dimanche 18 mars 2012

STEVE WILSON "Grace for Drowning" (Double CD 2011) par Vincent The Chameleon

On n'échappe pas à sa nature…

Ou l'importance du choix


Il y a de ça quelque temps, sur le net, je suis tombé sous le charme d'un titre écrit et chanté par une jeune artiste américaine totalement inconnue et sans le moindre album à promouvoir. A cent lieu de l'image véhiculée par toute cette kyrielle de bimbos aguicheuses qui officient le plus souvent au sein (...) de la mouvance R'n'B et/ou labellisé Dance Music (Gaga, Keisha, Rihanna, etc...), Lana Del Ray chantait ainsi (toute habillée) "Video Game". Une voix et une mélodie mélancolique, remplie de spleen, le tout soutenue par un piano minimaliste, en tout cas épuré. Le clip, sans doute "fait maison", ne débordait pas lui non plus du cadre. D'une simplicité absolue. Bref, dans un cas comme dans l'autre, l'émotion était là.
Lorsque j'ai entendu ce morceau la première fois, je me suis instantanément dit: "Steve, contact cette fille expressément, et faites absolument un truc ensemble". L'univers de l'un s'apparentant, et de façon assez troublante, à l'autre. Sur ce titre en tout cas.
Plus tard, forcément remarquée, la jeune femme se sera très vite faite entourée par des professionnels ayant flairé la bonne affaire. Résultat, ce morceau délicat ce retrouve aujourd'hui complètement vidé de son essence première. Au menu, des viol(on)s et une harpe qui dégoulinent de toute part. Les soi-disant "Pro" sont même allés jusqu'à inclure des percussions au titre. Bande de vandaaales !!!!!
Lana, du haut de sa jeunesse, de son innocence et /ou de sa naïveté n'aura sans doute rien osé dire. Trop contente, sans doute, d'entrer pour la première fois dans la lumière.
Navré Lana, mais si tout le reste a été traité de la sorte, je ne l'achèterai pas ton disque.

Wilson tel qu'en lui-même


Pour ce qui est de Steve Wilson, c'est l'exact contraire. Ses choix, personne ne les lui a jamais dictés. Le musicien n'aura ainsi jamais cédé au marketing et aux éventuelles courbettes que le show biz aurait tout aussi bien pu lui accorder. Encore que sa musique n'a jamais été vraiment adaptée pour le format radiophonique. Quoique ? Des titres de Porcupine Tree tels que "The rest will Flow", "Stranger by the minute" ou "Lazarus" auraient tout compte fait très bien pu y trouver leur place. Toujours est-il que...
Sa carrière, son statut, la reconnaissance qui est désormais la sienne, Steve Wilson l'a aussi obtenu parce qu'il n'a jamais fait de concession pour plaire au plus grand nombre. Cela dit, les deux derniers albums de son groupe (Porcupine Tree) ont montré tous les deux que depuis le succès grandissant de sa formation, le chanteur guitariste semblait non seulement avoir trouvé ses limites, mais que du coup, et par ricochets, sa musique finissait par en devenir prévisible. Est-ce là la raison qui aura poussé le prolifique musicien a publié un nouvel album (le deuxième, et un double !) sous son propre nom ?

