Si je devais faire un classement de mes films favoris de Luc Besson,
”Nikita“ serait premier devant ”Subway“...
Nikita, une fille avec un gros flingue
J’aime le cinéma de Luc Besson depuis
”Le dernier Combat“ mais j’ai évité la série ”Arthur et les Minimoys“. Je suivrai ses réalisations jusqu’à ”Angel-A“ et reprendrai le fil avec ”Lucy“. Je n’ai pas encore vu son ”Dracula“.
Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai regardé ”Nikita“ un film âpre, violent, parfois tendre, parfois drôle avec des
répliques et des situations qui font mouche. Autant je ne suis pas un
grand fan du ”Grand Bleu“ que j’avais trouvé bien fade, ”Nikita“ m’enthousiasmera. L’histoire, l’intrigue et surtout la distribution
des rôles. A cette époque les premières images des filmsde Besson étaient pratiquement
similaires ; dans ”Le grand Bleu“ l’image survolait l’océan, pour ”Léon“ ce sera Central Park à New-York, ”Le Cinquième Élement“ les étoiles, et pour ”Nikita“ le pavé humide d’une rue parisienne. Tout commence par une petite
bande de toxicos en manque qui braque une pharmacie. Tout finit en
fusillade avec la police et la dernière survivante, Nikita (Anne Parillaud), tuera un représentant des forces de l’ordre à bout portant. La
demoiselle a du caractère, lors de son interrogatoire par la police,
elle transpercera la main du flic (Roland Blanche) avec un crayon. Bien entendu elle est Jugée et condamnée à
perpétuité. Pour faire court, elle sera ”éliminée“ de la surface
de la planète pour devenir une espionne et une flingueuse pour les
services secrets. Celui qui croit en son potentiel est Bob (Tchéky Karyo). Il n’est pas tendre avec elle. Quand elle essaiera de s’évader en le
prenant en otage avec son flingue, il l’a désarmera facilement alors
qu’elle cherchera à se suicider mais le coup ne partira pas et lui
tirera une balle dans la jambe ! ”Règle n°1, jamais la première balle !“. Nikita est incontrôlable, avec le prof de judo elle ira jusqu’à lui
mordre l’oreille et lui mettre un grand coup de pied.
Mes scènes préférées sont celles avec Amande (Jeanne Moreau), tu y découvres un personnage qui a de la douceur et une grande
maitrise d’elle-même. Dès sa première rencontre avec Nikita elle
essayera de créer une confiance mutuelle, elle essayera d’en faire une
femme. Séquence 26 intérieur salle de maquillage. Nikita regarde
Amande et puis ses mains ”Vous avez été à ma place avant ? Amande sourit de la perspicacité de la jeune femme. Alors qu’elle
sort un tube de rouge à lèvre et le donne à Nikita, elle dira avec sa
voix bien à elle, ce qui est pour moi la plus belle réplique du
film : ”Laisse toi guider par le plaisir ; ton plaisir de femme et n’oublie
pas ; il y a deux choses qui sont sans limite, la féminité et
les moyens d’en abuser“.
Fondu enchainé. Nikita a 23 ans, pour son anniversaire Bob
l’emmène dîner dans grand restaurant (Le Train Bleu à la Gare de Lyon) et c’est à ce moment précis qu’elle comprendra pourquoi pendant
toutes ces années elle a été façonnée en tueuse. Un Desert Eagle
dans le sac à main, une ou plusieurs cibles, et voilà la fameuse
scène de la cuisine ou ça défouraille de tous les cotés. Après cet
examen de passage, elle retrouve la liberté.
Quelques jours plus tard, en faisant des emplettes au supermarché,
elle va rencontrer Marco (Jean-Hugues Anglade), un garçon avec beaucoup d’humour qui tombera dans ses bras suite à
un repas composé de raviolis en boite. Marco est le candide de
l’histoire, coincé entre une tueuse au service de l’état et celui
qu’elle lui présentera comme son oncle, Bob. Ce dernier leurs paiera
un voyage à Venise uniquement pour que Nikita y exécute un
contrat.
Sa dernière mission sera d’infiltrer l'ambassade d’un pays étranger.
