Ce
bouquin sort en 1964, mais 7 années ont été nécessaires à son auteur pour
l’écrire. Rappelons que Hubert Selby ne vient pas du sérail, il a dû apprendre à
écrire. Raison pour laquelle son écriture ne ressemble à aucune autre, et que comme
tout franc-tireur qui déballe les tripes à l'air, on l’a aussitôt comparé à Louis Ferdinand Céline. Ecrasante
référence, mais il est vrai que les deux écrivains manient des figures de
styles proches (de très longues phrases, utilisation d’argot, un style brut,
descriptions ultra-réaliste) et plongent tous les deux dans la noirceur de
l’âme humaine, jetant en pâture aux lecteurs des personnages violents et
désespérés, qui nourrissent une haine du
monde et de leurs contemporains. Bref, d’une lecture pareille, on n’en ressort
pas indemne. A sa sortie le bouquin rencontre le succès, mais est aussi taxé de pornographie, il sera censuré et interdit dans certains pays, rendant son auteur plus célèbre encore.
La lecture peut paraître
d’ailleurs un peu difficile au début, car Selby ne marque pas de différence
entre récit et dialogue. Pas de tiret, de paragraphe, de guillemets,
d’indication du genre : dit-il, répondit machin… Rien. Tout s’enchaine,
description, pensées, voix off, dialogues… On s’habitue à ce style, et même, on
se surprend en fin de compte à trouver ça aussi pratique que les romans
classiques. On suit parfaitement les scènes, on ne perd jamais le fil.
LAST EXIT TO BROOKLYN est constitué
de nouvelles, tournant autour de personnages plus ou moins récurrents
(notamment Vinnie, qui apparaît dans chacune), dans un même quartier, avec les
mêmes troquets délabrés, havres de paix pour tous ces paumés pas
magnifiques. Par leurs longueurs, trois
histoires ressortent du lot, à commencer par celle de Georgette.
LA REINE EST MORTE (60 pages)
Georgette est un travelo qui fait le tapin à l’occasion. Son frère le martyrise, lui, la honte de la famille, l’immonde pédé accro à la benzédrine. Georgette est amoureux de Vinnie, chef de meute ès-ratonnade. Une petite ordure. Tout ce petit monde se retrouve chez le Grec, un bar, où on y boit, on y drague, on y danse, on y perd son temps en deux virées nocturnes. Georgette, lui, semble différent, il a de l’éducation, du savoir-vivre, et de la sensibilité. Ce qui ne l’empêche pas d’être maltraitée par Vinnie et ses potes, et c’est ainsi qu’il se retrouve avec un coup de couteau lancé dans sa cheville (comme ça, juste pour se marrer un peu…), incapable de marcher, pissant le sang, contraint de rester chez sa mère, avec le frangin sadique pas loin. S’en est trop, et Georgette va se réfugier chez Mary. Elle tient un bordel. Toute la fin de la nouvelle se passe donc chez Mary, avec putes et travelo qui gobent les pilules, et bourrent au Gin, attendent le client en rêvant du grand amour. Ca rigole sec entre filles. Puis Vinnie et sa bande se pointe, ça boit, ça gobe, ça hurle, ça joue à se faire peur, et ça dégénère. Selby nous présente des personnages en manque d’amour, et qui se réfugient dans le sexe. Sauf que même ça ils en sont incapables, des grandes gueules, trop torchées, trop attachées à faire le coq, trop fier pour lâcher un sentiment. Seule la violence semble leur parler. Et qu’importe si on casse du pédé, pour mieux les baiser ensuite. De toute façon, y’en rien d’autre à se mettre sur la bite… Et la cruauté prend le dessus, insidieusement, on sent venir le dérapage. Il est beau Georgette, beau personnage, qu’on aimerait voir s’en sortir, être aimé en retour de tous les efforts consentis pour plaire et être agréable. Il a sa petite minute de gloire en récitant un poème, très théâtral, devant Vinnie et les autres, toute petite parenthèse avec de replonger dans le sordide.
