dimanche 3 juillet 2011

JIM MORRISON EST MORT IL Y A 40 ANS / THE DOORS "ABSOLUTELY LIVE" par Luc B.

Au DEBLOCNOT nous avons LE spécialiste des Doors, celui pour qui la SNCF a créé un abonnement sur mesure, lui permettant de faire des allers retours illimités entre son domicile breton et sa résidence secondaire parisienne, au père Lachaise (cimetière où est enterré Morrison, devenu un lieu de pélerinage). Mais cela fait un moment que le pauvre, endeuillé par la disparition de son idole, n'est plus en état d'aligner trois lignes... Entre deux sanglots, il m'a demandé de rédiger quelques mots à propos de cet album, et de son héros. Je m'en acquitte avec plaisir, et lui dédie ces quelques lignes...




JIM MORRISON (and The Doors)
8 décembre 1943 (Melbourne, Floride) - 3 juillet 1971 (Paris, France)


Pourquoi faire la distinction entre le chanteur et les autres membres du groupe ? Parce qu’on est en droit de se demander si THE DOORS auraient connu le même succès, si James Douglas Morrison n’avait pas été leur porte-voix. Ce même Morrison qui disparaissait, à Paris, il y a tout juste 40 ans, et qui nous donne l’occasion de revenir sur ce groupe mythique.

Mythique ? Absolument. Qu’on apprécie ou non la musique du quatuor de Los Angeles, ces gars-là, en 5 années d’existence et 6 albums studio, ont marqué au fer rouge la musique pop, et la fin des années soixante en particulier. Petit rappel d’une histoire célèbre (bien racontée par Oliver Stone au cinéma en 1991), qui commence en 1965 sur une plage ensoleillée de Venice, en Californie, avec la rencontre de deux étudiants en cinéma, Jim Morrison, apprenti poète à ses heures perdues, et Ray Manzarek, pianiste. Des p'tits gars bien élevés, excellents élèves, le papa de Morrison est militaire, engagé au Vietman pendant que le fiston hurle "The war is over" ! Comme 99 % des jeunes gens de l’époque, adeptes du psychédélisme, la discussion se termine par : « Tu as les textes, moi la musique, et si on montait un groupe de rock ? » (Manzarek jouait dans RICK AND THE RAVENS). Aussitôt dit, aussitôt fait, avec John Densmore à la batterie et Robbie Krieger à la guitare (venus du groupe THE RANGERS). Le groupe s’appelle THE DOORS, en référence au livre phare des 60’s THE DOORS OF PERCEPTION d’Aldous Huxley. Et la première chanson composée est, dit-on « Moonlight Drive » ce qui tombe bien, puisque qu’à ce jour, elle reste une de mes préférées. "Let's swim to the moon / let's climb through the tide / Penetrate the / evening that the / city sleeps to hide". De là, les concerts s’enchainent, notamment au Whisky à Gogo, une boite de Los Angeles, où Jim Morrison voit son homonyme Van Morrison sur scène, dont les excès et les humeurs le marqueront. On peut être un héros adulé et être un type odieux ! Morrison retiendra la leçon… Jac Holzman signera THE DOORS sur le label ELEKTRA. Donc un groupe qui entre en studio, avec déjà une bonne réputation, et SURTOUT une grande expérience de la scène. Reste à canaliser toute cette énergie sur une rondelle de vinyle. Le 4 janvier 1967 sort leur premier album, intitulé simplement THE DOORS. Cocktail énergétique garanti pur jus, gravé en trois jours, et gros succès, entre psychédélisme et garage band, avec le classique « Light My Fire » coupé à 3 minutes pour les radios, mais dont la version album contient un long chorus d’orgue.

THE DOORS, STRANGE DAYS, WAITING FOR THE SUN, THE SOFT PARADE, MORRISON HOTEL, L.A. WOMAN.
Tous les disques des Doors sont des gros succès en terme de vente. THE SOFT PARADE, plus ambitieux, a été moins bien accueilli par la critique. C'est aussi le plus long enregistrement du groupe, 11 mois de travail. Le dernier, L.A. WOMAN, fut bouclé en 5 jours... 