Elle capturera l’ambassadeur en le droguant et utilisera un agent de son équipe comme sosie. Mais tout ne va pas se passer comme prévu et ses supérieurs vont lui
envoyer un nettoyeur. Arrive Victor (Jean Reno) un lointain cousin de “Léon” qui après avoir éliminé les gardes du corps mettra tous les
macchabés dans la baignoire et les arrosera d’acide. Mais
l’ambassadeur n’était que drogué et réagira violemment au traitement
de Victor. Victor va descendre le sosie de l’ambassadeur devenu fou,
Pour Victor :
”Y faut finir la mission“ Nikita et Victor partent pour l’ambassade après avoir pris les
photos des dossiers. Nikita se retrouve face à deux molosses qui
l’oblige à fuir. Le chef de cabinet (Jean Bouise) sort de l’ambassade pour savoir ce qui se passe avant que Victor ne
le tue. Les gardiens de l’ambassade tire sur la voiture blessant
Victor, il s’enfuit avec Nikitaen traversant un mur. La voiture s’arrête à un feu rouge et Nikita se
rend compte que le nettoyeur est mort.
Marco commençait depuis longtemps à avoir des doutes sur Nikita et il découvrira sa double vie et
la vérité. Elle est maintenant recherchée par les services secrets
pour dissimulation de secret d’ambassade. Bob ira voir Marco pour
savoir où elle se trouve, mais cette dernière est partie, il lui
donnera les microfilms. Bob : ”Elle va nous manquer hein ?“ Marco : ”Oui“ FIN
Je n’ai pas vraiment spoiler le film, si un peu me dit-on 😊. il y a
beaucoup de scènes, exactement 89 séquences, il faut le voir.
Luc Besson écrira ”Nikita“ pendant le tournage du film ”Le Grand Bleu“. Le coté sombre de l’histoire sera la disparition de
Jean Bouise qui avait beaucoup tourné
avec Besson dans ses quatre premier
films. Éviter le remake américain avec
Bridget Fonda ”Nom de code : Nina“ qui n’est qu’une pâle copie, il existe d’autre remake dont un
Canado-hongkongais ”Black Cat“, un indien ”Kartoos“, il sera aussi adapté pour la télévision. Fait assez rare, les scènes sont tournées dans l'ordre
chronologique, Besson ayant peur
que son actrice perde en route le sens de l'évolution psychologique
de Nikita qui commence punk à vingt ans et finie en couple à trente.
Éric Serra signera la musique pour
sa cinquième collaboration avec
Luc Besson. Neuf nominations au
César 1991 et seulement
Anne Parillaud obtiendra celui de
la meilleur actrice. Je possède un livre sur l’histoire de ”Nikita“ par Luc Besson lui-même, il est
agrémenté de magnifique photos, des anecdotes et le dialogues
complet scène par scène est retranscrit.
♫ ♪
Oh Nikita You will never know anything about my home,
I'll never know how good it feels to hold you
Nikita I need you so
♪♫
Elton John
P.S : Nous sommes le 31 octobre, le soir d'Halloween et je viens
d'apprendre le décès de
Tchéky Karyo à l'âge de 72 ans
MARDI :
avant
de devenir… ce qu’il est devenu, Francis Lalanne avait sorti de
très bons albums, Pat
adore
les quatre premiers, et notamment ce troisième qui aligne ballades
poétiques, nostalgiques, sur des arrangements dépouillés ou
richement ornés.
MERCREDI :des
bonbons ou un disque. Bruno a choisi, en cette période 🎃de nous présenter l’album « Phenomena » qui aurait dû
être la bande-son d'un film qu’on attend toujours… mais reste la
musique, rock-progressif FM sublimé par la voix intense de Glenn
Hughes.
JEUDI :Benjamin
nous a convié à une balade onirique, un « Voyage dans
l’histoire visuelle et musicale du rock progressif » en
compagnie des suédois de Änglagård.
VENDREDI :Luc
a vu « Springsteen
: Deliver
me from nowhere »de
Scott Cooper, centré
sur la création de l’album Nebraska, né d’une grosse déprime.
L’introspection n’évite pas un certain pathos, le
film est plus intéressant lorsqu’il montre
le processus de création.
