mercredi 27 février 2013

CACTUS "Cactus" (1970) - by Bruno


Genèse & First album

CACTUS : Plante de la famille des Cactaceae, ou Cactées. Plantes xérophytes, communément appelées plantes grasses, ou succulentes, qui stockent dans leurs tissus des réserves de suc afin de pallier aux périodes de séch....
- "Mais c'est quoi ça encore !!!! Ce n'est pas la bonne fiche !!! Mais c'est quoi ce censuré de censuré de censuré  !!! "
- "Je reprends... "

CACTUS : groupe emblématique du début des seventies. Groupe qui a un moment été érigé par une certaine presse, avide de comparatifs et de titres à sensation, comme la réponse américaine à Led-Zeppelin. Quarante plus tard, tout le monde se souvient du Dirigeable (du moins ceux qui ont des oreilles), mais de Cactus...


     Cactus
est la création de Carmine Appice (né le 15/12/1945) et de John Voorhis « Tim » Bogert III (né le 27/08/1944), la rythmique de Vanilla Fudge, ensemble depuis 1966, à l'époque où le groupe de Mark Stein se nommait encore « The Pigeons ».
Vanilla Fudge est généralement mentionné comme faisant partie des précurseurs du Heavy-rock, notamment celui aux penchants progressifs marqués par un orgue (avec une préférence pour le Hammond) décomplexé, parfois exubérant. Deep-Purple n'a jamais caché qu'à leurs débuts, Vanilla Fudge a été une influence majeure. Mais le problème avec ce groupe New-Yorkais, c'est qu'il composait très peu, se contentant de reprises. Ce qui commença à lasser passablement le tandem rythmique. Surtout après avoir fait la première partie de Cream (lors de la dernière tournée du trio). Il est certain que la prestation de Jack Bruce et de Ginger Baker n'a pu laisser indifférents Bogert et Appice ; ces deux têtes brûlées furent marquées au fer rouge par cette liberté d'expression qui ébranlait les carcans. Ils prirent aussi conscience qu'un bassiste et/ou un batteur pouvaient également attirer les regards, improviser, partir en solo, ce qui leur éveilla bien des aspirations.
     Peu après, un autre évènement alla marquer et parachever le duo. En décembre 1968, un nouveau quatuor, qui n'avait alors aucun disque à son actif, même pas un single, ouvre pour eux. C'était le Jeff Beck Group qui était prévu initialement, mais Jeff annule et se fait remplacer par le nouveau groupe de son copain, ex-collègue au sein des Yardbirds, Jimmy Page. Led-Zeppelin (ou bien encore les New-Yarbirds ?) débute sa carrière en volant la vedette aux New-Yorkais.
Bogert & Appice sont dépités, et dorénavant étouffent dans ce groupe et sont  persuadés qu'ils ne pourront guère évoluer d'avantage, freinés par le défaut d'ambition et de technique de leurs comparses (Mark Stein et Vince Martell).

     En 1969, Tim & Carmine retrouvent Jeff Beck pour l'enregistrement d'une pub. Le courant passe, c'est même l'entente cordiale. Tous trois décident d'enregistrer ensemble au plus vite. Malheureusement, en août de la même année, Jeff, grand amateur de moteurs gonflés et de Hot-Rods, a un grave accident de la route. Il mettra plus d'un an et demi à s'en remettre (1).
On parle souvent de Rod Stewart comme chanteur de cette rencontre, toutefois Rod et Ronnie Wood étaient tous deux partis du Jeff Beck Group et avaient promptement rejoint le nouveau projet de Ronnie Lane dans la foulée.

     Les deux compères ne peuvent attendre (surtout que l'on ne sait pas alors si Jeff pourra totalement récupérer) et, bien décidés à fonder un groupe répondant à leurs attentes, partent à la recherche de nouveaux partenaires.
C'est par hasard, dans le studio « Electric Lady » de New-York, que Tim Bogert croise le chemin de Jim McCarty. Ce dernier (ancien guitariste des Detroit Wheels, le backing band de Mitch Ryder), joue maintenant avec Buddy Miles dans son Buddy Miles Express. (ce serait peu de temps avec que Buddy rejoigne Jimi Hendrix pour le « Band of Gypsies »). Bogert, McCarty et Miles taperont le boeuf à diverses reprises (il y aurait même des enregistrements).
Après les présentations faites à Appice, McCarty est accepté dans le groupe en formation.
Il ne leur manque plus qu'un chanteur. Sous les conseils de McCarty, ils débauchent Rusty Day (né Russell Edward Davidson), chanteur des Amboy Dukes (où un jeune chevelu, répondant au doux nom de Theodore Anthony Nugent, fait ses armes).
Cactus est donc né à la fin de l'année 1969. Assez rapidement signé par Atlantic, le premier bébé voit le jour en juillet 1970. Et c'est du lourd.
 