Alors la musique des DOORS, c’est quoi ? Ben à vrai dire, un peu de tout… Le son des premiers albums est dans la tradition de cette seconde partie des années 60. Jim Morrison aime le blues. Il le chantera de plus en plus, et de mieux en mieux pendant sa courte carrière. John Densmore, le batteur, lorgne du côté du jazz, avec une frappe atypique, éloignée des standard rock. Il use parfois de breaks qui évoquent les bateleurs, les batteurs d’orchestre de cirque accompagnant un numéro de trapéziste. Robbie Krieger connait ses classiques bluesy aussi, mais (proximité du Mexique oblige) aime saupoudrer ses accords d’accents hispanisants, et exotiques, et un toucher jazzy aussi. Manzarek, après le départ prématuré d’un bassiste, jouera les sons de basse sur un petit clavier Rhodes, et les accompagnements ou chorus sur un orgue Vox. La signature sonore des Doors. L’influence du cinéma, du théâtre, du cabaret, des saltimbanques (voir la pochette de STRANGE  DAYS) se retrouve aussi dans leurs chansons, dans cette manière de narrer les histoires, de monter des petites pièces musicales, dramatiques, imagée (« Unknown Soldier ») Morrison aimant, sur scène jouer des personnages, mimer des scénettes. Et le groupe enregistrera d’ailleurs « Alabama Song » directement inspirée d’une chanson de Kurt Weil, compositeur allemand d’opéra.



La musique des DOORS se trouve dans cette alchimie, ces diverses influences, ce son bien particulier, et bien sûr, dans l’énergie rock. Et ABSOLUTELY LIVE est le bon exemple. Ces mecs-là, ils envoyaient ! C’était sauvage, y’avait de la sueur. Les concerts étaient un défouloir pour les musiciens (et le public) Morrison improvisant, et les autres épousant les délires du chanteur. Il y a un aspect très jazz dans cette démarche, le chanteur étant un soliste à part entière. THE DOORS comblent de joie les amateurs de rock, mais aussi les étudiants intello, avec moultes références poétiques et littéraires, ainsi que politique par l’aspect anarchique des prestations, les discours et poses provocatrices, et autres élucubrations de leur leader (dues aussi, il est vrai au fait qu’il était chargé comme une mule !). Il y a surtout une connexion directe avec la jeunesse, des propos un peu fumeux parfois, qui semblaient trouver preneurs, dont le fameux « We want the world, and we want it, now ! ». Les Doors ont influencé la future scène punk de Detroy (MC5, Stooges), par leur façon d’être, de se présenter au public, de redéfinir la définition de concert de rock.

Mais bon, et là messieurs dames, je requiers toute votre attention, car la phrase qui va suivre est dans le genre sentence définitive qui appelle silence et réflexion : Y’a pas de bon Rock’n’Roll si il n’y a pas de bonnes chansons.



(silence... et réflexion... alors, impressionnant, non ?)



Parce que même si chez les DOORS on ne trouve pas d’individualité comme Keith Moon, Jimmy Page ou Jon Lord (c’est vrai que les apprentis gratteux, après « Jeux interdits » se coltinent plus volontiers « Seen I’Ve Been Loving You » que « Light My Fire »), s'il n'y a pas de riffs implacables à la Keith Richard, d'arrangements harmoniques à la McCartney, ces quatre-là ont écrit une flopée de titres remarquables, et réussi à graver quelques standards rock de toute beauté. Et qui le restent, de toute beauté. Soit des blues profonds (« Cars Hiss By Wy Window », « Riders On The Storm », « Road House Blues »), des ballades jazzy mélancoliques (« The Spy », « Blue Monday », « People Are Strange ») des rock-garage (« Break On Through », « Love Me Two Times », « You Make Me real ») ou des titres avec ruptures, changement de mélodies, de tempos, comme « Soft Parade », « L’America » ou « L.A Woman ». Et puis ces morceaux-fleuve, comme c’était la mode à l’époque, des « When The Music’s Over », « Soft Parade », « The End » ou « Celebration of The Lizard »)