👉👻 Une
semaine prochaine très
cinéma, même Bruno s’y met avec « Trick or Treat » de
Charlie Martin Smith,
Pat,
flingue en pogne, a revu « Nikita » de Luc Besson, et Luc
a passé son permis pour suivre Richard C. Safarian sur les
routes de « Point limit zéro ». Et la zikmu ? Le
Toon veille au grain, avec une nouvelle série sur les disques
légendaires, on entendra du Mahler.
D’un biopic sur Bruce Springsteen on aurait pu craindre une célébration testostéronée du
p’tit mec de banlieue (Freehold, New Jersey) qui accède au statut de héros national, où comment on devient le Boss en dix leçons, à coups
de reconstitution de concerts épiques. Il n’y a rien de cela dans
SPRINGSTEEN : DELIVER ME FROM NOWHERE, c’est même tout le
contraire.
Le réalisateur, scénariste, producteur Scott Cooper,
qu’on situerait plutôt comme cinéaste indépendant, à qui on doit
CRAZY HEART avec Jeff Bridges, HOSTILES et THE PALE
BLUE EYES avec Christian Bale, se concentre sur une période sombre, introspective, la conception de l’album « Nebraska »(1982). Ca commence en noir et blanc, flashback, le petit Bruce entend son paternel, éméché, monter les
marches vers sa chambre, cogner à sa porte pour en découdre… un, deux, trois… transition one,
two, three, four… le climax de « Born to run » nous éclate à la
gueule, c’est le dernier concert de la tournée
triomphale « The River ».
Ces trente secondes de « Born
to run » sont uniquement ce qu’on verra reconstitué en concert. Les rares autres moments seront au Stone
Pony, un bar d’Asbury Park où Springsteen (encore aujourd'hui) a l’habitude de jammer
avec des groupes locaux.
Parlons de suite de ce qui m’a gêné. Ce
noir et blanc bien léché pour les flash-back, qui informent,
certes, mais qui frisent le pathos. Une scène montre Douglas Springsteen (le
père, joué par Stephen Graham) embarquer son fils voir au cinéma
LA NUIT DU CHASSEUR de Charles Laughton, spectacle assez traumatisant pour son
âge (9 ans). Scott Cooper aura, je suppose, fait le choix de traiter
les souvenirs du gamin à la manière de, avec un Mitchum démoniaque en fugure paternelle. Pourquoi pas. LA NUIT DU
CHASSEUR, BADLANDS, plus tard LES RAISINS DE LA COLÈRE, le film
montre bien les rapports de Springsteen au cinéma*.
Scott Cooper cueille
donc un Springsteen au top professionnellement, mais au fond de la
vague moralement. Tout est résumé en une réplique, avec un vendeur de voiture qui assure : « C’est
le modèle qu’il faut, pour une rock star comme vous… Je sais qui
vous êtes ». L’autre répond : « vous avez du
bol, je ne le sais pas moi-même ».
Les angles choisis par le réalisateur ne sont pas les plus avenants, à première vue. Il ne filme pas un type qui performe, mais un type qui s'isole pour créer. Pas très cinégénique. Il ne filme pas un gars en pleine réussite, mais qui doute du
bien fondé de cette réussite, qui accepte mal ce qu’il est en
train de devenir. On voit bien dans le film ce décalage entre ce
qu’on projette sur lui, et ce qu’il est, un prolo de banlieue
ancré dans son espace naturel.
Pourtant, à l'écran, le processus
torturé de création s'avère intéressant. Le déclic devant une diffusion télé de BADLANDS de Terrence Malick, la scène où Martin
Sheen abat le père de sa copine pour la délivrer de son emprise.
Pas anodin, ça fait écho chez Springsteen, flash back sur le gamin qui frappe son père avec
une batte de baseball. Une chanson naîtra de ce film (« Nebraska »), puis d’autres,
plutôt lugubres, violentes, crépusculaires, de quoi remplir un double album. Chansons enregistrées sur un quatre pistes,
dans sa chambre, à l’aide d’un gus, Mike, joué par Paul Walter
Hauser, découvert dans LE CAS RICHARD JEWELL de Clint Eastwood. Plan intéressant lorsque Springsteen corrige son
texte, barrant les « He » par des « I »,
s’appropriant le rôle du narrateur.
Ces maquettes enregistrées
sur cassettes devaient servir de brouillon pour être retravaillées en studio avec le E
Street band (étonnamment absent du film, à part ce court moment).
