Oh !? Mais que voilà une belle pochette bien pourrie, vraisemblablement élaborée par une IA dans laquelle on a jeté à la hâte et négligemment les mots clés suivants : voyage, hôtel, bagnoles américaines, vie nocturne et années 80. Un gruau de mots qui a donné une belle bouse, qu'on n'a même pas pris la peine d'essayer - un tant soit peu - d'améliorer, because si c'est l'IA qui pond ça, c'est que c'est forcément bien (pourtant, le concepteur a prouvé qu'il pouvait faire bien mieux, notamment pour UFO). Pour finir le tableau, il suffit de remarquer que derrière ça se loge un duo d'anciennes têtes connues du heavy-rock, qui ont largement passé l'âge de la retraite, et d'un troisième gars plus très frais (toutefois, presqu'un gamin en comparaison), pour se désintéresser définitivement de la galette. On n'oserait même pas y prêter une discrète esgourde. Surtout que cette année a son lot de disques de "poids lourds", poussés par une promo prématurée et encensés par la presse, qui se sont avérés plus ou moins décevants.
Bref, sans l'article élogieux de monsieur Hugo Spanky (👉 lien ), ce premier album solo du septuagénaire n'aurait même pas fait l'objet d'une écoute sur le net. Et pourtant, si cet album est loin de révolutionner quoi que ce soit, il n'en demeure pas moins une bonne surprise. Aurait-il donc fallu que Phil Mogg, tout de même 76 ans au compteur, lâche son vieux vaisseau non identifié, maintes fois customisé, - et pas nécessairement pour le mieux -, pour réaliser à nouveau un bon album ? C'est qu'il faudrait remonter jusqu'en 2006, avec "The Monkey Puzzle", pour avoir droit à un belle image de l'UFO. Certains remonteront plutôt à "Walk on Water", marquant le retour de Michael Schenker, quand pour d'autres, pour les plus radicaux, l'UFO n'est plus que l'ombre de lui-même depuis le milieu des années 80.
Mais qu'est-ce qui a pris ce vieux baroudeur au long cours ? Pourquoi prendre le risque de repartir (presque) à zéro ? Estime t-il que l'UFO ayant accumulé trop de déceptions, de coups durs, il devait être définitivement sabordé, et repartir avec un nouvel engin ? L'espace exploré avec cette nouvelle entité reste pourtant quasiment le même.
Le vieux capitaine avait déjà annoncé en 2019, que ce serait le dernier vol de l'UFO. Une longue tournée d'adieux tristement entachée par le décès du vieux compagnon de route, Paul Raymond, terrassé par une crise cardiaque. L'année suivante, il apprend le décès prématuré de Paul "Tonka" Chapman, qui fut un autre compagnon de voyage (de 1979 à 1984). Deux mois plus tard, c'est l'ancien lieutenant et ancien co-fondateur d'UFO, Pete Way, qui tire sa révérence. Et Mogg lui-même a senti le souffle fétide de la faucheuse lorsqu'il fait une crise cardiaque en août 2022. Il était probablement temps d'arrêter...
Cependant, pour les artistes, la retraite n'est généralement qu'une étape passagère, un repos mérité avant de reprendre plus sereinement la route, plus tranquillement et sans le poids de la pression commerciale. Difficile de se contenter des choses simples de la vie, lorsqu'on a goûté à l'ivresse que procurent l'enthousiasme et l'ovation du public. Certains avanceront que c'est plutôt le besoin de renflouer des caisses rapidement vidées par un train de vie onéreux (ou par une piètre gestion des biens), qui force à reprendre du service - ce qui se révèle parfois être le cas. D'ailleurs, en aparté, d'après Michael Schenker - qui semble être une sacrée mauvaise langue, alors que son ego, lui, ne désenfle pas -, Phil Mogg l'avait quasiment supplié de remonter UFO avec lui. Le pauvre Mogg, au bord des larmes, lui aurait dit qu'il était ruiné et que ne sachant rien faire d'autre que de la musique, il était dans la panade (pour ne pas dire autre chose). Ce serait donc par générosité que Schenker aurait consenti à relancer l'UFO. A la même période, le petit Michael était au creux de la vague (et même sous la dite vague), ses albums n'ayant plus vraiment la faveur du public, et ses maigres productions récentes encore moins... Tout ça pour dire que les propos de Michael Schenker sont à prendre avec des pincettes. A ce titre, depuis quelques années, son frère Rudolf est le sujet de reproches acrimonieux. Comme quoi son frère, Rudolf, l'aurait copieusement copié jusqu'à reprendre sa guitare et le look de celle-ci. Rudolf, encore, serait un tyran pouvant s'avérer violent (ce qu'aucun membre actuel ou passé n'a jamais dit ou ressenti à son encontre). Scorpions l'aurait aussi spolié, ne mentionnant pas son implication dans la composition. Par contre, il tait les fois où son aîné s'est investi pour essayer de le sortir de ses addictions (las, après maintes infructueuses tentatives, il finit par lâcher l'affaire) et pour payer ses dettes (y-compris de studio)...
