton" (1974), sa période Alligator ("High compression" (1984), "live from Chicago" (1986) et le fabuleux "Harp attack" (1990, avec Billy Branch, Junior Wells et Carey Bell) et plus récemment (1996) "Deep in the blues".

Parallèlement il aura aussi joué ou enregistré avec des Big Mama Thornton, Freddie et BB King, Johnny Winter, Janis Joplin, Santana, Mike Bloomfield, Quicksilver Messenger Service entre autres. Il est notamment étourdissant sur  les derniers disques de Muddy Waters produits par Johnny Winter, "Hard again"(1977)  et l'indispensable "Muddy Mississippi Waters live" (où il partage l'harmo avec Jerry Portnoy). D'abord assez classique dans son jeu, il aura été de ceux qui ont su faire évoluer l'instrument et le faire sonner  moderne, voir "Live from Chicago" par exemple) et en s'ouvrant à d'autres genre musicaux (voir ci-dessus les groupes avec lesquels il a joué)
Opéré d'un cancer de la gorge au milieu des années 90, Cotton a perdu sa voix et ne chante plus depuis 2000 mais il peut toujours souffler dans son "ruine babines". Il est revenu chez Alligator et après "Giant" en 2010 voici ce "Cotton mouth man" et enfin on va en parler, désolé l'intro était longue mais le CV du bonhomme méritait qu'on s'y attarde.
Le morceau titre "Cotton mouth man" ( en écoute à la fin de l'article) qui ouvre l'album nous rassure d'emblée, l'homme à la bouche de cotton (c'est joli ça!) n'a rien perdu de sa virtuosité ni de son souffle, l'harmo sonne grave, premier invité, à la guitare, l'incontournable Joe Bonamassa (qui a trouvé 5 minutes dans son emploi du temps surchargé), et au chant l'excellent Darell Nulisch du James Cotton Band, qui prendra le chant sur 6 titres de cet album. Les autres musicos sont sur ce titre Tom Hambrige (drums, et producteur de l'album), Tommy MacDonald (basse), et Rob McNelley (guitare). Ils nous offrent un pur moment de grand Chicago blues, sur un texte autobiographique, ce sera d'ailleurs le thème de cet album, véritable "album-concept" autour de la vie de James Cotton, qui en signe les textes, aidé par Tom Hambridge et Richard Fleming, en fait ce sont ces 2 derniers qui ont écrit autour des souvenirs de Cotton, lors d'une session à Nashville.
Vient ensuite "Midnight train", avec au piano Wurlitzer Chuck Leavell et au chant, échappé de son Allman Brothers Band, Gregg Allman, et 2 membres du James Cotton Band, Tom Holland (guitare) et Noel Neal (basse), un blues coloré funky, l'occasion pour Cotton de faire le train avec son harmo, mention aussi au chant de Gregg Allman et sa pointe d'accent sudiste.

On continue avec "Mississippi mud" qui côtoie les anges, un blues autobio mid tempo profond chanté par Keb Mo, enveloppé des trilles de piano de Chuck Levell qui lui donne un petit coté Cote Ouest à la JJ Malone ou Sonny Rhodes, superbe tout simplement, on se tait et on écoute...
"He was here" est une nième variation sur le thème de "Mannish boy" de Muddy Waters (ou "I'm a man" de Bo Diddley) et énumère les grandes salles où est passé Cotton (Carnegie Hall, Fillmore East etc).
On va encore changer de style avec "Something for me" avec Warren Haynes au chant et à la guitare, un boogie- blues- rock à la "Boogie Chillun" de John Lee Hooker, ou coté blancs becs Savoy Brown ou Canned Heat, et beau solo final de Haynes.
Un petit coup de soul maintenant, ça tombe bien voici Ruthie Foster au chant sur "Wrapped around my heart", poignant, pas sans rappeler la grande Etta James d'"I rather go blind".

Je ne vais pas vous faire tous les titres (13), je vous laisse le plaisir de les découvrir. Sachez juste que la qualité ne débande pas, qu'on retrouvera  comme invités Delbert Mc CLinton, le soulman blanc, encore Keb Mo guitare et chant sur un titre, que Cotton a un bon docteur dont il nous parle dans "Blues is good for you" ("le blues est bon pour toi", c'est ainsi que son Dr lui a dit de continuer à jouer malgré la maladie, un bon Dr ça! Dr Feelgood? Dr John?). Un mot quand même sur le dernier, "Bonnie Blue", un blues terrien plein d'émotion, avec Colin Linden à la résonator guitar pour un duo avec Cotton, harmonica et chant, ou plutôt le filet de voix rauque qui lui reste..

Quel disque ! Indiscutablement pour moi un des disques blues de cette année, amateurs de blues, commandez les yeux fermés, amateurs de Justin Bieber, lady Gogo et One Direction aussi d'ailleurs, vous y appendrez ce qu'est un vrai artiste qui joue avec son âme, et pas pour le tiroir caisse.


3 commentaires:

  1. J'peux pas m'empêcher de donner une petite référence, un double cd album live de James Cotton "Midnight Creeper" (1967), la soirée entière sans coupure, enregistrée dans un club à Montréal, qui est sans doute un des plus chauds bouillants live de Blues que je connaisse. Une set-list incroyable, un groupe chauffé à blanc, un public en délire, et un James Cotton qui sans cesse pousse tout le monde à fond, dès la deuxième chanson ! Le seul hic, je dois vous prévenir, c'est la qualité du son... A moins qu'une nouvelle édition soit sortie, mais celle d'il y a 10 ans, (fond rouge foncé "the collectors classics") n'est franchement pas à la hauteur de la prestation. Avis aux amateurs...

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  2. Je souscris totalement à ta prose Rockin', j'ai de mon côté balancé un petit comm sur ce disque sur Amazon, et pas de problème on est assez d'accord! Du bon blues authentique.

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  3. Complétement d'accord avec vous. Ce sera difficile d'avoir mieux en 2013.

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