On voit ce qui deviendra « Born in the USA », titre d’un
scénario que Paul Schrader lui a envoyé : « ça ne
m’intéresse pas, mais le titre, y’a un truc à faire avec... ».
Il y a aussi « Cover me » (destiné à Donna Summer) ou
« Glory days »,« I'm on fire »... qui ne sortiront qu'en 1984. CBS se frotte les mains. Des
tubes en puissance pour le prochain album. Mais les chansons de « Nebraska »perdent leur substance à être électrifiées**, Springsteen décide de les sortir sur un album distinct, telle que, dans leur jus.
L'aspect technique aurait pu être rébarbatif, curieusement non. On ne peut plus dissocier voix, guitare, harmonica à partir de la cassette audio, ni se débarrasser des bruits ambiants, ou de l'écho. On suit les tentatives de mixage, la fabrication du master, mais le résultat ne convainc jamais. L’ingé-son Chuck
Plotkin dénichera un atelier de fabrication de vinyles, capable de
restituer le son de la cassette (une histoire de profondeur de
sillon). Il va falloir vendre l’idée à CBS. C’est le manager
Jon Landau (Jeremy Strong) qui s’y colle, non sans nervosité. Car Springsteen a en plus décidé qu’il n’y aurait ni single, ni
tournée, ni promo dans la presse, ni sa tête sur la pochette.
Autre aspect du film, comment un artiste dit non au système, pour garder
son intégrité, quand tant d’autres se sont épuisés à
reproduire une recette pour ne pas descendre une marche de
podium. Ce suicide commercial annoncé s'est soldé par un succès immense, « Nebraska » décrochera la troisième place des ventes.
L’acteur Jeremy Allen White ne ressemble pas physiquement à son modèle, des faux airs du jeune Pacino parfois, cocker triste. Il n’est pas dans
l’imitation grimée. Une chemise à carreaux, un tee-shirt et des
cheveux hirsutes suffisent à poser le bonhomme (comme la pochette de
« Darkness »). Il est particulièrement convaincant au chant,
c’est lui qu’on entend dans le film. La mise en scène est
classique, très belle photo, sans doute trop, j'aurais aimé une photo plus brute, justement à l'image de ces enregistrements dégraissés sur l'os.
Rien à voir avec UN PARFAIT INCONNU de
James Mangold sur Bob Dylan à la très ample et riche reconstitution
avec guest star à gogo, ici on donne dans le drame intimiste, un
mec, sa guitare et ses emmerdes.
Comme l'angle choisi [lire plus haut] est ce qu'il est, Scott Cooper intègre au scénario une romance contrariée (fictive), qui n'apporte pas grand chose, et assez peu crédible. On regrettera aussi un film trop concentré sur la
relation Springsteen – Landau, alors que le chanteur
était, sur le Shore, le chef de fil de toute une bande de musiciens,
c’est à peine si on aperçoit Steven Van Zandt. Avec cette impression que le
film aurait pu concerner un personnage lambda, un dépressif, bipolaire, limite suicidaire (qui écoute, amorphe, le
second album de Suicide d’Alan Vega dont il est fan).
Si on ressort euphorique d'un concert de Springsteen (et je sais de quoi je cause) là, on a juste
envie de se pendre. Mais « Nebraska » n’est pas non plus
le disque le plus festif pour ambiancer les campings du cap d'Agde.
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* L’horrible bandana porté sur la
tournée « Born in the USA » était une référence au de
Niro de VOYAGE AU BOUT DE L’ENFER, et pas à RAMBO comme beaucoup
le pensaient !
** Depuis, des titres comme « Johnny 99 » « Atlantic City » « Reason to believe » « Open all night » sont interprétées aussi en mode boogie rock avec le groupe entier.
couleur et noir & blanc - 2h00 – format scope 1:2.39.
La
porte de ce monde fut étrange, presque angoissante, un visage
hurlant sous l’effet d’une sorte de décomposition cosmique.
Puis, la curiosité éveillant bien souvent le courage des hommes,
l’ouverture de cette porte vous laissait nez à nez avec une lune
au sourire moqueur. Derrière elle, un chaos électrique aux riffs
synthétiques porta une voix chantant vos névroses.