Georgette est un travelo qui fait le tapin à l’occasion. Son frère le martyrise, lui, la honte de la famille, l’immonde pédé accro à la benzédrine. Georgette est amoureux de Vinnie, chef de meute ès-ratonnade. Une petite ordure. Tout ce petit monde se retrouve chez le Grec, un bar, où on y boit, on y drague, on y danse, on y perd son temps en deux virées nocturnes. Georgette, lui, semble différent, il a de l’éducation, du savoir-vivre, et de la sensibilité. Ce qui ne l’empêche pas d’être maltraitée par Vinnie et ses potes, et c’est ainsi qu’il se retrouve avec un coup de couteau lancé dans sa cheville (comme ça, juste pour se marrer un peu…), incapable de marcher, pissant le sang, contraint de rester chez sa mère, avec le frangin sadique pas loin. S’en est trop, et Georgette va se réfugier chez Mary. Elle tient un bordel. Toute la fin de la nouvelle se passe donc chez Mary, avec putes et travelo qui gobent les pilules, et bourrent au Gin, attendent le client en rêvant du grand amour. Ca rigole sec entre filles. Puis Vinnie et sa bande se pointe, ça boit, ça gobe, ça hurle, ça joue à se faire peur, et ça dégénère. Selby nous présente des personnages en manque d’amour, et qui se réfugient dans le sexe. Sauf que même ça ils en sont incapables, des grandes gueules, trop torchées, trop attachées à faire le coq, trop fier pour lâcher un sentiment. Seule la violence semble leur parler. Et qu’importe si on casse du pédé, pour mieux les baiser ensuite. De toute façon, y’en rien d’autre à se mettre sur la bite… Et la cruauté prend le dessus, insidieusement, on sent venir le dérapage. Il est beau Georgette, beau personnage, qu’on aimerait voir s’en sortir, être aimé en retour de tous les efforts consentis pour plaire et être agréable. Il a sa petite minute de gloire en récitant un poème, très théâtral, devant Vinnie et les autres, toute petite parenthèse avec de replonger dans le sordide.
L’autre personnage féminin de ce bouquin, c’est Tralala. 15 ou 16 ans, une paire de seins phénoménale. Les
hommes la remarquent, elle le sait, elle joue le jeu, elle aime ça, et si cela
peut lui rapporter un peu, juste de quoi boire un coup, pourquoi pas se faire sauter
sur des parkings mal éclairés ? Ce n’est pas une pute, et ses deux potes ne
sont pas maquereaux. Juste une petite
association, où chacun fait profiter aux autres de ses talents. Elle, elle
taille des pipes, les autres cassent des coffres forts… Elle là encore, la
violence s’immisce. Finalement, montrer ses miches, pour mieux détrousser un péquenaud,
on y prend goût. Surtout qu’il y a pas mal de militaires en permission dans le
quartier, et Tralala va se lancer dans des opérations plus juteuses, mais aussi
plus dangereuses. Là encore, Selby nous montre comment des paumés vont se
retrouver dans des situations sans-retour. Comment le rêve de grandeur, ou juste de
bonheur, d’avoir droit autant que les autres, va les précipiter en Enfer. La
folie semble s’emparer de la fière Tralala. Elle vise des officiers, pour avoir
plus d’argent. Elle passe des week end dans de beaux hôtels, mais au final, les
mecs la laissent là, avec parfois même une lettre d’amour en guise d’adieu,
mais pas un billet ! Elle est pleine de rancœur. Elle enrage, se gonfle de
haine, elle qui vaut mieux que les autres prostituées, qui a les deux plus
beaux obus de la création. Elle emmerde tout le monde, c’est la meilleure
affaire qui soit, et elle va le prouver, dans une course effrénée. Hubert Selby nous amène aux portes de
l’enfer, dans un déchainement de sexe, de violence, de brutalité, avec son
écriture sèche, qui répète inlassablement les mêmes mots, les mêmes scènes, les
mêmes horreurs, un empilement, une surenchère dans l’écœurement, et au final, difficile
d’effacer de sa mémoire la vision d’une carcasse de bagnole, d’une banquette
déchirée, souillée, et de ce qu’il reste d’une jeune fille, dont les deux
miches auraient du être son passeport pour la grande vie…
LA GREVE (112 pages)
