- Ah, merci M'sieur Claude, la prochaine maquette pour publication…
      Voyons… Symphonie concertante !? Un concerto ou une symphonie, un mixe des
      deux ?
  - Et bien Sonia, je pense qu'il s'agit plutôt d'un concerto : trois
      mouvements, deux solistes aux rôles bien distincts, mais votre question
      est pertinente…
  - Alors pourquoi ce titre étrange, moi qui commençait à m'y retrouver
      dans tous les termes bizarres du classique ?
  - Le rôle de l'orchestre est très important et annonce presque le
      romantisme. Mozart a du hésiter entre les deux types d'œuvres, d'où ce
      titre, disons… mixte…
  - Merci M'sieur Claude. Il y a beaucoup de cordes à ce que je vois…
      M'dame Cat va être contente…
  Lors de la publication dans le blog de l'article consacrée à "la Truite" de
    Schubert, une vidéo additionnelle nous offrait des extraits du célèbre quintette
    filmé lors d'un concert immortel en
    aout 1969 :
    Itzhak Perlman
    au violon,
    Pinchas Zukerman
    à l'alto,
    Zubin Mehta
    à la contrebasse,
    Jacqueline Du Pré
    au violoncelle et son mari
    Daniel Barenboïm
    au piano. Cette vidéo de légende montrait comment l'amitié, et plus si
    affinité, permettait de transcender l'interprétation d'une œuvre.
  24 ans plus tard, en 1983,
    Perlman,
    Zukerman
    et
    Mehta
    (chef d'orchestre avant d'être contrebassiste), la complicité entre les
    artistes est toujours vivante et permet d'entendre une excellente version du
    bijou mozartien qu'est la
    symphonie concertante K 364 pour
    violon et alto.
  À 76 ans le chef d'orchestre d'origine indienne
    Zubin Mehta
    pourrait s’enorgueillir d'une carrière exceptionnelle. Ce n'est pas son
    genre. Pourtant, après avoir occupé les postes de directeur des orchestres
    philharmoniques de
    Los Angeles
    (1962-1978),
    d'Israël
    (depuis 1968), de
    New York
    (1978-1991) et quelques autres, la musique symphonique lui doit beaucoup.
    Humaniste,
    Mehta
    a souvent pris des initiatives artistiques pour soutenir les combats contre
    les ignominies passées ou présentes de notre monde. Ainsi, en
    1999, il dirige à
    Buchenwald la
    symphonie N°2 "Résurrection" de
    Mahler, œuvre dont il a signé pour Decca une version de référence avec la
    Philharmonie de Vienne
    dès le début de sa carrière. Son répertoire est très éclectique, des grands
    classiques comme
    Mozart,
    Mahler
    ou
    Bruckner, mais aussi des œuvres contemporaines comme la "symphonie de Noël" de
    Penderecki
    qu'il créa en 1980 avec le
    New-York Philarmonic
    !
  Pinchas Zukerman
    est un violoniste israélien né
    en 1948. Il commence l'étude du
    violon après celle de la flûte à bec et de la clarinette ! Il se fait
    remarquer par
    Isaac
    Stern
    et
    Pablo Casals
    qui vont lui proposer de se perfectionner à La
    Julliard School et lui assurer
    le début d'une brillante carrière internationale. Il mène de front une
    carrière de chef d'orchestre en dirigeant notamment
    l'Orchestre de chambre de Saint-Paul
    du Minnesota. C'est l'un des premiers professeurs à avoir utilisé la
    vidéoconférence et internet dans sa méthode pédagogique.
  À l'instar de
    Zukerman,
    Itzhak Perlman
    est né en Israël, mais en
    1945. Victime de la
    poliomyélite, il ne peut jouer qu'assis, mais la maladie a épargné ses bras,
    et Itzhak
    est devenu l'un des violonistes les plus talentueux de notre temps. Il aura
    le même parcours que son compatriote, à savoir la
    Juilliard School avec
    Ivan Galamian
    comme professeur. Sa carrière est exemplaire. Il est comme
    Zukerman
    et
    Mehta
    un fidèle des concerts de l'orchestre d'Israël. Son violon Soil, un
    Stradivarius de 1714 lui a été offert par
    Yehudi
    Menuhin. Par ailleurs le virtuose s'adonne avec plaisir au Jazz. Comme nombre de
    solistes, il a commencé en fin de carrière à diriger des orchestres.
  Les deux compères ont souvent enregistré des duos ou de la musique de
    chambre. Je cite en priorité une intégrale des
    concertos pour violons(s) de
    Bach
    avec
    Daniel Barenboïm
    au pupitre de l'English Chamber Orchestra (EMI rééditée en partie)… Des
    décennies d'amitié autour d'une "truite"…
  
  ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
La biographie de Mozart a été bien esquissée dans les chroniques consacrées au concerto pour clarinette joué par Benny Goodman (clic) et au Requiem dans les interprétations de Karl Böhm et John-Elliot Gardiner (clic).
  C'est en 1779 à 23 ans que
    Mozart
    va composer la
    Symphonie Concertante, après son retour d'une tournée en
    Europe, notamment à
    Paris où a été créé le
    concerto pour piano n°9
    dédié à Mlle "Jeunehomme". Par qui cette symphonie a-t-elle été commandée ? Mystère ! On suppose
    toutefois qu'elle a été écrite à l'intention des musiciens et de l'orchestre
    de la cour de Mannheim.
    Mozart
    est déjà au faîte de son art, et encore un homme plein de vie, un épicurien.
    Toute la musique de cette période porte la joie en elle. La
    symphonie concertante
    va surprendre. Par son ambition et sa durée (35'), l'ouvrage s'écarte
    résolument du mode divertissement. (Les
    symphonies
    33 et 34 écrites à cette époque, ne dépassent pas les 20'.) Mais ce qui va
    surprendre le plus, c'est la gravité de son propos. "L'expression douloureuse de l'andante" est tout à fait inhabituel (J & B Massin). Même si à
    "douloureux", j'aurais substitué "mélancolique", il est évident que
    l'atmosphère annonce bien plus qu'un saut vers les œuvres très élaborées et
    géniales de la maturité, les
    grands concertos pour piano, les
    symphonies ultimes, le
    Requiem. Oui, par sa modernité cette musique regarde vers le romantisme qui approche.
    Mozart
    visionnaire ? Qui en doutait ?
   
  
L'orchestration est peu usuelle : 2 hautbois et 2 cors pour l'harmonie, cordes. Sur la partition, les altos sont divisés en deux groupes. (Partition pour les curieux.) Ce n'est pas surprenant, Mozart raffolait s'évader de l'orchestration classique (2 flûtes, 2 hautbois, 2 bassons, etc.).
  
L'orchestration est peu usuelle : 2 hautbois et 2 cors pour l'harmonie, cordes. Sur la partition, les altos sont divisés en deux groupes. (Partition pour les curieux.) Ce n'est pas surprenant, Mozart raffolait s'évader de l'orchestration classique (2 flûtes, 2 hautbois, 2 bassons, etc.).
 