« Cat foot
iron claw, Neuro surgeon scream for more, At paranoïa poison door,
Twenty first century schizoid man »
Vous évoluez donc dans un
décor aux couleurs sang rosé, symbole des rêves humains et de sa
peine à les réaliser. Rapidement, la mélodie se fit douce,
l’hystérie faisant ainsi place au deuil. Vos tympans exultèrent
alors sous les caresses d’un jazz rock cotonneux, sensuel, douce
union de la puissance rock et de la tendre beauté du jazz. L’univers
que vous connaissiez jusque-là, les mélodies qui vous furent
familières, tout cela semble fondre sous la chaleur envoûtante de
ces mélodies duveteuses. Mais même la plus éblouissante des
beautés est condamnée à se flétrir, les assauts barbares du temps
ne se préoccupent nullement de la grandeur esthétique de ce qu’ils
attaquent. Comme pour vous avertir gentiment, une voix d’ange déchu
psalmodie : « And
I fear tomorrow I’ll be crying », le tout sur fond de mélodie
automnale.
Mais avant la saison des pluies vient celle des rayons de
soleil, nulle force ne doit mourir avant sa grande épiphanie. Se
révéler à soi-même et au monde, voilà le devoir sacré de tout
ce qui vit et de chaque chose créée. Et pour se révéler il faut
avancer inlassablement, parcourir les routes dans l’espoir de
trouver la sienne. Progressivement, les couleurs changent, les
mélodies aussi, vous franchissez une étape tel l’homme achevant
une de ses décennies. Le paysage s’est transformé, il devint
presque banal, mais d’une banalité pleine de grâce. L’herbe
verte donna ainsi une certaine gaieté à un décor brumeux. De
grands cerfs marchaient nonchalamment dans ces plaines
verdoyantes.
Quelle ne fut pas votre surprise lorsque, arrivant à
l’une des extrémités de décors qui vous parurent infinis, vous
vous rendirent compte qu’ils n’étaient qu’un des stalagmites
de terre que vous voyez poindre à l’horizon, telles des lames
verdoyantes flottant dans un néant grisâtre. D’une soyeuse
douceur swinguante, la mélodie que vous entendîtes passa à une
pyrotechnie symphonique portant une voix elfique et théâtrale.
Comme pour vous inciter à plonger dans le néant brumeux, cette voix
répéta son incantation hypnotique « I get high, I get down ».
Alors, attiré par ce chant de sirène soutenu par une féerie
symphonique, vous plongez gaiement dans ce néant qui est la grande
peur de l’homme.
Car la nature n’est pas la seule qui ait horreur
du vide, même si les progressions harmoniques de « Close to
the edge » compensent quelque peu la stérilité d’un décor
morne. « L’amour est comme le brouillard du matin »
disait Bukowsky, vous incitant ainsi à vous déduire qu’il
s’évaporait de manière aussi soudaine et incompréhensible qu’il
était apparu. Alors que la grisaille venait de vous mener à cette
sombre réflexion, elle disparut rapidement pour laisser place à un
ciel azuré. Votre chute se termina dans une eau douce, immersion de
quelques secondes noyant vos ténèbres dans le son du silence.
L’instinct de survie se montrant souvent plus fort que les élans
morbides, les nécessités vitales obligèrent votre corps à
s’extraire de ce silence asphyxiant.
Alors que vous n’aviez pas
encore ouvert les yeux, vos oreilles savourent déjà la théâtralité
baroque du « Supper’s ready » de Genesis. Sur la côte,
vous apercevez les profils imposants de charismatiques conquérants
anglais. Un peu plus loin, au milieu d’une ile située au
milieu de cette eau douce , une femme en robe rouge et à tête de
renard chante une mélopée romantique inspirée par une symphonie
électrique, que vous dégustez avec le bonheur du nageur faisant la
planche pour profiter de la douce chaleur du soleil.