Enfin, bref, ce nouveau projet est certainement le moyen de reprendre la route sans le poids considérable d'un vieil UFO plus aussi rutilant ; d'autant que les membres d'origine disponibles se font rares.
Pour ce "périple inter-motels", Phil a convié le multi-instrumentiste Neil Carter, qui, après l'essai avec Wild Horses, avait déjà rejoint l'UFO en 1981 pour trois années consécutives. Il est appelé à la rescousse en 2019, en remplacement de Paul Raymond. Ainsi que le bassiste Tony Newton (également producteur de l'album), qui s'est déjà illustré au sein de Voodoo Six et de KK's Priest, que Phil a connu lorsqu'il ouvrait pour UFO avec Dirty Deeds. Pour tenter de rajeunir la moyenne d'âge, Newton a embarqué à sa suite deux anciens collaborateurs de Voodoo Six : le batteur Joe Lazarus et le guitariste Tommy Gentry.
Alors, bien sûr, l'album ne fait pas dans l'extravagance, à l'exception du court interlude "Harry's Place", où Carter nous montre ses talents à la flûte traversière (dommage qu'il ne renouvelle pas l'expérience), œuvrant dans un solide heavy-rock - qu'on peut tout aussi bien nommer classic-rock ou hard-rock old school -, assez ramassé, porté par des guitares certes saturées, mais non pesantes et encore moins stridentes. Une douce saturation typique d'humbucker caressé par de la disto assez épaisse et veloutée. Ce qui se marie bien avec la voix de Mogg, forcément plus patinée et graisseuse qu'auparavant. Car si Mogg a toujours préservé sa voix en évitant de monter dans les notes aigües et en évitant les hurlements d'électrocutés, l'horloge du temps a posé un lourd voile sur ses cordes vocales.
Ainsi, parfois, sa voix semble faiblir, au bord de l'essoufflement. Néanmoins, cette petite défaillance est utilisée avec élégance, pour un cachet quelque peu bluesy. Elle crée aussi un beau contraste lorsqu'elle est couplée ou secondée par la voie claire et puissante de la choriste "rock'n'roll", Zoe Delvin Love. Une pointe de féminité opportune - dans ce monde de brutes 😁 - et rafraichissante. Le meilleur exemple est l'euphorisant sans doute "Sunny Side of Heaven", où Zoe serait presque à armes égales avec Mogg ; ce qui fait un peu regretter que la damoiselle ne soit pas plus sollicitée.
Tandis que Neil Carter - lui qui dut longtemps rester dans l'ombre de Paul Chapman et de Gary Moore -, se révèle être un soliste assez expressif. Certes, il évite soigneusement de tomber dans les plans véloces et autres dérapages du manche qui avaient permis à l'Irlandais balafré de briller, laissant pour cela la place au jeune Tommy Gentry - ce dernier apportant une touche de modernité, plus métôl. Carter, lui, se singularise en donnant à ses soli force et caractère avec peu de notes. Accommodant ses chorus de savoureux plans de double-stops massue et de bend en mode Carterpillar sans se départir d'un certain lyrisme. Ce n'est pas sans raison si ce filiforme blondinet (oui, aujourd'hui, se serait plutôt du blanc décati 😄) est resté pendant près de vingt ans un accompagnateur de marque que s'arrachaient les poids lourds du heavy-rock - son égale aisance aux claviers ne faisant que renforcer l'intérêt qu'on lui portait.
Dans l'ensemble, et bien que les chansons soient écrites avec l'aide de Newton ou Carter - ou les deux -, le quintet navigue dans des espaces où les couleurs propres à l'UFO d'antan ressurgissent de part et d'autre. Et plus particulièrement celles de l'OVNI de l'après Schenker. La période ayant pour membres d'équipages donc Paul Chapman et, surtout, celle avec un certain Neil Carter. Neil qui monte une première fois à bord de l'engin et qui participe activement aux compositions - à partir de "Mechanix" -. Cependant, la tonalité est plus en phase avec les normes actuelles, en étant simplement plus musclée, "bodybuildée".
P.S. : Bien que généralement présenté comme l'album solo de mister Phil Mogg, il semblerait que cela soit plus l'album d'un collectif, tant Neil Carter et plus encore Tony Newton sont impliqués.
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