jeudi 11 septembre 2025

L'ART DE DEVENIR MUSICOLOGUE AMATEUR… POUR LES NULS 😅 – par Claude Toon



À paraître dans toutes les librairies et les sites de vente mi-décembre 2025. Un beau cadeau de Noël !!!


- Waouh Claude, on l'a si longtemps attendu le bréviaire du critique ou plutôt chroniqueur musical des disques classique… Enfin le voilà qui arrive en librairie !!!

- Et oui Sonia, une suggestion de Nema et de Maggy Toon réunies s'interrogeant sur le thème "mais où va-t-il écouter et dénicher tous ces compositeurs aux noms et œuvres zarbis ?"

- Il faut bien admettre Claude, que Mozart et la petite Musique de Nuit nous a été proposée au collège mais Hendrik Andriessen ou Norbert Burgmüller, très franchement… leurs patronymes me donnent des migraines alphabétiques… le pompon étant Ignacy Feliks Dobrzynski.

- Oui mais tu vois, depuis quatorze ans que tu travailles au blog, tu te rappelles de leurs noms barbares… et parfois tu me donnes des idées de billets après l'écoute au fil du temps des vidéos YouTube qui te plaisent sans savoir pourquoi… Musique sympa, un point c'est tout... et découverte d'un compositeur qui erre dans les limbes de l'histoire...

- Tu veux dire que comme on affirme "c'est l'occasion qui fait le larron", ici, "c'est le coup de foudre pour une mélodie qui motive le mélomane…".

- Oui, pas bête, et ajoutons "c'est le plaisir de l'écriture qui fait le chroniqueur…" Et pour les potes rédacteurs dans les autres styles, je pense qu'il en est de même…


Naissance d'une passion musicale


1er LP haut de gamme pour Noël 1967

Sonia et les copines s'interrogent souvent sur ma méthode pour dénicher des compositeurs inconnus. Eh bien, spontanément, ils viennent à ma rencontre 😊. J'ai été contaminé dans les années 60 par la passion pour la musique classique, me détournant peu à peu des yéyés comme Adamo ou Françoise Hardy, mais pas des chanteurs dits "à texte" (Brassens, Ferrat, Ferré…). J'ai renforcé au fil du temps ma capacité à mémoriser et à ressentir la quintessence expressive d'œuvres longues et parfois complexes par : la lecture des explications sur les pochettes et de livres consacrés aux "grands" compositeurs (Beethoven, Schubert, Mozart de B. et J. Massin par exemple), ou bien l'écoute d'émissions comme la tribune des critiques de disque.

Tous les musiciens de génie fréquentaient d'autres compositeurs, appelés gentiment "petits maîtres", tous amis, élèves ou professeurs dont les noms ne faisaient pas la une des radios. N'oublions pas la presse spécialisée comme Harmonie devenu de nos jours Diapason. Je subodore que mes petits camarades du blog pratiquent de même dans leurs disciplines, rock, cinéma, littérature, etc. 

Et puis advint le net et le web, les sites étant pour la plupart des blogs similaires au Deblocnot (musicologie.org par exemple aux articles d'initiation très synthétiques), ils m'ont permis de faire connaissance de listes sans fin de compositeurs sauvés du néant discographique. Des listes avec parfois des centaines de noms* (Clic). Et puis pour mes billets, pas de baratin sans musique !! YouTube justifiant la rédaction et proposant des vidéos nouvelles par le principe "vous avez aimez ceci, vous pourriez aimer cela


Dédicacé par Jean Massin en 1978
Lors d'un repas avec
cet homme cultivé et modeste.

(*) Et encore dans ce cas il s'agit du lien vers la liste des compositeurs de l'âge classique (soit une période limitée au second demi-siècle des Lumières). Seuls figurent ceux qui ont l'honneur d'une biographie plus ou moins détaillée dans l'encyclopédie en ligne Wikipédia. Aller, tirage au sort : Tommaso Traetta, il y a un Stabat Mater sur YouTube… Bof ! À écouter en bouquinant, pour une chronique, on verra courant 2078 😊.