« Walking
accross the sitting room, I turn the television off, As the sound of
motocar fade in the night time, I swear I saw your face change, it
didn’t seem quite right, And its’ hello babe, with your guardian
eyes so blue, Hey my baby , don’t you know your love is true »
Mais,
alors que vous auriez voulu que cette volupté sonore ne s’arrête
jamais, un froid aussi soudain que vif fit fuir aussi bien les fiers
cavaliers, qu’une chanteuse au visage animalier semblant s’évaporer
dans le bleu de l’horizon. Vous nagez alors vers les côtes, pour
découvrir que des buildings trônent sur ces terres que vous pensiez
inhabitées. Pour donner un fond sonore à la froideur du climat et à
la laideur bétonnée de ces bâtiments, une glaciale mélodie
synthétique prit la place de votre chère chaleur orchestrale.
Progressivement, vous vous levez, votre nudité montrant une
faiblesse absurde face à la résistance imposante de ces tours
disgracieuses. Ce que vous entendez ne vous est pourtant pas inconnu,
une certaine grandeur venue du passé nourrit la froideur ultra
moderne de ces mélodies robotiques. La poésie, chant de
l’innocence, survit paradoxalement malgré les morsures venimeuses
de ces serpents d’acier que sont les synthétiseurs. Telle une
enfance tardive, cette poésie prend les traits d’un enfant en
costume de hussard vous toisant d’un regard plein de reproche. Et
l’enfant se mit à chanter sur fond de musique aussi riche
qu’entraînante, aussi froide que mélancolique, le chant de l’éden
perdu de l’enfance.
« And
it was morning, And i found myself mourning, For a childhood that I
thought had disapear »
Puis les formes se mirent à se
brouiller, les immeubles gondolaient avec la lascivité hypnotique de
danseuses du ventre indiennes. Vous étiez en train de vous réveiller
d’un rêve que vous n’auriez jamais voulu quitter. Vous relevant
au milieu de cette chambre que vous n’étiez plus sûr de
connaître, vous remarquez alors une porte arborant fièrement un
soleil d’un marron sombre en guise de blason. N’en étant plus à
une hallucination près, vous saisissez la poignée pour découvrir
ce qu’il se cache derrière cet emblème.
S’ouvre ainsi à vous
un monde fait de plaines verdoyantes, une vaste forêt suédoise dans
laquelle vous vous empressez de vous perdre. Comme sortie de l’écorce
de ces arbres à la hauteur vertigineuse, la mélodie que vous
entendez vous ramène aux fresques chaleureuses qui marquèrent le
début de votre voyage. Gravée dans le bois de ces arbres
centenaires, une inscription donnait un nom à cette renaissance
d’une grandeur perdue. Le clavier de cette musique se fit plus
grandiloquent lorsque, plantée au milieu de cette étendue
verdoyante, la statue des trois visages illustrant l’album trilogie
vous fit face, véritable version musicale des statues de l’ile de
Pâques.
Car le rock progressif, dont vous visitiez les paysages
musicaux et artistiques, est depuis toujours une île merveilleuse
menacée par les assauts du nihilisme. Änglagård fut le nom du
progrès dans la tradition, le cri de guerre de musiciens armés de
la lutherie et de l’inventivité insatiable de leurs aînés.
Aussi
belle soit elle, cette mélodie baroque et champêtre eut dès le
début la nostalgie des chants de deuil. Comme sorti du bois où il
fut immergé, le triste soleil que vous vites sur la porte de ce
monde imposa son visage torturé sur tous les trônes de cet Eden
boisé. Cet emblème dégagea une chaleur de plus en plus forte, qui
finit par mettre le feu à ces gigantesques piliers de l’architecture
terrestre. Toujours aussi chaude, la musique que vous entendez a
désormais la noirceur d’un requiem électrique, comme si quelqu’un
voulait vous prévenir que ce rêve touchait à sa fin.
Fuyant la
fumée suffocante s’échappant des arbres calcinés, vous apercevez
un feu de camp au milieu d’une espèce de jardin à l’herbe
asséchée par le soleil. Pensant trouver là un guide, vous
découvrez qu’un masque au visage endeuillé que les flammes
dévorent progressivement. Comme annonciatrice des rêves à venir ,
la fumée de ce drôle de sacrifice vous monte à la tête pour vous
annoncer les rêves à venir. Défilent ainsi devant vous les images
évoquant les grands albums du renouveau progressif, la cabine
téléphonique de « The sky move sideway » de Porcupine Tree, la galaxie de
« Stardust we are… » de The Flower Kings.
Ce renouveau ne fut invoqué que
par une grandiose formule hors des âges :Änglagård.