     L'opus éponyme débute sur une véritable agression sonique, sentant la testostérone, la sueur et la folie. « Parchman Farm » ?? De Mose Allison ? Hormis les paroles, il n'y a plus aucun trait commun avec l'original qui est ici violenté par une bande de voyous dégénérés. Une interprétation ? Plutôt du vandalisme. A certains moments, la pièce manque cruellement de concision, et on est en droit de se demander si le « tout frais » quatuor n'est pas en train de faire une crise de delirium tremens. Une version qui ferait passer Blue Cheer pour un groupe pop. C'est un semi-remorque, sans freins et à la suspension hasardeuse, lancé à toute berzingue dans une pente vertigineuse qui, à chaque tournant, échappe miraculeusement à la sortie de route. On ne sait comment cet équipage fol-dingue a réussi à amener son véhicule à bon port, tant une bonne partie du trajet, notamment au départ, était chaotique.
   A peine nos esgourdes commencent-elles à s'acclimater à cet orgie sonore que, contre toute attente, les barbares se muent en troubadours pour le titre suivant, avec une chanson folk clopinante, mais attachante. Des accents dylanniens se font entendre,  d'autres de Mott the Hoople, d'un Led-Zep folkeux, de Neil Young. Une oasis de douceur dans un terrain miné de métaux lourds, avec chœurs féminins et grattes acoustiques. Rusty démontre qu'il n'est pas qu'un habile brailleur.
   Rusty Day ressort son harmonica pour le boogie-blues-rock bastringue de « Bro Bill ». Le relatif dépouillement permet ici d'apprécier la voix rugissante de Rusty. On sent que Howlin' Wolf a influencé son chant et son jeu d'harmonica.
Seconde et dernière reprise avec « You Can't Judge a Book by the Cover » qui est également difficilement reconnaissable autrement que les paroles. L'harmonica de Rusty apporte un sympathique chorus sautillant, mis à mal par les sautes d'humeur de la guitare. Le solo est strident, entre fuzz et larsen ; Jim s'amuse avec sa nouvelle pédale d'effet : une Scrambler conçue par Ampeg. Carmine y développe des rythmes étonnants, des patterns boogie-blues nimbés de jazz remuant, break nerveux contrôlé : la classe.

   « Let me Swim » est un Boogie-rock torride et épileptique. Sa rythmique est basique, genre rock'n'roll à la Chuck Berry, mais elle est déployée avec une énergie rare, assez intense pour oxyder un jeu de cordes neuves en une prise (On retrouvera ce Rock'n'Roll brûlant, rebaptisé « Swim », sur l'incandescente face live de « Ot'n'Sweaty »).
   Le slow-blues « No Need to Worry » va dans le sens de ceux qui aiment à comparer Cactus au Dirigeable, car il y a quelques similitudes avec « Since I been loving you », qui, lui, ne paraîtra que trois mois plus tard... hum... mais peut-être que la source est antérieure, qu'elle est plutôt du côté des Buddy Guy et Otis Rush. Jim McCarty se montre ici plus convaincant que lorsqu'il est frénétique. Ses interventions font preuve de feeling et de modération.
   On repart sur des chapeaux de roues avec un Rock'n'roll boogie entraînant comme une locomotive en sur-régime (« Oleo »), dont l'inspiration pourrait venir de ceux de Magic Sam ou de Freddie King intensifiés par la rage électrique des jeunes blanc-becs. Break avec solo de basse débordant de fuzz qui donne l'impression que Bogert a collé son instrument contre l'ampli, à la manière d'un Hendrix en pleine crise d'extase sonique. Sur le titre suivant, c'est au tour de Carmine de s'octroyer le break ; un solo de batterie, certes bon mais qui finit dans la démonstration.

     On ne ressort pas indemne de ce premier jet : on est littéralement lessivé (à moins d'être un habitué des Slayers et autres Metallica, voire dans une moindre mesure de Mother Superior, des Stooges, de Buffalo). Toutefois, on en redemande.