Noir c'est noir


Qu'il soit dit sur le champ, Grace for Drowning n'est pas une œuvre facile d'accès. Intellectuelle dites-vous ? Il est en tout cas certain qu'elle mérite une vraie attention pour se livrer pleinement à nous. Et même sous cette seule condition, il n'est même pas certain qu'elle parvienne à vous atteindre pour autant. Steve nous dissuade même de tenter d'écouter les deux galettes à la suite. D'autant que durant les deux fois 40 minutes (environ) que dure l'album, la gaité, la joie, ne sont (toujours) pas de mise dans l'univers du musicien anglais. Une seule saison chez lui: L'automne. Tandis que le soleil, s'il se décide parfois à poindre par-delà la forêt de "Sleepy Hollow" (voir le film de Tim Burton), se drape inéluctablement d'un voile brumeux. Comme dans un film d'horreur: Sitôt viendu... Sitôt repartu. Car ce qu'il y a d'incroyable dans la musique de Wilson, c'est qu'elle a quelque chose de très cinématographique. J'en avais d'ailleurs déjà fait état dans ma chronique de Insurgentes. Pour celui-là, "Saw", "Le projet Blair Witch" (encore lui) et surtout "Les autres" résonnent en moi en tant que références pour le moins angoissantes.  
Au milieu de cette profonde et sombre mélancolie, Steve Wilson aime donc, comme à son habitude, jouer sur les contrastes. La douceur d'une flûte, celle d'une guitare sèche, les accords d'un piano délicat, tous sont ainsi constamment bousculés par les cris, les hurlements soudain d'un saxophone (mais pas uniquement) en pleine crise de délirium.
En s'étant ouvertement imprégné et nourri de ses influences adolescentes, au premier rang desquelles le King Crimson de Robert Fripp, Grace for Drowning est un disque "on ne peut plus" organique, tout en se réclamant de la grande tradition progressive des années 70'. Car en plus de s'immiscer, et pour la première fois, dans l'univers du Jazz, tous les instruments de l'époque ont ainsi été ressortis du grenier. Le fameux Mellotron en tête.
Outre la présence de l'éminent bassiste Tony Levin et du claviériste de Dream Theater (tous deux étant déjà présents sur Insurgentes), Steve Wilson se sera aussi payé le luxe de convier l'ex guitariste de Genesis, Steve Hackett, à venir s'exprimer sur quelques passages du disque.
Il n'empêche... Je dois avouer avoir été beaucoup plus transporté par Insurgentes que par ce double album. La faute peut être à sa deuxième partie. Eprouvante, puisque d'une noirceur absolue. Elle s'ouvre pourtant par le superbement mélancolique instrumental "Belle de Jour". Encore l'un de ces morceaux qui tend une nouvelle fois à nous conduire en direction de nouvelles références cinématographiques... En noir et blanc cette fois ci ("La mariée était en noir" me vient d'ailleurs et spontanément à l'esprit). Et puis il y a aussi sa fin. En forme de lâché prise, "Like dust I have cleared from my eye" invite enfin à l'abandon, sinon au départ. Nouveau dites-vous ? Je n'en suis pas aussi sûr. Parce que la musique de Steve a cette faculté de toujours stimuler notre imagination.
A l'heure où il est de bon ton d'opter pour une musique faite dans l'air du temps, Steve Wilson aura une fois encore préféré suivre son instinct sans se soucier de l'avis d'autrui. Voilà qui mérite d'être salué, quand on sait à quel point il est devenu difficile aujourd'hui pour nombres d'artistes de continuer à vendre leur musique... Sans se vendre.

 Clips

 
 "Remainder the Black Dog"  

 
"Track One"


CD 1

CD 2

5 commentaires:

  1. Un univers très sombre et mélodieux

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  2. intéressante musique; quant au cd de Lana Del Rey,je confirme, ai essayé d'écouter mais ne suis pas arrivé au bout, totalement bidon et commercial, pourtant comme tu le dis, il y avait quelque chose...D'un autre coté il marche bien, mais un moment il faut choisir entre l'art et le commerce...Vaste sujet car on ne peut pas blâmer non plus une artiste qui a ramé de vendre...

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  3. Amusant ce pseudo ! Si vous avez la réponse, faite le moi savoir.
    "Un univers très sombre et mélodieux" dite vous... C'est on ne peut plus vrai. Et bien plus encore. Une oeuvre qui mérite que l'on s'y attarde en tout cas.

    Rockin: Lana avait-elle vraiment ramée auparavant ? Je ne le crois pas. D'autant que j'ai lu qu'elle était apparemment la fille d'une famille richissime. Un caprice (de Star) avant l'heure ? Quel gâchi en tout cas !

    Le Chaméléon.

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  4. J'aime pas ce disque. S.Wilson sort trop d'albums et ceux ci sont de plus en plus inégaux.
    Par contre le disque que son collègue de Porcupine Tree, Richard Barbieri, a sorti avec le Marillion Steve Hogart est excellent

    Christian S

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  5. Je partage tout à fait ton point de vue quant au nombre de réalisations trop importantes et rapprochées à la quelle participe Steve Wilson ces dernières années. Sa récente collaboration avec Michael Akerfeldt d'Opeth, sous le nom de Storm Corrosion, en atteste une nouvelle fois.

    Quant à l'association du chanteur de Marillion à celle du clavier de Porcupine Tree, je redoute que ce disque ne ressemble à un Marillion déguisé. Qu'en est-il ?

    Le Chaméléon

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