Mais tout n'est pas si simple. Une écoute peut s'avérer subjectivement décevante ou, inversement, surprenante voire passionnante. J'ignore comment juger et donc promouvoir des musiques qui me laissent indifférent ou ressemblent, en moins élaborées à des ouvrages déjà commentés de grands ou petits maîtres. Les "éliminés" me pardonneront j'espère. Ils repartent avec la boîte de jeux "Le Deblocnot en 106 questions". Cette dernière facétie en date suggère que je n'utilise jamais la méthode dite du copier-coller, sauf exception, et dans ce cas en citant mes sources et en changeant de police de caractères.

Écrire un texte original est un plaisir irrésistible, fruit de recherches, d'écoutes analytiques et de réflexions personnelles. Et surtout quelques blagues ou anecdotes piquantes sont les clés pour s'affranchir de rédiger un manuel académique et scolaire de plus et, par ailleurs, répondre à la malice caractérisant le style de votre blog adoré… 😊. Malice et humour, qui en 2011 me conduisit à candidater pour la rubrique classique et plus si affinité. Premier article "Passe ton Bach d'abord" (modifié depuis en "Art de la Fugue", le titre initial trahissant à ce point le du sujet abordé par une boutade à deux balles n'a guère d'intérêt).

- Tu utilises souvent les partitions, c'est indispensable ?

- Non pas vraiment et encore faut-il que ladite partition soit disponible sur le site IMSLP qui en propose des centaines de milliers… Les partitions d'œuvres de compositeurs surgis de l'oubli sont rarement éditées, de même que celles d'ouvrages contemporains. Suivre les portées des œuvres au solfège classique permet d'assurer le minutage, surtout pour les variations, un dada de Schubert. Compulser les 500 pages d'un opéra de Wagner comme Parsifal reste du domaine des professionnels… Quand aux langages modernistes (Ligeti) Oh mon Dieu !

- Il se présente comment ton petit livre Claude ? J'ai feuilleté la maquette, tu appuies tes conseils rédactionnels à partir du travail dans le blog.

- Succinctement Sonia :


Partager une passion musicale

Ce petit ouvrage de la populaire collection "Pour les nuls" répertorie des conseils donnés aux chroniqueurs (mot préférable à critiques). Il suggère diverses orientations rédactionnelles, rien de didactique. Suivant les époques, le plan narratif évoluera. Mes lecteurs retrouveront l'enchaînement des parties spécifiées à la création du blog. Nota : L'échange avec Sonia permet de présenter les mots clés de l'article. Par définition, il est spécifique au Deblocnot. J'ai souhaité proposer non pas une norme ou des règles mais plutôt une foire aux idées…


Dans un billet, je préconise que la première partie situe le contexte historique lors de la composition. Le compositeur sera sous contrat avec un mécène ou un prince de la noblesse ou de l'épiscopat à l'époque baroque et classique. Situation qui impose le but sacré ou divertissant du travail commandé. Avec Mozart adulte et Beethoven l'indépendant, le compositeur doit enseigner et toucher des cachets pour survivre, parfois avec difficulté. La renommée sera au rendez-vous ou pas, d'où les chroniques sur des "petits maîtres" redécouverts lors de recherches dans les fonds de bibliothèques par les historiens… Chapitre plus ou moins court suivant les éléments disponibles dans la bibliographie mais utile pour apprécier le climat poétique, émotionnel ou spirituel lors de l'écoute.

Pour la musique contemporaine, les conflits, les régimes libéraux ou totalitaires influent sur l'objectif expressif des œuvres. Le compositeur devient philosophe (R. Strauss), militant et opposant (Chostakovitch), illustrateur musical de drames théatraux (Verdi) ou d'art pictural (Hindemith  – Respighi) – quelques exemples au hasard.

La seconde partie précise la nature de la composition, expose des règles compositionnelles qui structurent l'ouvrage. Il peut être technique, donc de lecture dispensable. Son rôle est d'habituer le mélomane débutant à étudier la logique de construction, repérer les thèmes, motifs, variations, etc.

L'analyse avec son minutage sert de guide. Je la conçois comme un "GPS" pour distinguer plus aisément les sections musicales, surtout dans les grandes partitions complexes, je pense aux symphonies de Mahler qui ont donné lieu aux articles les plus détaillés, en concurrence avec les opéras. Ce dernier chapitre peut lui aussi être négligé par le lecteur pour se lancer directement et spontanément dans l'écoute…

Certains ouvrages ou personnalités permettent de s'évader dans des digressions à propos de l'évolution de l'art musical, de l'apparition de nouveaux instruments (du clavecin au piano moderne, le cheminement technologique du phonographe à la HIFI stéréo raconté récemment ; les débuts de la musique électroacoustique avant-guerre en compagnie d'Edgar Varèse.)


