mercredi 25 mai 2011

WARREN HAYNES - "Man in Motion" (2011) par Bruno


Soul & Rhythm'n'Blues couleur Stax


     Deuxième album solo en 18 ans (si l'on omet le Live at Bonnaroo de 2004, à 85 % acoustique, et à 94 % seul devant 80 000 spectateurs) pour Warren Haynes, le musicien le plus occupé de la planète. Entre l'Allman Brothers Band, Grateful Dead, Phil Lesh, Gov't Mule et diverses participations, on se demande bien comment il fait pour combiner tous ses emplois du temps. Boulimique de travail et prestataire scénique insatiable, Haynes a malgré tout trouvé le temps de réaliser ce projet solo.
 

   Avec « Man in Motion », Warren fait un retour à la case de départ, à ses premiers amours, qui ne sont ni le Blues sur-électrifié des Cream, Experience et Zeppelin, ni le blues clinquant de B.B King, ni le Hard-Blues de Mountain, ni même les Beatles, mais la Soul des 60's et des 70's. Soit celle des Wilson Pickett, Otis Redding, Sam & Dave, et de l'école des studios « Muscle Shoals » et Stax. Car de l'aveu même de l'intéressé, il était chanteur avant d'être guitariste.


     Le registre rend donc à sa manière hommage à la Soul des maîtres des années 60 et 70. Loin de tout bidouillages électroniques et/ou synthétiques. On parle ici de Soul et de Rhythm'n'Blues authentiques, gardant encore des liens avec le Blues et le Gospel. Une musique organique et exaltante. Ainsi, ce « Man in Motion » respire à plein nez l'enregistrement l'analogique et live, qui laisse libre cours, dans une certaine mesure, à l'improvisation (et ainsi aux pains). C'est vivant. En conséquence, cet album a peu de prise sur le temps ; il aurait tout aussi bien pu être enregistré il y a trente ou quarante ans. Disons clairement, que ce disque à une patine qui évoque le « Deep Soul » ou le « Memphis Sound » des studios Stax, celui que l'on retrouvait sur les albums de Sam & Dave, d'Eddie Floyd, de James Carr, d'Albert King. Donc aucun rapport avec avec la « Soul-aR'enBie » actuelle.
 

   Warren a rangé sa collection de Gibson pour ne garder « que » ses ES-335. La guitare qu'il utilise généralement avec Gov't Mule lorsqu'il aborde des thèmes Blues, Soul-Blues ; un modèle qui favorise des tonalités plus mielleuse, moelleuse, un grain présentant moins d'aspérités et des fréquences moins agressives que ces consœurs de la marque de Nashville (mais il doit avoir quelques plans de LesPaul par-ci par-là). La slide et les effets « Leslie », Univibe sont oubliés ; seule demeure une Wah-wah utilisée dans la pure tradition funky, celle qui marqua de son empreinte la majorité des bandes-son des films de la Blaxploitation. Pas de solo réellement technique non plus, Warren a pris une orientation privilégiant un feeling Blues, avec souvent des licks propres à B.B. et d'Albert King, et Little Milton (qui a parfois joué avec Gov't Mule - "Deepest End" et "Mulennium") . Toutefois, certains soli se révèlent être un tantinet trop long. Par contre, sa voix paraît avoir perdu un peu de puissance (seraitt-ce l'enregistrement ou bien l'âge ?).

     Pour réaliser son projet, Warren a joué la sécurité en s'entourant de cracks, de « grands noms ». George Potter Jr à la basse. Un digne représentant de la quatre cordes groovy et infaillible qui officie depuis 1965. Fondateur des Meters, Potter a joué avec la plupart des monuments de la Louisiane, tels que Snooks Eaglin, Earl King, Willy DeVille, Dr John, Johnny Adams, mais également Robert Palmer, Tori Amos, Harry Connick Jr, Robbie Robertson, David Byrne, McCartney, Patti LaBelle (et bien d'autres encore). Ivan Neville aux claviers (des Neville Brothers, of course), et l' ex-Small-Faces et ex-Faces Ian McLagan, aux claviers pareillement ! Célèbre claviériste qui a aussi joué avec Rod Stewart, Ron Wood, Jackson Browne, Joe Cocker, Bonnie Raitt, Dylan, Springsteen, John Mayer, Izzy Stradlin, Stones, etc...
 

     Le saxophoniste Ron Holloway (ci-contre), qui avait déjà joué auparavant avec Gov't Mule pour leurs concerts consacrés au Reggae. Holloway est initialement un musicien de Jazz, qui s'est ensuite tourné vers le Rhythm'n'Blues et plus tard vers d'autres formes plus Rock. Ainsi il a joué avec des musiciens aussi divers que Dizzy Gillepsie, Gill Scott-Heron, Root Boy Slim, Susan Tedeschi, Little Feat.
La chanteuse de Folk-Blues Ruthie Foster en tant que choriste, et Raymond Weber à la batterie. Rien que du beau monde.


     L'album débute sous les meilleurs auspices avec la chanson éponyme (accords aériens de piano, wah-wah mutine, basse ronflante, nappes d'orgue, des cuivres façon « Memphis Horns ») et « River's Gonna Rise », malgré un coda s'étirant un peu. Par contre « Everyday will be... » ne décolle pas et finit par ennuyer. Heureusement, « Sick of My Shadow » avec son côté funky, les chorus Jazz-funky de saxophone, les claviers qui slaloment entre-eux, un solo de Warren entre George Benson, Eddie Hazel et John Scolfield, rayonne tel un Soleil de printemps. « Your Wildest Dreams » est un slow Rhythm'n'Blues dans la pure tradition des Otis Redding, Sam Cooke, Mighty McClain. Idéal pour le chant de Warren qui se laisse transporter par un crescendo qui finit épaulé par un saxophone transcendé. Cette pièce a le goût des productions de la 1ère moitié des 60's. Une belle réussite.
 