Il est certain que l’atout maître du groupe, est son chanteur, aussi charismatique, destructeur, séducteur, qu’Elvis 10 ans plus tôt. Morrison le comprendra vite, les producteurs aussi, et le chanteur deviendra l’attraction ultime, le type qu’il faut voir et entendre, dont il faut guetter les dérapages, les flics en coulisse, prêts à bondir à la moindre provocation de trop. Morrison, tout juste 24 piges, et déjà poivrot au dernier degré, de plus en plus shooté, ange malfaisant, capable du pire comme du meilleur (voir le triple album « Live In Boston » de 1970), donnera au public ce qu’il attend : "Ca vous dirait de voir mes organes génitaux ?" lance-t-il à Miami, en mars 1969. Qu'il l'ait fait ou pas importe peu, le problème c'est que le FBI s'empare du cas Morrison, procès, condamnation (jamais exécutée, et 40 ans plus tard Morrison a été amnistié à titre posthume par l’État de Floride!), annulation de tournée, tension avec le groupe, les trois autres ne supportant plus les élucubrations éthyliques de leur leader. Il n'est pas rare que Manzarek reprenne le chant, lorsque Morrison, trop saoul, est incapable de tenir le micro. Au moment de THE SOFT PARADE le groupe est au bord du clash (Kreiger signe pratiquement toutes les chansons). Morrison en a marre de ce cirque, et tentera d’y échapper, recadrant notamment son public de manière peu orthodoxe ("bande de cons, vous ne pigez rien"...). Pour le moment, c’est un beau gosse, tout en cuir, l’air d’être ailleurs, inaccessible, avec sa mythologie indienne, son double le Roi Lézard. Il deviendra l’icône que l’on sait en prenant sa carte de « membre des 27 » (Morrison est mort à 27 ans, comme Janis Joplin, Hendrix, Brian Jones, Kurt Cobain…), dans des circonstances qui font encore jaser aujourd’hui sur lesquelles on ne va pas s’étendre une fois de plus. Overdose : point barre. Jim Morrison se désintéressait de plus en plus de sa musique, l’écriture de poèmes, de livres, de films l’entêtait, il souhaitait être reconnu comme auteur, et non comme show-man dans un système de production qui lui semblait pourri. Caractère odieux, prise de poids, barbe de grizzly, chemise flottante, Morrison se débarrasse de sa panoplie de sex-symbol pour enfiler celle de poète-maudit, et part pour l’Europe, pour Paris, en compagnie de Pamela Courson (fiancée officielle), et retrouve entre autre Agnès Varda et Liza Blackwell. Pendant ce temps, les autres finissent le mixage de L.A. WOMAN, enregistré quasiment en live, à l'issue de séance de jam, un disque très blues, et qui est encore un gros succès avec le single "Riders on the storm".  Ce qui donnera envie à Morrison de reprendre la chanson. Il n'en aura pas eu le temps...  Souvenons-nous de lui comme d’un chanteur exceptionnel, qui en quelques mois, à l’instar d’un Elvis, ou d’un Mike Jagger, jettera les fondamentaux du profil-type du frontman de rock, dans ses intonations et ses postures. On n’en finirait pas de déceler chez les uns ou chez les autres une petite (ou grande) facette de Jim Morrison.



ABSOLUTELY LIVE (1970)

Cet album live, officiel, des DOORS reprend des prestations enregistrées en 1968/69. La tension est là dès la première plage, une annonce du speaker pour inciter le public à se calmer, se rassoir, alors que la foule scande « We want Doors ! ». Puis : « Ladies and gentlemen, The Doors ». « Hey Philadelphia, do you feel all right ? » Mythique ! Densmore lance le tempo de « Who Do You Love » de Bo Diddley , et même à trois musiciens, ça emballe sec, et ça fait du bruit ! Un meddley de titres courts (les DOORS aimait cet exercice) plus tard, on arrive sur le premier climax du concert, l’immense « When The Music's Over » (15 mn) un groove entêtant, propice aux déclarations, citations de poèmes, et au « shut-up » colériques, un final monstrueux, hurlé, déchiré par le Vox de Manzarek, martelé par Densmore. On calme le jeu avec une reprise blues de Willie Dixon, « Close To You » chanté par Manzarek, et « Universal Mind » (quel chef d’œuvre !). Suit un poème, puis le court « Dead Cats, Dead Rats » enchaîné au tube « Break On Through » sur un beat 100 % Doors. Arrive ensuite le second plat de résistance, « The Celebration Of The Lizard » une pièce d’un quart d’heure composée de 7 poèmes. A l’origine, Jim Morrison voulait l’enregistrer en studio, sur une face entière du lp WAITING FOR THE SUN, mais les autres musiciens mirent leur véto (ce qui n’arrangea pas l’ambiance). Seul « Not To Touch The Earth » sera sauvé du lot, et présente sur l’album WAITING FOR THE SUN (album qui a du être complété à la dernière minute, avec des anciennes prises). Il n’y a donc que sur scène que Morrison pouvait interpréter sa célébration, qui tient plus du théâtre d’avant-garde, de la performance comme on en verra fleurir à New York (les premiers shows de Patti Smith, grande admiratrice de Morrison). Le passage de « A Little Game » à « The Hill Dwellers » est tout de même sublime, captivant, l’ensemble est baroque, entre douceur, mélancolie et violence. C’est sur quelques vers, sans musique, que se clôt la cérémonie, ptesque dans un silence de mort, après 1h15 de déluge électrique : « Tomorrow we enter the town of my birth, I want to be ready ». Silence. Applaudissements. Le groupe revient pour un rappel, le génial « Soul Kitchen » tellement 60’s, tellement soul, tellement tout !