     Ce premier opus trahit un enregistrement et une parution faits dans la précipitation (Rusty et Jim sont parfois à côté de la plaque). En 69 et 70 la concurrence est rude, avec cette invasion d'entités faites de Blues et métal lourd émergeant de toutes parts et dévastant tout sur leur passage.
Les deux albums suivants (tous deux parus en 1971) présentent un groupe toujours fougueux mais qui a su trouver ses marques. Quant aux prestations live (voir les témoignages de « Ultra Sonic Boogie » et « Fully Unleashed : the live gigs »), elles prouvent tout simplement que l'élément de Cactus est bien la scène.


     Néanmoins on remarque que cette formation (parfois affublée du titre ronflant de supergroupe) possède des armes redoutables. Un chanteur autant capable de s'érailler les cordes vocales que de se faire intimiste, introspectif, doublé d'un sérieux harmoniciste. Un guitariste fougueux, marchant à l'énergie , un bassiste psychopathe qui joue souvent de sa basse comme d'une guitare, n'ayant aucun complexe pour balancer quand bon lui semble des licks au-delà de la quinzième case, et un batteur rusé et musclé, sachant trouver des patterns savants pour les compositions les plus alambiquées.

     Malgré des imperfections, malgré sa pochette censurée dans certains pays ou certains états, le disque remporte un certain succès. Et aujourd'hui encore, il est considéré par beaucoup comme un incontournable des disques de Hard-blues, ou de Boogie-heavy.

     La suite sera de meilleure facture, mais le parcours sera tumultueux. Des excès d'une vie Rock'n'Roll naîtront des tensions qui auront rapidement raison de cette mouture.

     En ce qui concerne la comparaison récurrente faite entre Led Zeppelin et Cactus, et ce en dépit des atouts des américains, elle ne tient pas la route. (il a été fait le même genre de raccourci pour AC/DC).
     Si la voix de Rusty Day sait se montrer puissante, elle n'a pas la sensibilité de celle de Plant. Jim McCarty a des capacités, malheureusement il se montre parfois hasardeux dans son jeu ; là où Page construit une architecture élaborée et inébranlable, pouvant soutenir à elle seule toute une composition, McCarty paraît trop souvent être une pièce rapportée, pour habiller et enjoliver la formidable section rythmique. Même Tim Bogert n'a pas -à mon sens- la qualité et la classe de John Paul Jones. Ce dernier sait contrôler son égo, sait s'effacer (en toute relativité) pour servir la musique, alors que Bogert a ce besoin irrépressible de se projeter systématiquement en avant. Indéniablement, c'est un grand bassiste, un des meilleurs de sa génération, mais son caractère impétueux et son fort égo le desservent et mettent parfois en péril la cohésion du combo. Il semble à jamais traumatisé par le jeu un tantinet « free » de Jack Bruce (un syndrome ?). Seul Carmine Appice a la stature pour rivaliser avec son homologue.


(1) En 1972, Tim, Carmine et Jeff forment B.B.A. (pour Beck, Bogert & Appice) et enregistrent deux disques, dont un live, dont on parle encore. Le premier opus, enregistré en mai 1973, affiche de belles ventes, notamment grâce une composition de Stevie Wonder : « Superstitions ». Au début c'est tout feu tout flamme, mais les egos démesurés des acteurs ne parviennent pas à s'accorder et c'est la rupture. On sait que Beck peut être taciturne et ombrageux, mais Bogert est connu pour avoir un caractère de cochon. Beck quitte subitement le trio, au début 74, alors qu'ils avaient commencé à plancher sur un nouvel album studio.

  1. Parchman Fram (Mose Allison)  - 3:06
  2. My Lady from South of Detroit - 4:26
  3. Bro. Bill - 5:10
  4. You Can't Judge a Book by the Cover  (Willie Dixon) - 6:30
  5. Let Me Swim - 3:50
  6. No Need to Worry - 6:14
  7. Oleo - 4:51
  8. Feel So Good - 6:03
sauf spécifié, les compositions sont signées "Appice, Bogert, Day, McCarty" 


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2 commentaires:

  1. Me souviens d'un vinyl dont mon frangin ne passait que la 1ere face "parce que c'est en live et que ça arrache vraiment" avec des lettres en forme de cactus sur la pochette...J'étais minot et oui ça me semblait vraiment arracher!...

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    1. Je veux ! La face live de "Ot'n'Sweaty" est à manipuler avec précautions, et surtout à ne jamais approcher de matières inflammables.
      C'est du brut, sans effets, sans distorsions de la mort, et c'est pourtant capable de faire fondre un iceberg en un rien de temps.

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