mercredi 19 octobre 2011

FASTWAY "Fastway" 1983 - (by Bruno)



     En 1982, Edward Allan Clarke aka Fast Eddie Clarke, commence à accuser la fatigue accumulée los des tournées éreintantes et interminables ( volume sonore ?) avec l'infernal power-trio Motörhead. A l'époque le trio ne s'arrête que pour rentrer en studio.
Enthousiasmé par son travail de producteur sur le 1er disque de Tank, « The Filth Hounds of Hades » (un disque très proche de l'univers de Motörhead), son management ainsi que Lemmy Kilminster et Phil Taylor le tannent pour qu'il produise le prochain Motörhead. Une aubaine pour Lemmy qui, s'étant disputé violemment avec leur producteur attitré Vic Maile (1), est à la recherche d'un remplaçant. Seulement, fort du succès des deux dernières réalisations du power-trio, dont le live « No Sleep 'til Hammersmith », on oblige Eddie à suivre une certaine direction musicale. Soit un speed-freak forcené qui a fait le succès de « Ace of Spades ». Plus moyen de placer un seul Blues lourd, reptilien et halluciné de la trempe des "Metropolis", "Lawman", "All The Aces", ou "Limb for Limb". Cerise sur le gâteau, le studio est pourri (le Morgan Studio à Londres). « Iron Fist » sort au forceps, et le résultat s'en ressent.

"Laisseriez-vous sortir votre soeur avec un Motörhead ?" (3)

     De plus, Eddie reproche à Lemmy de privilégier des collaborations douteuses. L'attention et le soutien qu'offre Mr. Kilminster à la plantureuse Samantha Fox (dont Lemmy collectionne les posters, comme d'autres ceux d'Hilary...), et surtout la punk-rockeuse-grand-guignolesque Wendy O. 'Williams, sont, à son avis, au détriment du groupe. Lemmy n'est d'ailleurs pas très présent pour l'élaboration de « Iron Fist ». Le bassiste ne voyant pas l'orage arrivé, insiste pour qu'Eddie produise le prochain disque solo de Wendy O'Williams. Eddie, bonne poire, accepte pour faire plaisir à son pote. Or, en pleine session de travail, il s'aperçoit que, finalement, malgré tous ses efforts il n'arrivera à rien de bon avec elle. Il trouve alors l'excuse avec l'ingé-son, Will Reid Dick, de sortir pour aller trouver de quoi se rassasier. Prétexte pour s'éclipser du studio et ne plus y remettre les pieds, plantant littéralement « 
la fabuleuse et véritable star ». Lemmy prend mal l'affaire. Grosse querelle entre Eddie, qui menace de quitter Motörhead, et les concernés qui le mettent au défi de le faire. Toutefois, ne voulant pas tout gâcher et sachant qu'ils doivent incessamment partir en tournée aux USA, il se ravise. Cependant, lors de la tournée il pète un câble. Lemmy et Phil écoutent à longueur de journée dans le bus du Plasmatics (groupe de Punk dont la chanteuse n'est autre que Wendy Orlean Williams) , et s'affichent avec tee-shirt et badges à l'effigie de ce groupe et de W.O.W. Eddie, croyant qu'ils le charrient, pique une colère noire, et quitte le groupe en pleine tournée. No regrets. Eddie ne renie rien, il a apprécié les « années Motörhead », mais souhaite passer à autre chose, ne supportant plus les « couinements de baleine ».

     Fast Eddie s'acoquine avec Pete Way, le bassiste d'U.F.O., dont le groupe était en perte de vitesse depuis le départ du Schenk. En septembre 82, dans une interview exclusif du magasine « Kerrang ! » (journal anglais consacré principalement au Hard-Rock et ses dérivés), les deux associés présentent leur projet Fastway (Fast-Way) et déclare vouloir revenir au pur Rock'n'Roll, version dure. Les premières maquettes sont enregistrées avec Topper Headon (ex-Clash) qui, au fil des séances, s'avéra limité, et manquant d'agressivité, pour le genre musical abordé. Jerry Shirley, réchappé d'un Humble Pie agonisant, est embauché. D'après Clarke himself, on ne pouvait rêver mieux pour satisfaire leur direction musicale.
Quant au chanteur, le souhait de Pete d'embaucher son pote Robin Zander (chanteur de Cheap-Trick) n'ayant pas été concrétisé, ils jettent leur dévolu sur une jeune irlandais de 20 ans : Dave King. Un jeune talent qui marche sans complexes et avec honneur, sur les contrées de Robert Plant, mais aussi en filigrane sur celles de Steve Marriott et de Janis Joplin (le groupe reprendra Move Over).