  1 – Allegro maestoso
    (Pondéré et majestueux) :
    Beethoven
    convie le destin à frapper à la porte de sa cinquième symphonie, Pam pam pam
    paaaam… Avec
    Mozart, cinq accords staccato dans un rythme mystérieux (ronde, blanche, noire
    pointée, croche, noire) frappent autrement à notre porte.
     On songe aux coups donnés avec
    le brigadier au début d'une pièce de théâtre qui pourrait être un opéra…
    Mozart crée l'étonnement, la surprise, suggère même une sourde inquiétude.
    Une mélodie plus dansante se développe aux cordes avec quelques notes
    discrètes de la très petite harmonie comme pour nous inviter à un bal.
    [1'10"] par deux fois les cors énonce un motif qui servira de leitmotiv au
    mouvement. L'introduction prend l'importance d'une ouverture puisque les
    solistes n'interviennent qu'à [2'20"]. Le violon et l'alto ne vont pas
    s'opposer dans une compétition virtuose. Non, on pense plutôt à un dialogue,
    pourquoi pas un air en duo d'un opéra sans paroles. La voix aigu du violon
    et celle plus virile de l'alto ne sont-elles pas celles d'un couple qui
    badine, se chicane, se réconcilie par un jeu musical de motifs mélancoliques
    ou joyeux vagabondant de variations en variations. Ainsi l'échange facétieux
    et en écho des deux solistes de génie à [6'30"].
    Mozart
    avait prévu d'accorder l'alto un demi-ton plus haut pour rendre sa sonorité
    plus brillante, moins rugueuse. Ce n'est pas toujours respecté par les
    altistes. Ici ce n'est pas le cas à mon oreille, qui cela dit, n'est pas
    absolue...
    Perlman
    (violon) et
    Zukerman
    (alto) maîtrisent totalement le jeu virevoltant et contrasté pensé par le
    compositeur. La cadence précédant la coda, qui fait de cette symphonie aussi
    un concerto, est d'une précision et d'un humour diaboliques.
  2 – Andante
    : L'andante de cette symphonie concertante est l'une des pages les plus
    nostalgiques jaillies de la plume de Mozart. Une des plus élégiaques et
    sublimes en fait. Une phrase plaintive aux cordes ponctuée de quelques notes
    des hautbois est rapidement interrompue par le violon puis reprise par
    l'alto. On entendra suivant sa sensibilité des soupirs, des émois, des
    chuchotements langoureux. L'écriture pour les solistes est moins
    polyphonique qu'il n'y parait. Les deux instruments se répondent en
    ménageant des silences qui laissent libre court à leurs chants individuels.
    On retrouve de nouveau, à mon sens, ce climat d'un duo amoureux d'opéra.
    Mais là il semble y avoir comme une déchirure. Je ne reviens pas sur la
    perfection de l'interprétation. Elle est évidente, l'enchaînement des
    phrases entre les instruments est absolument parfait, sans écueil. On
    parlerait avec les mêmes mots du legato-staccato de Glenn Gould. [8'40] Une
    cadence bouleversante, pour ne pas dire déchirante, avec un développement
    soutenu de l'orchestre, achève ce miraculeux passage.
  3 – Presto
    : Plus bref, le final conclut avec vivacité la symphonie. Après l'émotion
    intense de l'Andante,
    Mozart
    apporte un ton de fraîcheur dans cette conclusion. C'est dans ce mouvement
    que l'orchestre prend un peu sa revanche et donc son rôle symphonique autre
    que celui d'accompagnateur. Les thèmes sont vifs, trépidants.
    Mozart
    confie de nombreux solos au violon et à l'alto, ceux-ci étant séparés par
    quelques notes des instruments de l'orchestre, notamment les cors qui
    surgissent comme dans une chasse à courre. La direction de
    Zubin Mehta
    est idéale dans le sens où l'orchestre ne camoufle aucun trait des solistes.
    L'orchestration voulue par
    Mozart
    est d'une couleur assez sombre et pourtant, dans ce final, l'équilibre
    assuré par le chef entre les 4 membres de l'harmonie et les cordes redonne
    gaité à l'ensemble. Du grand art de la part des trois complices et de
    l'excellent
    orchestre d'Israël
    pas suffisamment mis en avant dans la presse ou la discographie. Simple
    avis.
   