- Tu illustres ce chapitre de couverture d'ouvrages consacrés à Chostakovitch et sa symphonie "Leningrad". Il me semble que tu as bossé durement sur cette chronique monumentale…

Sonia mentionne une chronique sur la symphonie de 1H20 du compositeur russe. Longtemps, elle est apparue comme une œuvre boursouflée, braillarde aux accents patriotiques grotesques !!! Or il n'en est rien, la chronique rétablit la réalité bien plus subtile de ses intentions.

 

Leningrad subira un effroyable siège par les nazis. 900 jours. On diffuse à la radio une symphonie à l'orchestration titanesque et au discours qui ne l'est pas moins pour stimuler la résistance contre l'envahisseur (un million de morts paieront le prix des combats et de la famine). On comprendra l'importance de résumer cette bataille sans merci entre soldats hitlériens et staliniens. Elle bouleverse le compositeur humaniste plongé au sein de la terreur folle due à la rivalité entre les dictateurs. Ainsi expliquées sous l'angle d'une partition puissante mais somme toute peu démonstrative, les marches militaires, mécaniques ou supposées triomphales paraissent moins patriotiques que sarcastiques envers cette folie sanglante. Le mouvement lent n'est plus un requiem pour les victimes mais un thrène d'une tristesse infinie, un sanglot par portées interposées, dénonçant la souffrance face à la monstruosité démoniaque des deux régimes.

- Au début Claude, on pense à une musique de film de guerre et petit à petit, on est gagné par un sentiment d'effroi à lire ton texte… Je confirme… Staline était sourd et aveuglé par son orgueil, se croyait bénéficiaire d'un te deum symphonique en son honneur… La bêtise des tyrans… Ta chronique était convaincante... 

- Sonia conclut cet article. Une musique peut amuser ou témoigner au même titre qu'un documentaire, un joli tableau bucolique ou au contraire terrifiant (Les Joueurs de skat de Otto Dix) et bien entendu retraduire par l'harmonie des sons un livre qu'il soit une pièce, un témoignage historique ou simplement romanesque (décliné en livret d'opéra).

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- Dis Claude pour égayer ce billet, aurais-tu deux exemples musicaux à nous faire écouter, l'un cool qui ne nécessite aucune explication savante et, inversement, un autre plus délirante pour laquelle un petit guide à propos de sa composition évitera de penser que son auteur cherche à nous filer la migraine… hihihi…

- Amusante ton idée Sonia, je réfléchis et je reviens…

Pour commencer, encore et toujours Beethoven le poète. Le 2éme mouvement de la symphonie N°6 "Pastorale", réponse bucolique à la furieuse 5ème Pam Pam Pam Paaaaam… Strictement rien à commenter techniquement parlant. Partagez la sensualité, l'ambiance champêtre, les gazouillis des oiseaux… Que dire d'autre, juste partir en promenade avec son ou sa chéri.e.

Interprétation : Orchestre philharmonique de VienneKarl Böhm – 1971…

 

 

Ensuite, accrochez-vous, les mélomanes novices aventureux. Voici d'Edgar Varèse : Arcana, œuvre pour méga orchestre (comme Amériques commenté dans le blog). Adieu les piafs, place à la furie orchestrale ! La thématique s'appuie sur les énigmes cachées derrière l'alchimie et l’Astronomie hermétique de Paracelse. Varèse professait que la naissance de l'art provenait de l'inconscient et non de la raison… Merci ça nous aide 😊. En forme de passacaille de 18 minutes (ou poème symphonique), quelques précisions NON hermétiques s'imposeront… Une chronique à envisager, sous amphétamines… 😯


Interprétation : Orchestre du Concertgebouw d'Amsterdam – Riccardo Chailly – 1994…




Cette chronique a été rédigée sans aucun recours à l'IA ! 😜


mercredi 10 septembre 2025

GANAFOUL " Dangerous Times " (2025), by Bruno



   Actuellement, les majors font peur aux mélomanes en parlant de crise du disque, les menaçant d'une proche pénurie, et les incitant à procéder au téléchargement - moins onéreux pour le consommateur mais bien plus rentable pour les labels, et inversement pour les artistes. Parallèlement, le marché des petits labels indépendants se maintient contre vents et marées. Des boîtes de passionnés qui, plutôt que de chercher à se faire un max de tune au détriment des artistes, s'activent pour les promouvoir, leur donner une chance. La rentabilité n'est pas toujours de mise, mais qu'importe, ce n'est pas le but premier. Ce qui est capital, c'est que les gars qui passent leur porte, réussissent - un tant soit peu - à se faire entendre. 

