dimanche 3 février 2013

FRANCK THILLIEZ "LA MEMOIRE FANTÔME" (2007) par Luc B.


Franck Thilliez est un auteur de roman policier, plus exactement de thriller. Originaire de Dunkerque, c’est un de ceux qui vendent le plus de bouquins en France… Méfiance…

- Ah, Luc, ce n’est pas parce qu’on vend beaucoup que la qualité n’est pas présente ! 
- Mouais… On y reviendra…

Je n’ai pas lu son premier roman TRAIN D’ENFER POUR ANGE ROUGE (c’te titre… récompensé du prix SNCF du polar, on ne rit pas, c’est vrai !!) mais son deuxième LA CHAMBRE DES MORTS (2005). Si le style était passe partout, les personnages assez stéréotypés, l’intrigue était plutôt bien ficelée. Suffisamment pour que le cinéma s’y intéresse et adapte le bouquin, Mélanie Laurent prêtant ses (jolis) traits au brigadier Lucie Hennebelle, l’enquêtrice et héroïne récurrente de Thilliez. Je me souviens vaguement avoir lu DEUIL DE MIEL (2006, c’te titre encore... le coupable c'est Maya l'Abeille ?!) qui cette fois met en scène le commissaire Franck Sharko. Serial killer, apocalypse et supplices aux p’tits oignons au programme, du grand classique...

Y’a pas longtemps j’ai lu LE SYNDROME [E] (2010) qui réunit les deux flics Hennebelle et Sharko. Une intrigue beaucoup plus foisonnante, enquêtes parallèles, un suspens bien orchestré, et qui prend appui sur un postulat scientifique. Car Franck Thilliez aime bien ça, la science. Ca vous forge une trame. Pour le lecteur lambda, c’est toujours impressionnant la science. Ah bon ? C’est vrai ? Ça existe vraiment ? Moi, je n’en sais rien, mais Thilliez est plutôt convaincant, avec cette histoire de mémoire rétinienne, d’image subliminale, d’expériences sordides orchestrées sur des orphelins dans les années 50, pour tester la prédisposition à l’agressivité. Un vieux court métrage qui rend aveugle celui qui le regarde… Que cache ce film ? Que cachent ces images à priori anodines (une petite fille sur une balançoire, des lapins blancs…), mais dont on découvre plusieurs niveaux de lectures ? Qui l'a réalisé, quand, pourquoi ?  LE SYNDROME [E] c’est le genre de bouquin qu’on ne lâche pas facilement. Et en même temps, on en voit tellement les coutures... L’enquête de Hennebelle sur ces vieilles bobines expérimentales est plus intéressante, troublante, que celle de Franck Sharko sur cinq cadavres retrouvés enterrés. On se doute que les deux affaires sont liées. Mais la mayonnaise prend bien.   

Il y a une délectation chez Thilliez à se rouler dans la noirceur, le glauque, la violence, mais ça tient plus de la pause. Grangé sors de ce corps !! Le problème, ce sont surtout ses personnages, pas très consistants, stéréotypés (Sharko le flic veuf, femme assassinée, souvenez-vous c’était le cas aussi de Camille Verhoven le flic de Pierre Lemaître), et qui forcément, quand ils se rencontrent et se parlent, n'ont rien de passionnant à se dire ! La fin du livre est sans doute décevante. Le coupable est identifié, mais celui qui aura mis des années à concocter ses crimes, sa grande œuvre, se déballonne d'un coup pour tout nous raconter. C’est trop facile ! Moi ce que j’aime dans le roman policier, c’est l’enquête, comment on arrive au résultat. Mais si le coupable avoue, raconte tout, les flics n’ont plus qu’à rentrer chez eux, et le lecteur refermer son bouquin ! Néanmoins, LE SYNDROME [E] est recommandable, par son histoire, et par cette spirale du Mal dont on ne semble jamais voir la fin. D’ailleurs, la fin annonce une suite, GATACA (2010) que je n’ai pas lue.  

Les spirales. C’est justement le centre d’un autre roman de Thilliez : LA MEMOIRE FANTOME (2007) mettant en scène Lucie Hennebelle. Considéré comme son meilleur. Sur les quatre que j’ai lus, oui, je confirme. Thilliez est doué pour inventer ses histoires, en puisant toujours dans les Que Sais-Je scientifiques. Ça raconte l’histoire de Manon Moinet, brillante mathématicienne, qui souffre de troubles de la mémoire. Celle-ci s’efface toutes les trois minutes. C'est embêtant, vous imaginez si j'étais frappé du même mal, la tête de mes chroniques ? Bon où en étais-je ? Ah oui, ça raconte l’histoire de Manon Moinet, brillante mathématicienne, qui souffre de troubles de la mémoire. Celle-ci s’efface toutes les trois minutes. C'est embêtant, vous imaginez si j'étais frappé du même mal, la tête de mes chroniques ? Bon où en étais-je ? Ah oui, ça raconte l’histoire de Manon Moinet, brillante mathématicienne, qui souffre de troubles de la mémoire. Celle-ci s’efface toutes les trois minutes. C'est embêtant, vous imaginez si j'étais frappé du même mal, la tête de mes chroniques ? Bon où en étais-je ? Ah oui... 