Dans la troisième histoire, celle de Harry Black, Hubert Selby amène un angle plus politique. Mais on retrouve encore le décor familial triste à mourir, la violence au quotidien dans le couple. Harry qui tabasse sa femme, sans trop qu’on sache pourquoi. Harry non plus d’ailleurs… C’est ça qui est terrible avec Selby, c’est qu’il ne justifie rien. C’est ainsi. Harry est odieux, mais sa position de syndicaliste, dans son usine, lui donne un statut particulier. Quand la grève éclate, il devient même quelqu’un d’important, à qui on offre un bureau, un téléphone, dans un vieil entrepôt, pour organiser la lutte. Il est content, Harry, et fier, de montrer sa nouvelle position. Seul à son bureau minable, Harry s'ennuie, tourne en rond, ne maîtrise pas trop la situation. Selby ressasse les mêmes phrases, comme une longue litanie. Harry profite de sa position, se fait livrer des tonneaux de bières, et pendant les longs mois de grève, il picole, au frais du Syndicat, et invite des gars, Vinnie et sa bande, qui viennent avec leurs potes travelos pour boire des coups… Breurk, des tantouzes, des mecs en bas résille… Harry, lui, c’est un vrai mec, un viril, un type important qui a la responsabilité d’un piquet de grève et du stock de pancartes. Et pourtant, ce travelo, Ginger, qui se dandine, se trémousse sur des airs de Bop, ça lui fait des choses à Harry, ça le trouble, bref, ça finit par le faire sacrément bander.
Selby est très fort pour décrire ce trouble, la psyché d’Harry qui s’effrite, le combat intérieur qui le ronge. Ce qui est terrible, c’est qu’on sait que ça va dégénérer. Que ça va mal finir. Harry le jeune coq, qui se croit admiré, va lui aussi s’enfoncer. D’abord dans l’alcool, puis dans ses illusions de grandeurs, et dans la violence. Quand la grève prend fin, il doit redonner sa couronne de roitelet, retrouver son quotidien. Mais il a déjà été trop loin, gouté à de nouveaux plaisirs, et qui lui coutent cher. Et quand y’a plus de fric, quand la source se tarit, les amis se font moins présents. Pathétique. On regarde Harry se détruire, tomber plus bas que tout, humilié. Harry nous dégoute autant qu’il fait pitié. Sur la fin, ce n’est plus qu’une éponge imbibée, déconnecté de tout, en proie à ses démons sexuels. Lui aussi, comme tous les personnages de ce livre, est en recherche de sexe pour combler le vide absolu de sa vie. Et le sexe, le désir, Harry va aller le chercher jusque chez un gamin de 10 ans, qui passait par là… L'issue explose comme une orgie de brutalité, quasi christique. Effrayant. Et on repense aux premières terrifiantes, entre Harry Block et son bébé.
Dans la troisième histoire, celle de Harry Black, Hubert Selby amène un angle plus politique. Mais on retrouve encore le décor familial triste à mourir, la violence au quotidien dans le couple. Harry qui tabasse sa femme, sans trop qu’on sache pourquoi. Harry non plus d’ailleurs… C’est ça qui est terrible avec Selby, c’est qu’il ne justifie rien. C’est ainsi. Harry est odieux, mais sa position de syndicaliste, dans son usine, lui donne un statut particulier. Quand la grève éclate, il devient même quelqu’un d’important, à qui on offre un bureau, un téléphone, dans un vieil entrepôt, pour organiser la lutte. Il est content, Harry, et fier, de montrer sa nouvelle position. Seul à son bureau minable, Harry s'ennuie, tourne en rond, ne maîtrise pas trop la situation. Selby ressasse les mêmes phrases, comme une longue litanie. Harry profite de sa position, se fait livrer des tonneaux de bières, et pendant les longs mois de grève, il picole, au frais du Syndicat, et invite des gars, Vinnie et sa bande, qui viennent avec leurs potes travelos pour boire des coups… Breurk, des tantouzes, des mecs en bas résille… Harry, lui, c’est un vrai mec, un viril, un type important qui a la responsabilité d’un piquet de grève et du stock de pancartes. Et pourtant, ce travelo, Ginger, qui se dandine, se trémousse sur des airs de Bop, ça lui fait des choses à Harry, ça le trouble, bref, ça finit par le faire sacrément bander.