   Seulement, Pete Way disparaît purement et simplement de la circulation. En fait, il a accepté d'accompagner Ozzy Osbourne en tournée, en remplacement de Rudy Sarzo (époque Brad Gillis). 
Culotté, sachant qu'un contrat à été signé avec CBS, et que l'enregistrement du premier album doit débuter. Certainement trop honteux pour avouer sa démission, il s'est bien gardé de prévenir ses récents associés. Ces derniers se retrouvent en studio avec Eddie Kramer (2) en attendant le déserteur. Clarke dépité, se sentant trahi par celui qu'il considère comme un ami, est à deux doigts de laisser tomber le projet.

     Le musicien de studio Mickey Feat est appelé à la rescousse (Alfie Aigus sera engagé pour prendre la basse en concert). Le premier album est édité en 1983, et c'est alors une belle et bonne claque qu'il procure à tous les auditeurs.
     Conformément à la première annonce faîte par Clarke et Way, il s'agit de Rock'n'Roll pur et dur, avec parfois une petite pincée de Boogie. Rien à voir avec celui des pionniers des 50's, mais plutôt celui des ténors d'un Heavy-Rock de la première moitié des 70's, dont la musique était marquée au fer rouge d'un Blues épais et lourd. Celui d'Humble-Pie (forcément, Shirley n'a pas été recruté par hasard), du Led Zeppelin de "Physical Graffity" (première galette), du Bad Company du premier opus et de "Straight Shooter", du Savoy Brown de "Boogie Brothers", de Nazareth, avec la signature singulière de la guitare de Clarke (telle qu'elle se présente sur les albums 'Overkill » et « Bomber »).
Eddie Clarke troque sa Fender Stratocaster (customisée) pour une Gibson Les Paul afin d'obtenir un son plus rond, plein et crémeux ; enfin gras, mais pas trop (pourtant, certains soli sonnent plus Strato que Gibson).
Ainsi, avec Fastway, Clarke tourne le dos à un Heavy-Metal dont il fut pourtant l'un des artisans. Même si, au départ, Motörhead ne joue finalement qu'un Rock'n'Roll de freaks hallucinés et non pas du Heavy-Metal comme on le conçoit dans les 80's.


     Cela démarre sur les chapeaux de roues avec glissades de double-stop à la chuck Berry en intro et on envoit la sauce sur... un pur Rock'n'Roll, mode Heavy. "Easy Livin'" (qui n'a rien à voir avec le classique d'Uriah Heep, à part le tempo assez proche) annonce que Fastway n'est pas là pour rigoler. Un titre qui aurait pu figurer sur "Overkill".
"Feel Me, Touch Me" maintient la pression avec une rythmique simple mais dont l'adjonction à une trille velue hisse l'ensemble vers le haut. La batterie et la basse rockent et roulent. King surfe sur cette vague de Hard-bluesy et, sûr et fier, se montre plein de morgue  
"All I Need is your Love", par contre, est bien morne. Ni King, ni Clarke n'y sont convaincants ; seul Shirley parvient à sauver les meubles.
Une introduction folk (!) pour "Another Day". Une première pour Mr. Clarke qui n'en est cependant pas l'auteur. C'est le jeune Dave King, considéré à l'époque comme une espèce de hippie au milieu de ces hordes de nouveaux barbares, qui joue toutes les lignes de guitares acoustiques, car Eddie, d'après ses propres paroles, en est incapable.
« ...Je ne sais pas jouer de la guitare acoustique, je ne ressens rien, je n'ai de feeling pour cet instrument... alors que Dave, lui.. » . Pourtant, le "baba" de la bande a un chant bien hargneux dès lors que la guitare électrique s'impose.
"Heft" sent le souffre. Une brise venant de la terre gaste ? ou est-ce le souffle de Nodens pêchant les âmes des morts ? Ou encore un quelconque démon en goguette qui vient vous souffler à l'oreille quelques chaudes nouvelles de son pays ? L'ombre du dirigeable plane avec King qui crie sa souffrance ou son désespoir, et la batterie qui évoque la frappe lourde de John Bonham.
"We Become One" commence un peu lourdement, tel un vieux bombadier qui doit s'élancer pour prendre son envol. Une fois dans les cieux, il prend ses aises et canarde en toute quiétude, comme d'autres planteraient leurs graines et chantonnant. Un bon titre qui n'a cependant pas l'étoffe d'un single (un choix donc douteux de la part de CBS).
"Give it All You Got", du classic-rock, légèrement glam aux entournures. Mötley Crüe en fera son beurre quelques temps plus tard en sur-exploitant le genre.
"Say What You Will" est le sésame qui ouvre les portes de l'amérique au quartet. Initialement en face B, il fait pourtant un malheur sur les ondes aux USA, au point que le groupe doit tourner un clip pour une diffusion quotidienne (et plus) sur MTV. Ca pulse, c'est revigorant et tonique. De quoi donner la pêche pour la journée (et sans effets secondaires).
"You Got Me Runnin'", classic-rock encore, dans tous les sens du terme ; sympa mais dispensable, malgré un dernier mouvement qui redresse la barre.
Final sur "Give it Some Action" où Clarke lâche un des ses meilleurs soli (hélas fort court).
(de G à D) Shirley, King et Clarke