 


(non Rockin' on s'arrête à 6/6, je sais, je sais, moi aussi j'aurais bien mis 7... mais après Bruno voudra mettre 8 à Foghat...)


Si vous achetez cet album, préférez la version de THE DOORS IN CONCERT, sorti en 1991. Un second CD propose des titres live de 1970, dont un "Light My  Fire" d’anthologie, « Little Red Rooster » avec John Sébastian à l’harmo, « The End »… et « Close To You » qui du coup a été retiré de la set-list du premier disque, un "Moonlight drive" à pleurer, et la reprise de "Gloria" de l'autre Morrison, l'Irlandais. Titres que l'on trouvait sur ALIVE SHE CRIED. Ce double compact est à mon sens ce qu’on fait de mieux concernant THE DOORS live. Depuis, de nombreuses bandes ont été sorties, issues de concerts, en double ou triple CD. C’est la foire, les marchands du Temple, ce que Morrison voulait justement ne pas voir. Les survivants ont moins de scrupule, ou davantage d’arriérés d’impôts… A vous de voir… Je possède le triple LIVE IN BOSTON, avec deux prestations entières (classique à l’époque) qui est assez fameux, bien que quelques titres soient massacrés par un Morrison trop défoncé pour assurer le minimum syndical.


La musique des DOORS fait toujours rêver, y compris les jeunes, alors que Hendrix, CREAM, voire même les Stones n’attirent pas forcément les ados. LED ZEP et THE DOORS restent deux groupes dont l’influence est toujours d’actualité. Quand on écoute les DOORS aujourd’hui, il y a toujours un petit côté « ah oui, tu fantasmes une période que tu n’as pas connue ». Sans doute, mais ce groupe, avec son énergie, ses arrangements, ce son, représente pleinement l’esprit Rock pré-Woodstock. Il représente les idéaux hippies, qui foncent droit dans le mur, pour mourir à Altamont sous un coup de feu, ou sous les coups de couteau de la Charles Manson’s Family. THE DOORS c’est la quintessence du cocktail rock-blues-psyché-jazzy de la fin des 60’s, et la fin des illusions. Et puis surtout, surtout, surtout, c’est de la très, très, très bonne musique ! Quand on demandait à Morrison, ou Manzarek, ce que les gens devaient retenir du message des Doors, ils s'étonnaient, s'agacaient presque : Message ? Quel message ? On veut juste que les gens écoutent et apprécient notre musique. C'est fait ! Et 40 ans après, on l'écoute encore ! Et je suis à deux doigts de penser, une fois mises de côté les idôlateries diverses, qu'on l'apprécie encore plus aujourd'hui.


THE DOORS enregistré à la télévision à Copenhague, en 1968 : "When the music's over"





THE DOORS à lire :
Recueil de poésie de Jim Morrison (disponible en version bilingue) : SEIGNEURS ET NOUVELLES CREATURES, AN AMERICAN PRAYER, aux éditions Christian Bourgeois.
THE DOORS à voir :
Concert LIVE AT HOLLYWOOD BOWL (juillet 1968), en VHS, DVD... disponible aussi dans le DVD "30th anniversary", le seul concert filmé en intégralité.
THE DOORS, biopic de Oliver Stone, 1991 avec Val Kilmer
WHEN YOU'RE STRANGE, doc de Tom DiCillo, 2010, incluant des images d'un film tourné par Morrison (qui fait vroum vroum dans sa voiture en plein désert...) et beaucoup de nouvelles archives.
THE DOORS à écouter :
Tout ce qui vient d'être cité dans cette chronique ! (éviter les best-of, préférez les six disques studios, et ce live)

2 commentaires:

  1. Le Absolutely live, je l'avais, je l'ai toujours d'ailleurs en double vynil ... Je ne sais pas s'il a jamais été réédité à l'identique en Cd (au début, il manquait "break on through").
    Excellent résumé de leur carrière ...
    S'ils sont aussi populaires encore (enfin, moins que lady gaga quand même), c'est parce qu'ils étaient assez atypiques, il n'y a pas eu de vague de groupes les imitant comme ce fut le cas pour l'airplane ou le dead. D'ailleurs Holzman ne voulait pas les signer, il les détestait (avant qu'ils rapportent plein de thunes à Elektra). C'est Arthur Lee, de Love, qui à force d’insister, leur a obtenu un contrat ...

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  2. sur les fesses ! RAMONE !!!!a +

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