mardi 28 décembre 2010

LE LONG DE LA GOLF CLAIRE. Hommage, par Luc B.



La Golf de Rockin'Jl, en soins intensifs.


A sa naissance, une Golf 1.9 est rouge (on la voit dans sa couveuse, à 2 jours) avant d'évoluer vers sa couleur définitive à l'adolescence, vers 1200 ou 1500 km. Vous noterez l'absence de rétroviseur à ce stade du développement.

Née en 1978 dans une usine près de Düsseldorf, elle était arrivée en France l’année suivante, passant une large partie de son enfance sur le parking de la concession Letrouduc, près de Vannes. Les premières années ne furent pas un exemple de stabilité, puisqu’elle passa entre les mains de différentes familles d’accueil jusqu’au milieu des années 80, parfois affublée de pare-soleil autocollant "FC Quimper". Déjà, certaines de ses collègues montraient des signes de moquerie envers elle, parce que ses vitres ne descendaient pas automatiquement, où parce que son moteur diesel sentait fort, et au démarrage donnait l’impression d’un lâché de pets malodorants. Mais il était écrit, quelque part dans sa notice d’utilisation, qu’un jour elle trouverait la famille idéale. Ce fut le cas. Dès 1986, monsieur et madame Rockin’ la prirent dans leur garage chauffé, firent disparaître quelques traces de rouilles, et pour Noël 1987, elle se vit offrir un lecteur K7 avec quatre enceintes stéréo, pour de folles équipées à travers les rias bretons au son de la Strat’ magique de Rory Gallagher. Vingt années de bons et loyaux services, vingt années de bonheur, vingt années de repas arrosés d'huile de synthèse 5-30 Elf première pression. Un parcours marqué par des étapes exotiques au quatre coins du monde, mais aussi, marqué par quelques inquiétudes, comme ces trois jours passés au garage LeGuilvinel pour un changement de courroie d’alimentation. Tout c’était finalement bien passé.


La Golf, vers 2500 km. La teinte devient franchement verte mais virera au bleu pétrole au contact de l'air iodé de Bretagne. On note qu'à cet âge les retroviseurs ont poussé, et que les phares n'ont plus cet aspect poupin et rond des premiers jours.



Ces dernières années, les démarrages en côte lui semblaient plus difficiles, les créneaux arrières plus délicats à négocier, les températures négatives lui givraient le pare brise, lui gelaient les plaquettes de freins, elle toussotait davantage… Pourtant, en 2009, chargée de m'sieur Rockin’ et de deux passagers, (dont votre narrateur) elle accepta de faire la route jusqu’aux Vieilles Charrues, faisant fi des embouteillages et des pluies diluviennes, et resta sans broncher dans un champ boueux jusqu’aux petites heures de l’aube, redémarrant au premier tour de clé, et ramenant ses passagers à bon port.

Elle restait de plus en plus devant l’allée du garage, ne sortant que pour une course rapide à la boulangerie. Il aurait été trop dangereux de lui faire prendre la nationale, ses reflexes s’amenuisant avec le temps, et ses capacités d’accélération diminuant, elle ne doublait presque plus. En décembre 2010, une vague de neige s’abattît sur la région. Madame Rockin’ lui demanda un dernier effort, pour l’emmener travailler. D’un double clignement de phare, elle dit oui. Mais elle savait au fond de son carburateur, que c’était sans doute son dernier voyage. Il faisait -10°C, le bitume était recouvert d'une épaisse couche de glace, le brouillard dressait un mur blanc devant ses phares. Reflexes usés, coup de volant malheureux, et ce fut la glissade vers le fossé. Pas de blessé.

Remorquée rapidement vers le garage Ker-Aven, les meilleurs experts furent acheminés à son chevet. Mais le pronostic vital était engagé : enfoncement de la caisse. Irréparable.


Sur ce cliché transmis par l'institut médico-légal de Plou-Kergaol, on distingue l'usure du tube floïdal qui relie le claquemuche de transmission à la mouflette de calbeuse. Le rotor conique à injection et la vrillette arrière sont également touchés, ainsi que le turbo-gril à double détente. La sortie de route était inévitable. "Si cela n'avait été cette fois-là, c'eût été la fois suivante" précise dans son rapport le professeur Harry McGuffin, détâché du service expertise de la Nasa.


RIP la Golf, RIP vieille branche…
J’ai moi-même posé mes fesses sur ton siège avant. J’en garde un souvenir indélébile (une tâche de graisse sur le froc qui ne part pas malgré dix flacons de K2R…).

Vos messages de soutien à notre ami Rockin'Jl seront les bienvenus...

6 commentaires:

  1. Pourrais-je récupérer mes bouteilles de Westmalle consignées à 0,10 €, il doit y en avoir une bonne vingtaine dans le coffre de la Golf(une soirée avec Rockin jl) ?????

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  2. merci Luc, trés ému, mais figure toi que tel le Phoenix (de Wishbone Ash)elle va ressuciter! En effet, un bricoleur l'a récupéré et va essayer de lui donner une seconde vie..
    @Philou: c'était à toi les bières? mince , elles ont toutes été pétées dans le choc, desolé..

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  3. Un billet automobile écrit par Luc B. j'aurais décidément tout lu ! A quand des piges pour Auto Plus ?

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  4. J'ai craint le pire... joli texte, mais comme Elodie, yep, on aura décidément tout lu. Et les loulous, si l'on ne se recontacte pas d'ici là, passez un bon réveillon... Tsoin, tsoin...
    Amitiés, Freddyjazz

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  5. toutes mes pensées sont pour sa petite remorque qui se retrouve bien seule , en attendant une nouvelle et jeune compagne de route...!!!
    jojobus

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  6. Alors là mon p'tit gars BRAVO! pour ce vibrant hommage, à mourir de rire! N'entravant rien à la mécanique, je vais me documenter un peu plus des fois que j'aurais des ennuis, car les petites routes du Lot sont nettement plus dangereuses que celles du Finistère! J'ai cherché en vain sur le moteur de mon véhicule "le claquemuche de transmission et la mouflette de calbeuse" et je cherche encore! J'ai de ces lacunes!
    Parmi les comm "culturels" ce genre de texte est absolument réjouissant! Donc encore bravo et Bloavezh mat à tous.

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