     Certaines de ces petites boîtes parviennent parfois à gagner en (bonne) réputation, parfois jusqu'à ce que leur patronyme devienne un gage de qualité. Ainsi, de par le monde, une bonne poignée a suffisamment gagné de galons pour quasiment influencer le choix des auditeurs. Ou du moins, les inviter à prêter une "clémente" esgourde. Dans l'hexagone, il y a la petite affaire d'Eric Coubard qui, depuis des années, s'échine à sortir du placard de vieilles galettes pour les remettre sur le marché après un bon dépoussiérage. Ou encore, à se faire le passeur de groupes de l'autre bout du monde, ou de beautiful losers ignorés dans leur contrée natale, pour les faire découvrir aux mécréants européens. Et même plus, cette puisque petite boîte exporte même au Canada et aux USA.


     En 2022, Bad Reputation a eu la bonne idée de sortir du frigo l'emblématique groupe de Gisors en rééditant leurs deux premières galettes. Cela faisait des lustres qu'on attendait qu'on rende justice à Ganafoul. D'autant que les antiques "33 tours" craquent plus sûrement que des chips sous la dent, et que désormais les (bonnes) platines-vinyle sont devenues un objet de luxe.

    A ses débuts discographiques, Ganafoul se présentait sous la forme d'un trio et jouait un blues-rock particulièrement énergique et fougueux, carburant au kérosène. Du rock'n'roll bluesy sous amphétamines, faisant passer quelques dinosaures du heavy-rock d'alors pour des espèces pataudes, fatiguées, enlisées dans un bourbier. Si Lemmy et sa petite bande de barbares avaient assisté à l'un de leurs concerts, ils l'auraient certainement embarqué à leur suite pour mettre le feu aux scènes d'Albion. Ce n'est pas sans raison que "Ganafoul" signifie "comme un fou» (en argot régional). Et si on rajoute que les lascars avaient baptisé leur musique "sider rock", en référence à l'histoire sidérurgique de Givors, des fonderies et des haut-fourneaux sur lesquels se sont appuyées l'économie et la vie sociale de la ville, on commence déjà à discerner les contours d'un "rock prolétaire" et urbain, aux effluves de petit troquet, de carburateur deux-temps et de fumée âcre crachée par les hautes cheminées des fonderies. Une sorte de Rory Gallagher période 71-75 en surdose de caféine.

    Longtemps oublié, occulté par le succès relativement pérenne des Téléphone, Little Bob et Trust, au crépuscule des années 70, Ganafoul faisait tout de même partie des valeurs sûres du Rock "made in France". Même si leurs disques étaient malheureusement plus difficiles à dénicher. 

     Stupidement, l'essor du trio fut stoppé par les diktats de la musique hexagonale, qui n'a plus voulu suivre les groupes qui ne s'exprimaient pas dans la langue de Molière. Et quand le chanteur principal, Jack Bon, résigné, finit par plier, sortant en 1981 un dernier album en français, "T'as Bien Failli Crever", trahissant d'évidentes concessions – comme des paroles amères à la Trust, une orchestration et des "chœurs Téléphonés" et des intonations à la Higelin -, le public se dérobe. Pourtant, il y a de très bonnes choses, et même si Jack a toujours dit qu'il était pour lui plus naturel de chanter en anglais (essuyant parfois pour cela d'injustes critiques), simplement parce que c'est en écoutant des chanteurs anglophones qu'il a appris à poser sa voix, il s'en sort plutôt très bien - mieux même que certains alors portés aux nues. Epuisés, lassés, dépités, désillusionnés, les musiciens finissent par arrêter professionnellement la musique. 

 


   Seul Jack semble persévérer, tournant seul, en duo, en trio, en acoustique ou électrifié, là où on daigne encore ouvrir ses portes aux "douze mesures". Il temporise ses humeurs "rock", revêtant l'habit du missionnaire pour prêcher et conter le Blues dans les établissements scolaires et salles de conf'. Sortant à l'occasion de très bons albums de Blues moderne ou relativement traditionnel, généralement plébiscités par la presse spécialisée mais plus que jamais difficiles à dénicher.