 « On A Real Lonely Night » hésite entre le pataud et le conventionnel. « Hattiesburg Hustle » fortement chargé d'intonation Southern-Rock bluesy aurait pu faire partie du répertoire de Gov't Mule.
« A Friend to You », Soul. « Take a Bullet » sent à plein nez Wilson Pickett. Final avec « Save Me » ; performance de Warren au chant seulement soutenu par un orgue et un piano avec une résonance donnant l'impression d'avoir été capté dans une église. Idéal pour ce Blues au parfum de Gospel (un souvenir de Warren lorsqu'il chantait à l'église ?).

     Finalement, il s'avère qu'une forte majorité des compositions soient imprégnées d'une relative morosité, et le chant de Warren, qui manque d'entrain, n'arrange pas la chose. Comme si Warren était rongé par une blessure profonde qui l'empêchait de totalement s'extérioriser. « A Friend to You », à mon sens, aurait été porté plus haut avec un chant fougueux, plein d'entrain. Certes, l'album est bon, mais il manque un petit quelque chose, un petit plus. Un petit peu de fantaisie, un peu plus d'explosion de bonne humeur, quelques compositions plus épicées ou plus chaleureuses qui auraient revaloriser l'ensemble. Même pas un coup de colère, ou d'emportement véhiculer par la transe d'une rythmique soutenue. Même si certaines interventions du saxophone de Holloway ou les chassées croisés des deux claviéristes enrichissent notablement l'album, ils ne suffisent pas à extirper complètement la chanson engluée dans un état de tristesse latente. « Sick of my shadows » étant l'exception. Malgré quelques sursauts, à aucun moment l'auditeur n'est transcendé, emporté comme il peut l'être par des chansons phares telles qui en ponctuaient les albums des mentors de la Soul ou du Rhythm'n'Blues mentionnées plus haut. Pourtant, même les disques les « plus dark » de Gov't Mule possèdent un moment d'euphorie réparatrice ; ce qui fait donc défaut ici. Peut-être aurait-il fallu mixée la basse de Porter plus en avant.

     « Man in Motion » est un bon album, sincère et de qualité, qui intéressera toujours les aficionados du monsieur. Toutefois, il y a de fortes chances que les amateurs de Soul authentique ne soient pas vraiment convaincus. Pas certains non plus que ceux de la Mule ou des Allman ne le soient non plus, du moins totalement.

     Warren a voulu se faire plaisir, sans chercher à briller de mille feux. A souligner que toutes les chansons sont des compositions originales ; il n'y a aucune reprise, alors qu'habituellement ce genre d'exercice en regorge.

  1. Man in Motion 7:52
  2. River's Gonna Rise 6:51
  3. Everyday Will Be Like A Holiday 5:29
  4. Sick of My Shadow 6:57
  5. Your Wildest Dreams 7:19
  6. On a Real Lonely Night 7:38
  7. Hattiesburg Hustle 6:33
  8. A Friend to You 5:44
  9. Take a Bullet 5:25
  10. Save Me 6:15







11 commentaires:

  1. Shuffle master25/5/11 13:28

    J'ai retenu "relative morosité" et "manque d'entrain", qui sous une forme euphémistique qui honore l'auteur, caractérisent parfaitement les productions du boulimique.

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  2. 13h38 : tu en as mis du temps à réagir Shuffle, je te supposais plus prompt, vu le sujet de Bruno !

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  3. J'ai tendu la perche, et j'étais certain que Shuffle allait la saisir. Mais c'est un fait, il manque de l'entrain qui aurait pu élever ce disque vers des cieux plus hauts.
    Mais que l'on ne s'y trompe pas, j'adore Warren, avec ses qualités et ses défauts, mais c'est indéniable, il pêche bien souvent par un manque de jovialité.

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  4. - L'est pas gros... il est enveloppé.
    Ceci dit, BBP, question solo, Warren Haynes a privilégié les phrasés relativement simple.
    Il se lâche bien plus avec Gov't Mule.

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  5. EXCELLENT comme d'hab!! RAMONE

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  6. Bien qu'étant un inconditionnel des Allman et de Gov't, (tu t'en es aperçu!)je trouve ce "Man in Motion" remarquable. Mais voilà on trouve Warren Haynes là ou on ne l'attendait pas forcément, du côté de la soul-music.
    Par contre un qui me semble quelque peu morose, c'est notre ami SM! on l'a connu plus vindicatif
    au sujet de WH!qu'est donc devenue sa mauvaise fois légendaire!

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  7. Personnellement, pas si étonné que ça, dans le sens où ce genre transparaît sur certaines compositions de la Mule, et même des Allman Bros. Le titre "Soulshine" en est certainement le meilleur exemple. Mais effectivement par contre un album dédié à ce style, oui peut être.

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  8. Ha, Shuffle en a déjà tellement écrit sur son guitariste-chanteur préféré qu'il a peut-être cru bon de ne pas en rajouter... ou bien il a prit sur lui, fait preuve de self-control et de courtoisie.

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  9. hervé J1/6/11 20:31

    "Le musicien le plus occupé de la planète". C'est pour ça qu'il a jamais eu le temps d'apprendre à jouer? Non, je plaisante! quoique?

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  10. Ha ? Un prétendant à la succession de S.M. ?

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