Selby est très fort pour décrire ce trouble, la psyché d’Harry qui s’effrite, le combat intérieur qui le ronge. Ce qui est terrible, c’est qu’on sait que ça va dégénérer. Que ça va mal finir. Harry le jeune coq, qui se croit admiré, va lui aussi s’enfoncer. D’abord dans l’alcool, puis dans ses illusions de grandeurs, et dans la violence. Quand la grève prend fin, il doit redonner sa couronne de roitelet, retrouver son quotidien. Mais il a déjà été trop loin, gouté à de nouveaux plaisirs, et qui lui coutent cher. Et quand y’a plus de fric, quand la source se tarit, les amis se font moins présents. Pathétique. On regarde Harry se détruire, tomber plus bas que tout, humilié. Harry nous dégoute autant qu’il fait pitié. Sur la fin, ce n’est plus qu’une éponge imbibée, déconnecté de tout, en proie à ses démons sexuels. Lui aussi, comme tous les personnages de ce livre, est en recherche de sexe pour combler le vide absolu de sa vie. Et le sexe, le désir, Harry va aller le chercher jusque chez un gamin de 10 ans, qui passait par là… L'issue explose comme une orgie de brutalité, quasi christique. Effrayant. Et on repense aux premières terrifiantes, entre Harry Block et son bébé.
Une dernière nouvelle fait office d’épilogue, la vie croisée de personnages d’un même immeuble, chœur de mégères abominable, ou femmes simplement désœuvrées, en manque d’affection et de sexe. Des beaux parleurs, des alcoolos, des maris stupides et immatures, des gamins le mal déjà chevillé au corps… Sacrée troupe ! On retrouve Vinnie, 10 ans plus tard, et beaucoup d’autres, comme Abraham, playboy gominé en rut permanent, auquel Hubert Selby semble au début prêter quelques sentiments humains, enfin, un type normal, coureur, menteur, oui, mais pas méchant… Et puis non, Selby nous laisse jamais en repos. Pas de répit. Pas de fenêtre ni d’air frais. Jusqu’au bout du livre, jusqu’à la dernière ligne, jusqu’au dernier mot, la brutalité nous éclatera au visage.
LAST EXIT TO BROOKLYN est un oeuvre extrêmement violente, crue, sordide. Mais pas voyeuriste. Il n'y a pas de complaisance. Juste des faits, une accumulation, jusqu'à l’écœurement, de scènes qui montrent le désœuvrement, la misère affective, sociale, conjugale, sexuelle.
En 1989, l’allemand Uli Edel adapte le livre au cinéma. Pas vu. Mark Knopfler en a composé la musique (bonne nouvelle), Jennifer Jason Leigh y interprète Tralala (re-bonne nouvelle) mais Edel est aussi l'auteur du risible et calamiteux BODY OF EVIDENCE avec Madonna... Les photos des personnages sont issues de ce film.
En Poche 10/18, 304 pages.
Autres nouvelles : Un dollar par jour, Trois avec bébé, Bout du monde.
Liens vers les autres romans d'Hubert Selby Jr chroniqués sur ce blog :
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Le film était glauque, malsain, ...brrrr... m'en souviens encore...
RépondreSupprimerCa m'avait fichu le bourdon pendant un sacré moment...
Et le livre m'a l'air aussi dur...
Argh !