     Outre le plaisir de retrouver la guitare de Fast Eddie Clarke, libre de toutes contraintes, se baladant de riffs charnus en envolés de chorus enrobés de wah-wah crémeuse, il convient de saluer l'énorme travail de Jerry Shirley aux fûts. Rien d'ostentatoire ou d'ampoulé, Shirley sait parfaitement varier son jeu sans jamais trop en faire, en collant parfaitement à la chanson. Mieux, en l'enrichissant, en lui donnant du corps.  
Dave King, que beaucoup critique pour ses points communs avec Robert Plant, est pourtant magistral. Si son timbre évoque forcément Percy (qui lui même...), King ne cherche pas à l'imiter, il est même un peu plus mordant, et moins maniéré.
La production d'Eddie Kramer est puissante sans vriller la tête. C'est-à-dire bien dans l'esprit Hard-Rock 70's, sans que les aiguilles des "vu-mètres" ne soient bloquées dans le rouge, perdant toutes nuances. 

La suite (clic/lien) : "All Fired Up" (1984)

(1) Vic Maile (1943 - 1989) était un producteur anglais réputé pour son travail avec les Who (Live at Leeds), Man, Hawkwind, Motörhead, Dr Feelgood, The Inmates, Godfathers, Girlschool, Rock Goddess. Il avait débuté sa carrière en tant qu'ingénieur du son avec les Animals, puis avec Hendrix, Led Zeppelin et Clapton.
(2) Productieur à la réputation énorme dans les 70's et 80's, connu pour sa participation aux disques posthumes de Jimi Hendrix, ainsi que pour son travail pour Kiss, Buddy Guy, Cactus, Mayall, Joe Cocker. Ses débuts en tant qu'ingénieur du son l'amenèrent à travailler pour Hendrix, Led Zeppelin et les Stones.
(3) Question soulevée par un journaliste français qui avait accompagné le trio quelques jours, à l'époque de "Bomber".


La vidéo de "Say What You Will", que l'on pouvait encore voir il y a quelques temps, est désormais introuvable.
 

4 commentaires:

  1. Comme d'habitude, excellent commentaire, j'ai réécouté récemment Fastway et c'est indéniable, c'était un bon groupe.

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  2. Merci HRT.
    Même s'il est un peu bancal, il s'écoute néanmoins toujours avec plaisir.

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  3. Shuffle master20/10/11 20:16

    Je dois me l'offrir depuis un moment, dans la réédition BGO, couplé avec je ne sais plus lequel.

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  4. La réédition BGO couple les deux premiers Fastway. Soit l'éponyme et "All Fired Up". En fait, tout simplement les deux meilleurs (et de loin).
    "All Fired Up" est un petit cran au-dessus. Quoique... cela dépend des avis.
    Toutefois, à écouter avant de se l'offrir.

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