samedi 6 avril 2013

BEETHOVEN : Symphonie N° 7 – Carlos KLeiber - par Claude Toon



- B'jour M'sieur Claude… Tiens ça me dit quelque chose cette pochette… Mais vous avez déjà commenté ce CD, heuuu : amnésie ? grand âge ?
- Vous voilà bien impertinente ma petite Sonia, et observatrice aussi. En effet, j'avais déjà commenté la 5ème symphonie. Aujourd'hui, épisode 2, avec la 7ème
- Oh, désolé M'sieur Claude, une symphonie de Beethoven c'est toujours du sûr… mais pourquoi ne pas proposer un autre interprète, pour changer ?
- Et bien parce que ce CD est la compilation de deux LPs parus dans les années 70 et, dans les deux cas, un must pour ce couplage…

Cette 7ème symphonie est presque aussi célèbre que la 5ème symphonie et son thème introductif planétaire "Pam Pam Pam Paaaam". L'allegretto en forme de marche, qui fait office de second mouvement, a été exploité jusqu'à plus soif par la pub et même le cinéma avec pas moins de 32 films (merci Wikipédia) : de Zardoz de John Boorman à La marche de l'Empereur, ou encore des Hommes et des Dieux
Ah ! et surtout ne pas oublier la variété où Johnny Halliday et Michel Sardou se sont brillamment illustrés dans deux "chefs-d'œuvre" du genre. Le jojo rugit un texte oubliable de Philippe Labro !? "Poème sur la 7ème", baratin hyper dramatique et hyper abscons, donc hyper hors sujet. Bon j'arrête de me moquer et on se fait une séquence nostalgie début 70'… J'adore le coup de klaxon du départ...
- Et Michel Sardou, M'sieur Claude ?
- Heuuu, Beethoven semble absent dans sa chanson "Beethoven", et puis je ne veux pas perdre ma place au Deblocnot…

Les boss du Deblocnot' et ma directrice de publication, voire certains lecteurs, m'ont demandé d'écrire des articles moins longs et plus simples. Donc, pour la biographie du fougueux, génial et malentendant compositeur, grâce à qui la musique a basculé du classicisme au romantisme, je vous renvoie aux articles déjà consacrés à Ludwig van B : Le concerto l'Empereur, le concerto pour violon et surtout les symphonies N°5, précisément par les Kleiber père et fils, et récemment, la 3ème dite héroïque par le prometteur Gustavo Dudamel
Quant à Carlos Kleiber, fils incompris et humilié du psychorigide Erich Kleiber, c'est dans l'article sur la 5ème symphonie que tout est dit. Pour résumer : Carlos Kleiber (1930-2004), homme fantasque et écorché-vif, est l'exemple du chef qui abordait volontairement un répertoire réduit, mais en recherchant la perfection absolue de l'interprétation. Il détestait le disque qu'il considérait comme réducteur. Et pourtant le disque que nous évoquons aujourd'hui est une belle exception. Il y en a quelques autres, tous parfaits, notamment par la qualité de la prise de son, ce qui est logique par rapport aux exigences de fidélité sonore du maître. Il existe aussi un nombre infini de Live de concerts.
- Mais M'sieur Claude, s'il faut lire 4 articles, ce n'est pas plus court !!!
- Bon Sonia, ça suffit ce matin !! C'est facultatif, uniquement pour les curieux, grrrrr

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La 7ème symphonie a été écrite en 1811 et 1812, même si le célèbre allegretto a été ébauché en 1806. Beethoven travaillait toujours sur deux symphonies à la fois, cherchant peut-être à opposer dans son esprit le drame et la joie de vivre. C'est assez vrai si on compare la violence tragique de la 5ème face au climat bucolique de la 6ème "pastorale". C'est moins net avec les 7 et 8, l'une bien que fougueuse n'ayant rien de tragique, l'autre, plus courte, présentant des réminiscences du divertissement classique.
Malgré son handicap, c'est Beethoven lui-même qui assure la création en décembre 1813 (tiens encore un bicentenaire après celui de Wagner) et ce sera… un triomphe. L'ouvrage sera rapidement repris dans les concerts européens. Puisque je citais Wagner juste avant, il faut savoir que celui-ci a donné son surnom à la symphonie : "Apothéose de la Danse". On comprend vite pourquoi en écoutant le déchaînement rythmique de cette partition. Beethoven semble tourner le dos aux affres et interrogations existentielles qui inspirent les symphonies précédentes, pour revenir à la musique pure, une musique moins cérébrale mais qui assurément suggère le ballet ou les folles soirées à Vienne.
La symphonie comprend 4 mouvements organisés d'une façon on ne peut plus classique. L'orchestration est aussi classique : 2/2/2/2, 2 trompettes, 2 cors, cordes et timbales. On ne peut pas faire plus économique.