     Cependant, jamais au grand jamais,  Ganafoul n'a été vraiment enterré dans le cœur des membres historiques. Et de temps à autre, dans l'ordre de l'évènementiel, le groupe remonte sur les planches. Jusqu'à la concrétisation, l'officialisation, en 2023 de la reformation. Plus de trente-cinq ans plus tard. Autant dire que les gaillards ne sont plus de prime jeunesse. Loin de là. Jack Bon allant jusqu'à afficher un fringuant soixante-dix balais, tandis qu'Yves Rothacher, batteur de Ganafoul et de Factory (et plus tard producteur), en affiche soixante-treize !

     Alors... musique de vieux ? Datée ? Que nenni. Même si Ganafoul n'est plus le cri cathartique d'une jeunesse prolétarienne désabusée, il a encore de beaux atours. Certes, c'est nettement plus maîtrisé, contrôlé qu'auparavant, le boogie corrosif a été délaissé et, forcément, la voix de Bon est un peu usée accusant les coups - une patine qui se marie plutôt bien avec la tonalité bitumeuse de l'ensemble. Désormais, Ganafoul privilégie les cadences tempérées et les soli concis, mais adopte au passage un son plus mat et ramassé. Jamais jusqu'à présent Ganafoul n'avait réalisé un disque aussi carré, dense,  percutant et graisseux. Presque un revival hard-rock'n'roll blues 70's joué par... John Williams Cummings alias Johnny Ramone ?

     Car Bon n'est plus seul. Depuis la résurrection, il est secondé par Edouard "Doudou" Gonzalez. Celui-là même qui avait fait partie de la troupe avant le premier essai, avant de rejoindre les compatriotes de Killdozer (super groupe de scène Lyonnais, auteur d'un goûteux disque de torride funk-soul-rock). Pas non plus un perdreau du jour. Deux grattes solidement soutenues par la basse vrombissante de Luc Blackstone. Touche-à-tout, qui a posé ses guêtres un peu partout en Europe et aux USA. (1)

     Il y a une fibre aussie, un patchwork de The AngelsKings of the Sun et d'AC/DC, avec ce côté direct, sans chichis, franchement organique. En mode Massey Ferguson plutôt que rouleau-compresseur.  À commencer par la percutante chanson éponyme, empruntant le profond sillon tracé par les Young brothers et leur poto Ronald Scott - avant qu'ils n'empruntent l'autoroute de l'enfer. Tout comme "What A Mess", tandis que "Let's Go Rocking" semble plus particulièrement se référer à l'époque où ils aimaient aller faire de sales coups - avec en plus, un p'tit quelque chose d'un Status Quo nonchalant, à bas régime mais plus gras, plus terreux.. Toutefois, c'est aussi bien naturellement qu'on y retrouve plus ou moins des traits de caractère du Ganafoul des 70's. La fougue incontrôlée de la jeunesse en moins, mais avec en sus la maîtrise et la retenue qu'impose l'âge (et la sagesse ?), mis en valeur par une très bonne production. Mais rien d'ostentatoire, rien de clinquant ou de "gadgétisé" par des effets de laboratoire pour "sonner" plus moderne, plus "jeune". Juste du bon son organique, ad-hoc pour électriser l'atmosphère, donner vie aux enceintes grâce à du boogie-heavy-rock bluesy sans faux-col. 


   Redoublant parfois d'énergie, les musiciens semblent parfois trépigner, chargés d'électricité. Jusqu'à insuffler à leur rock'n'roll une approche quelque peu punk, notamment avec 
"Girls Are Dancing" - au fumet d'un Billy Idol (mais sans la sophistication et les ornements de la musique de ce dernier). Ou, avec "Secret Place", jusqu'à retrouver la recette du rock incandescent et acéré, mais néanmoins mélodique, du The Angels de l'ère Doc Neeson. Tout comme "Never Look Back", bien que ce dernier évoque aussi le Ganafoul d'antan. Alors que "Get Out My Way" réveille le heavy-boogie funky de son Electric Duo (de 2010).