Or, Manon a été enlevée, visiblement par un tueur redoutable « le Professeur », dont elle avait déjà été victime quelques années plus tôt. Un tueur en série qui se met en sommeil pour reprendre ses méfaits ? Hum hum... Bizarre...  Lucie Hennebelle plonge une nouvelle fois corps et âme dans son enquête, qui va la conduire (grondement du tonnerre pour l’ambiance…) aux confins d’une spirale de violence insoutenable… La spirale, forme géométrique et mathématique parfaite, qui sert de gimmick au livre. Et de manière très ingénieuse. L’histoire est vraiment bien foutue, rebondissements à gogo, meurtres, agressions, cimetière, maison hantée... 

Mélanie Laurent LA CHAMBRE DES MORTS
Mais encore une fois, le style de Thilliez s’embourbe un peu. Il y a d’abord ces grands exposés scientifiques, généralement sous forme de questions réponses entre flics et médecins. Moi ça m’emmerde. Je saute les paragraphes. Y’a des moyens plus subtils pour informer le lecteur. D’ailleurs, est-ce nécessaire ? N’est-ce pas pour épater la galerie, nous dire : voyez comme je suis bien documenté, j’ai bossé mon sujet ! Et puis le style est lourdingue parfois, la couleur « rouge » est forcément « rouge sang », Thilliez ne recule devant aucune redondance, aucun effet spectaculaire, si bien qu'on en arrive à des trucs du genre : « s’exclure de sa cage métallique » quand il suffit de dire : descendre de voiture… A croire que chez l’éditeur personne ne relit vraiment les manuscrits pour corriger ces tournures de phrases maladroites. Y’a pas de honte à être un bon faiseur d’histoire, et avoir besoin d’un coup de main pour les retranscrire. Redondances aussi vis-à-vis du personnage d’Hennebelle, plus résistante que Jack Bauer, mais toujours à pleurnicher sur ses gamines qu’elles laissent seules à la maison, ses mensonges à sa hiérarchie, son côté tête brûlée qui mérite des claques mais qu'on aime bien quand même.    

Quand on commence un bouquin de Franck Thilliez, on s’arrête au deuxième chapitre ou on le dévore jusqu’au bout ! Il a un peu tendance à resservir la même soupe (pourquoi changer les ingrédients d’une recette qui lui réussit ?) peuplés de psychopathes, de tortures, meurtres, viols, démembrements, brûlures, énucléations, scalps (je continue ou vous êtes à table ?) et de mélimélo pseudo-scientifico-ésotérico-historique… et de flics qui n’ont que quelques heures pour dénouer une enquête qui traine depuis 4 ans ! Il n’y a pas une once d’humour chez Thilliez, ni de recul, tout est premier degré. Pas de regard extérieur. Il utilise des artifices éprouvés. Le nombre de fois où la flicquette brave l’autorité et se retrouve seule, sans arme ni téléphone, paumée, face au danger… généralement la nuit et sous la pluie, et blessée au genou… Mais n’y va pas, andouille !! Mais si, elle y va…

Seulement voilà, Franck Thilliez sait imaginer et construire ses intrigues, et semble trouver de nouvelles déclinaisons à chaque fois, au rayon tueurs supérieurement intelligents (mais qui se fait coincer tout de même…). A vous de voir…  

- Ben y'a pas de note à la fin, les petites plumes ?
- Nan... pas envie... Si on juge le travail d'écrivain, c'est 2 plumes à la limite, si on juge le plaisir furtif de se farcir un p'tit polar bien foutu, ce sera plus...  

5 commentaires:

  1. "Gataca" est excellent, tout comme "Fractures" et surtout "L'anneau de Moebius"... Bref, un excellent auteur français selon moi... (Thierry Busson)

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  2. Je n'ai pas lu "Gataca" mais il traine à la maison, je vais sans doute le lire puisqu'il est la suite directe du "Syndrome".
    Merci de votre visite Thierry.

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  3. j'ai lu avec intérêt ta chronique. Toujours à la recherche de nouveaux auteurs, j'ai récemment lu "Deuils de miel" et n'ai pas été enthousiasmé plus que cela! Mais je vais quand même insister avec ce "Mémoire fantôme", mon manque d'enthousiasme viens peut-être du fait qu'a la même époque je suis tombé sur deux auteurs de thriller francais qui m'ont laissé sur le c..l! Pierre Lemaitre (le bien nommé) et la redoutable Karine Giebel. Mais je pense que tu connais, sinon un conseil....Amicalement

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  4. JP, question style, il n'y a pas photo entre Lemaitre et Thilliez. Chez Thilliez il n'y a que le plaisir de l'intrigue, du suspens, ce qui est déjà bien me diras-tu !! Mais si on est un peu plus exigeant, alors on ira chez Lemaître. C'est un peu comparer Harlan Coban et Dennis Lehanne... Ils ne jouent pas dans la même catégorie. On en a parlé ici de Lemaître d'ailleurs, avec "cadre noir" et "alex". Je ne connais pas Karine Giebel, mais vais de ce pas me renseigner !!

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  5. C'est vrai , j'avais oublié que tu avais parlé de Lemaitre sur le blog. De K. Giebel, 5 ouvrages à ma connaissance, "Meurtres pour redemption" reste à mon humble avis son chef d'oeuvre, mais attention! c'est un pavé de près de 1000 pages, alors peut-être est-ce plus prudent de commencer par "Les morsures de l'ombre" , c'est cet ouvrage qui m'a fait découvrir et aimer Karine Giebel.

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