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Bon, je suis désolé, le visuel de la vidéo est grotesque : une carte de vœu pour gamine nubile ! Mais nous sommes bien à Vienne (p**n ces cors !), c'est un live de 1982 et on bénéficie de l'inimitable style Kleiber… Le tempo est un poil plus soutenu que lors de l'enregistrement officiel de 1975 surtout le premier mouvement. Ce qui donne :
[0]: Poco sostenuto – Vivace ; [11'03"]  : Allegretto ; [18'45"]  : Presto – Assai meno presto (trio) ; [26'57"] : Allegro con brio
1 - Poco sostenuto – Vivace : Comme dans la 5ème, on se prend le premier accord en tutti et en pleine tête. Un simple accord (premier temps) suivi d'un soupir… L'effet est d'autant saisissant qu'une introduction calme, lente et plutôt longue va suivre. Une exception chez Beethoven qui n'a jusqu'alors jamais commencé une symphonie par une ouverture d'une telle durée. Cet accord est repris 4 temps plus tard. Entre les deux et après, les premiers thèmes allègres tournoient entre les bois et les cordes. Un dernier motif [3'20"], chanté par le hautbois et le basson, termine cette ouverture, et nous amène à l'énoncé du principal thème, joyeux, dansant et martial [3'50] qui sera le leitmotiv du mouvement. [4'20] Sans transition, le "vivace" explose à partir de ce thème. Bonne occasion d'entendre l'énergie des cors de la philharmonie de Vienne, cors réputés les meilleurs du monde en ce temps-là. Carlos Kleiber équilibre rythmes et pupitres avec une précision diabolique, sans pathos. Le brio beethovénien va se déchaîner jusqu'à la coda. Jamais le maître n'apparaît aussi énergique et chorégraphique dans son écriture. [13'00] Carlos Kleiber nous propose une coda véritablement orgiaque !
2 – Allegretto : On ne présente plus ce morceau aux allures de marche et au tempo plus rapide que dans les autres symphonies, je parle du mouvement lent. Beethoven nous entraîne dans une danse galante. Le crescendo qui s'élance durant les deux premières minutes se fait nocturne et langoureux. Dans le développement central, le rythme de base est assumé par des altos en pizzicati. Ce rythme obsédant va ensuite être assuré soit par la nature de la mélodie elle-même, soit par les timbales. Il y a des oppositions entre nostalgie et mystère dans ces 8 minutes d'une musique qui va droit au cœur, ce que Beethoven désirait le plus, à savoir : toucher le public avec simplicité et évidence. Cela explique sans doute la popularité du morceau…

3 - Presto – Assai meno presto (trio) : Ou comment transcender le menuet incontournable. Avec sa vivacité, son rythme implacable et ses syncopes, le presto initial du scherzo est tout sauf un intermède obligé par la forme. Il dure même un peu plus longtemps que l'allegretto. [2'12] Le trio se fait plus charmeur malgré ses puissantes et éclatantes mesures centrales. Et puis Beethoven innove dans cette forme classique en concluant son Scherzo sur la reprise du trio et quelques violents accords ultimes qui… introduisent l'esprit du final. Carlos Kleiber s'amuse dans cette folle course-poursuite entre notes et instruments. C'est vivifiant mais sans aucune sécheresse et surtout sans aucune emphase romantique qui engluerait le phrasé. Beethoven ne cherche-t-il pas, dans cette composition, a revivre sa jeunesse, à la fin du XVIIIème siècle, à l'époque de Haydn et de Mozart, et surtout à l'époque où il n'était pas obligé de communiquer en écrivant… des petits papiers, faute d'entendre suffisamment ? Écrire une musique sans rien entendre ou presque, vous, je ne sais pas, mais moi ça me laisse méditatif…
4 - Allegro con brio : De la pure folie. Les accords syncopés ouvrent les hostilités. Un thème furieux résolu pas une sonnerie des cors leur succèdent. Ce début laisse la place à des phrases moins vindicatives et moins rythmées. Oh, ça ne dure pas. Beethoven lance ses forces dans un maelstrom musical qui semble juste reprendre son souffle de-ci de-là. Les appels de cors sont si cuivrés que, même si on ne le sait pas, les habitués devinent immédiatement que nous sommes à Vienne. Cette ivresse sonore se prolonge jusqu'à la furie des derniers accords, conclusion dans laquelle Carlos Kleiber évite tout accelerando, et ce souci du bon goût est bien la marque du grand chef.

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Ben, pour les enregistrements concurrents, on reprend un peu toujours les mêmes : Furtwängler, Karajan avec 4 versions (je préfère celle de 1963). N'oublions pas Gustavo Dudamel qui a commencé sa carrière discographique avec les 5 et 7 chez Dgg. Et puis on rajoutera à cette liste Fritz Reiner, Claudio Abbado, Klemperer, et bien d'autres, mais c'est incontestable (et peu contesté), le disque Kleiber par son énergie contrôlée reste un sacré must pour cette symphonie trépidante !
  



3 commentaires:

  1. pat slade6/4/13 11:45

    la version de Kleiber oui ! Mais je préfère celle de Klemperer l'allegretto est un petit poil plus lent. Quand à celle de Johnny Hallyday...... je n'en parlerais même pas.

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  2. Sonia de Guemene6/4/13 13:41

    Dîtes M'sieur Claude, c'est quand même pas parce que c'est celle que je préfère que vous dîtes qu'elle est moins cérébrale que les autres cette symphonie de Beethoven? Après tout qu'importe, pour écouter de la musique, les oreilles sont plus utiles que le cerveau! la preuve, même Jonnhy a su l'apprécier, mais ce mec là, il saccage tout ce qu'il prétend aimer.. (y a qu'à l'entendre chanter le blues pour s'en rendre compte ..)
    quoi qu'il en soit, la version de Carlos Kleiber est très belle.pour suivre le conseil de Pat, je vais essayer d'écouter aussi celle de Klemperer.

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  3. Très bonne idée Sonia, l'intégrale Klemperer avec le Philharmonia est sur Deezer. Le geste est ample, la rythmique implacable. La battue encore plus directe que Kleiber.... c'est tout dire. Quelle grandeur...
    http://www.deezer.com/fr/album/1557825

    En musique "moins cérébrale" est tout sauf un défaut...

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