     Et quand la troupe ralentit la cadence, en l'occurrence sur "Living Day by Day", on penserait presque à Johnny Cash. En particulier sur les deux premiers mouvements, avant que le groupe force un peu le trait de ce hard-blues moderato. Peut-être le seul petit regret de l'album, dans le sens où on se demande si ce morceau n'aurait pas été meilleur en restant dans le ton crépusculaire et oppressé du début.

     Cet album  inespéré de Ganafoul n'a absolument rien d'un truc de vieux musicos fatigués sur le retour, plus vraiment maîtres de leur art ou de leur instrument. Si évidemment le timbre de Jack peut quelques fois légitimement trahir le poids des ans, la musique de ce Ganafoul 2025 assure plus que suffisamment pour prétendre à un nouvel essor. Pour partir à la conquête des salles, en tenant la dragée haute aux petits jeunes ; pour leur donner une vraie leçon de rock'n'roll, sans avoir besoin de gesticuler dans tous les sens comme une danseuse déjantée et de s'attifer comme un mutant de Marvel. La chanson de clôture, qui renoue avec le rock'n'roll du premier Ganafoul, "Saturday Night", est une profession de foi de monsieur Jack Bon. De cet homme qui en dépit des aléas, des difficultés, d'un pays pas spécialement connu pour être ouvert au rock, a voué sa vie à la musique. "When I was a young boy, Mama told me son - Do you know what you gonna do, my pretty little blue boy ? Do you wanna be a doctor, a criminal or a policeman ? A sinner or a preacher  ? Or a fireman ? I said no mama, I wanna be a boogie man ! A boogie man, a rock and roll singer travelling across the land... living with a guitar in my hand... I've traveled so far playing on my cheap guitar, singing on my way to school... waiting to get old to live like a rolling stone singing yeah yeah mama"

Juste avant, avec le fédérateur et hypnotique "Love Peace Rock'n'Roll", invitant à scander à l'unisson, fidèle à lui-même, à son humilité, Jack évoque, non sans humour, sa conception de la vie. Ou du moins ce qui est essentiel à son existence, ceci se résumant à trois mots et loin des conceptions du matérialisme et du consumérisme. "No, I ain't a wise man ! No teacher no preacher man ! I won't tell you what's wrong or right. I've got good stuff for you. You're gonna get high. I've got Love ! Peace ! Rock'n'roll ! Luxury girls, luxury cars, keep it all ! Gimme drums and guitars ! Without music, life is a big mistake. We're gonna play ! And make you dance"  

     Final en fanfare d'un disque bine sympathique, qui ne comporte aucun temps mort, aucun déchet, aucun remplissage. Ganafoul oublié, rejeté, moqué, et pourtant bien vivant et pertinent. Bien plus que beaucoup de groupes franchouillards ou Angliches également sur le retour, bien que plus jeunes. Jack Bon n'a jamais sorti de mauvais disque, et ce n'est pas le retour des vieux potos pour la résurrection de Ganafoul qui va contredire la règle. Au contraire.



🎶🐆
Autres articles (liens) 
💣 Electric Duo  👉 " Low Class Blues " (2010)
💣 Jack BON Slim Combo 👉  " Together Again " (2012)  👉  " Colors of Blues (Acoustic Tribute) " (2015)

mardi 9 septembre 2025

UB40 : ”Signing Off“ (1980) - par Pat Slade


J’ai déjà parlé des gars d’UB40 au travers d'un billet sur l’album ”Labour of Love II“ mais le premier qu’ils sortiront est incontournable.



Une histoire de  Chômeurs




                                                                     
Le document a remplir pour pouvoir toucher les prestations chômage se nomme le Unemployement Benefits Formulaire 40. Les frères Campbell Ali et Robin vont rechercher six musiciens. Le groupe sera composé du batteur James Brown, du bassiste Earl Falconer, Mickey Virtue au clavier et la section cuivre et percussion sera composée de Norman Hassan au trombone, Brian Travers au saxo et Térence ”Astro“ Wilson à la trompette. A l’époque le ska avait boutique sur cour, il fallait qu’ils trouvent un nouveau son. Entre le rocksteady et le ska arrivera le reggae, ils y ajouteront une touche écossaise, irlandaise et galloise et ainsi le premier groupe de reggae blanc était créé.