  
  
    ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
  
   
  
  Discographie alternative
  Cette œuvre majeure a été fréquemment gravée. Si la version chroniquée est
    un must, on trouve d'excellentes réalisations dans l'histoire du
    disque.
  L'enregistrement de
    Karl Böhm
    avec la
    Philharmonie de Berlin
    est resté longtemps une référence. Certes le maestro était un mozartien
    accompli dans les moindres détails, mais on écoute moins facilement de nos
    jours le style romantique un rien pesant en vogue dans les années 60, même si le maestro autrichien fait preuve de légèreté. (Dgg - 5/6).
  Gravée avec
    l'orchestre du Festival de Bath
    en 1962, le duo
    Yehudi Menuhin
    et
    Rudolf Barchaï
    a laissé une vision quasi idéale du style "à l'ancienne". L'andante poignant
    laisse sans voix. (EMI - 6/6 en
    compléments des 5 concertos)
  Enfin, on ne peut faire l'impasse sur l'enregistrement de
    David Oistrakh à l'alto accompagné par son fils
    Igor
    au violon, le
    London Symphony
    Orchestra
    est dirigé par
    Jascha
    Horenstein. Un disque de légende (Decca 5/6).
  Vidéos
  L'intégrale de la symphonie en live dans l'interprétation commentée ce
    jour… vidéo 1 : 1er et 2nd mouvements ; vidéo 2 : final et un duo en
    bis...
 





 




 

Rien a redire sur cette oeuvre connu de Mozart! Quand j'entend le nom de Itzhak Perlman, je repense toujours à une des premiers vinyls classique que j'ai acheté,les concertos pour violons n°1 et 2 de Wieniawski avec le London Philarmonic Orchestra sous la baguette de Seiji Ozawa (Ca t'étonnes?^^). Mais en revenant à la concertante de Mozart, autant cette version est superbe, que je reste quand même sur celle de Oistrakh.
RépondreSupprimer... Et moi sur Menuhin - Barchai¨! En fait comme dirait Philou, si le sujet l'intéresse, la discographie alternative propose différents bordeaux Grands crus classés... Souvent, si le premier contact avec une œuvre dans une version donnée a été un choc, l'on reste attaché à celle-ci pour la vie, même si on trouve du plaisir à écouter les autres... Sans doute un truc psy :o)
RépondreSupprimerWieniawski ? je ne connaissais que de nom... j'écoute sur Deezer. Excellent et merci de m'avoir branché sur ce compositeur. Je ne te surprendrai pas en t'informant que le LP Perlman-Ozawa ne semble pas avoir été réédité régulièrement (qlq exemplaires EMI d'occasion) :o(
Un CD de 1991 avec Gil Shaham et Lawrence Forster (Dgg) semble remporté les suffrages....
Sonia a raison Claude, ça me plait beaucoup!
RépondreSupprimerBonsoir Mr Toon,
RépondreSupprimerC'est un excellent post de votre part.
Merci Hard Round Tazieff...
RépondreSupprimerEt à bientôt avec Wagner, du sang, des larmes, etc. :o)
Bonjour, je me permets de signaler ce qui ressemble à une petite approximation, concernant l'orchestration . Je crois qu'elle est usuelle , nombre de symphonies de Haydn et de Mozart par exemple comportent cordes + 2 hautbois et 2 cors . Par contre la division des altos est effectivement un cas particulier (je ne connais pas d'autre exemple , sauf plus tard bien sûr , Brahms etc , lorsque les divisions de pupitres deviennent un sport très répandu) ...
RépondreSupprimerQuelle musique de dingue... j'allais oublier l'essentiel !
RépondreSupprimerBonjour anonyme. et merci pour cette lecture et remarque.
RépondreSupprimerPeu usuelle... par rapport au très classique 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes (à partir de son invention) et 2 bassons pour la petite harmonie.
Je laisse sans doute croire que Mozart faisait ici une entorse à une règle. En fait ses orchestrations sont toujours très variées : 25ème symphonie : 2 hautbois, 2 bassons et 4 cors ! Pas de hautbois dans la 39ème.... etc. Mozart avait une imagination débordante, mais ça, on le savait :o)
1000% d'accord avec "Quelle musique de dingue"...
Amicalement
claude