Ali Campbell

Après les avoir entendus dans un club, Chrissie Hynde, chanteuse et leader du groupe The Pretenders, les invitera à faire la première partie de sa tournée en 1980. Le groupe n'ayant pas les moyens de s'offrir un studio d'enregistrement, l'album fut mis en boite grâce à un magnétophone huit pistes dans un appartement au rez-de-chaussée d'une maison à Birmingham. Mais tout ne fut pas simple parce qu'il y avait un peu de résonance sur les murs, un chouias de réverbération. Le saxophone fut enregistré dans la cuisine et les percussions dans le jardin. C'est pour ça qu'on entend des oiseaux chanter sur certains morceaux ! ”Signing Off“ : un mélange de reggae et de dub, aux paroles politiquement et socialement engagées. ”Tyler“ : un reggae lent écrit à l'occasion de la mort du jeune Américain noir Gary Tyler condamné à 17 ans par un juge et un jury exclusivement blancs pour le meurtre d'un garçon blanc de 13 ans, il sera condamné à mort. A près des années de procédures judiciaires avec un dossier d'accusation vide et l'absence de l'arme du crime il sera libéré en 2016. ”King“ : un titre qui parle de Martin Luther King. Il devait être le titre principal, mais les Dj ont choisi ”Food for Thought“ car il était plus rapide, plus entraînant, plus dansant, plus radiophonique. ”12 bar“ : Très rocksteady presque raggamuffin. 

Burden of Shame“ raconte les méfaits commis au nom de l’impérialisme britannique. Les morceaux étant du reggae blanc pur et dur, certains sortent du lot par leurs sens et leurs paroles ”Food for Thought“ : personnellement je vois cette chanson comme un hymne a ma première véritable histoire d’amour, histoire de jeunesse et d’adolescence. Mais trêve de nostalgie ; Revenons à sa signification ”Food for Thought“ était une tentative de médiatiser et de condamner la famine en Afrique du Nord, la comparant à la célébration occidentale de Noël, d’ailleurs son titre provisoire devait être ”The Christmas Song“ Il sera la vitrine de l’album et un hit mondial. ”Little By Little“ : un titre qui parle de l’inégalité croissante entre les riches et les pauvres. ”Madam Medusa“ était une description vivante de l'ascension au pouvoir de Margaret Thatcher, dépeinte dans un style grotesque    

Signing Off“ : même la pochette était une provocation, une réplique de la carte jaune britannique UB40 d’allocation chômage d'où le groupe a tiré son nom, avec l'inscription ”SIGNING OFF“ (Déconnexion) en lettres capitales. C'était une déclaration du groupe annonçant sa sortie du chômage et son arrivée sur la scène musicale. L'album sera extrêmement bien accueilli et salué par les magazines musicaux britanniques lors de sa sortie. Un album (presque) parfait ? Vu le matériel qu’ils avaient pour l’enregistrer et le peu de moyens, pour un premier album je dirais que oui.

UB40, un groupe joyeux et toujours souriant sur les affiches, (Peut-on dire que quand ont fait du reggae on a un poster rieur ?) et toujours indépendant, qui a su concrétiser les promesses initiales et leur persuasion et ont livré un premier album bien ficelé.    



dimanche 7 septembre 2025

LE BEST-OF MÈNE L’ENQUÊTE.


MARDI : Pat avait une bonne excuse pour sécher, il était retenu par la lecture d’un pavé biographique consacré à ce cher Trotsky. On le retrouvera cette semaine…

MERCREDI : Bruno a écouté le dernier disque de Joanne Shaw Taylor, souvent cataloguée en blueswoman, mais qui justement dans « Black & Gold » s’aventure dans des contrées plus pop-country-rock.


JEUDI : Benjamin poursuivait son exploration du Rock Progressif, au mitan des 70’s le ton se durcit, avec Atomic Rooster, et Hawkwind, dans lequel un certain Lemmy tenait la basse…

VENDREDI : Luc était aux anges, donc à Los Angeles, pour revoir ce classique de Robert Altman, qui revisite le mythe Philip Marlowe dans « Le Privé », balade mélancolique dans les 70’s post Vietnam, numéro d’acteurs fabuleux : un classique !

👉 La semaine prochaine, on aura chez Pat le ska de UB 40, le Toon nous parlera en exclusivité de sa dernière publication La musicologie pour les nuls, avant d'être l'invité d'honneur à la Grande Librairie, Bruno a ressorti ses vieux Ganafoul, et Luc nous causera de « En boucle », un ovni japonais.