mercredi 14 août 2024

BLACK COUNTRY COMMUNION " V ", (2024) , by Bruno



     Parfois, certains groupes semblent jouer avec les possibles, et contredire les pronostics. Survivre plus longtemps que ne le laissaient présager les auspices, puis s'éteindre brutalement, en pleine gloire, et enfin, alors qu'on les croyait à jamais perdus, renaître, encore une fois. Et pas une renaissance offrant un groupe méconnaissable, décati ou appauvri, mais bien une entité en pleine possession de ses moyens.

     Le quatuor Black Country Communion est de ceux-là. On n'aurait pas parié un kopeck sur la longévité de ce super groupe fondé en 2009 autour de Jason Bonham (le fils de), Derek Sherinian, Joe "Smokin' " Bonamassa et le vétéran Glenn Hughes. Généralement, pour de multiples raisons, ce genre de formation ne tient que le temps d'un album et d'une tournée. Souvent les attentes du public - et surtout du label qui le soutient -, s'avèrent trop fortes et pesantes. Ce qui influe considérablement sur le relationnel. Il suffit de peu pour qu'un conglomérat de fortes têtes, d'egos plus ou moins surdimensionnés, éclate. Black Country Communion est d'ailleurs passé par là, lorsque des mots durs, irréfléchis, ont fusé quand Bonamassa a laissé en plan ses compagnons pour reprendre un temps sa carrière solo (alors en pleine expansion et pas encore totalement affirmée). C'est que, contrairement à la grande majorité des dits "super groupes", les quatre membres de BCC jonglent avec d'autres projets. Des collaborations éphémères, bien sûr, mais aussi des groupes qui ne le sont pas moins. D'ailleurs, tous les quatre affichent une riche et longue carrière, rarement coupée de périodes d'inactivité. A l'exception du doyen, Glenn Hughes, qui dut à maintes reprises - en particulier dans les années 80 - se retirer pour combattre ses lourdes addictions. Mais Hughes - est-il besoin de le rappeler ? -, c'est un premier single en 1968, un premier disque en 1970 avec Trapeze, plus d'une vingtaine d'albums avec divers groupes (et non des moindres),  quatorze albums solo et d'innombrables interventions et collaborations. Live non-compris.


   Visiblement, ces gars-là sont vissés corps et âme à la musique. A croire que lorsqu'ils ne sont plus sur la route, c'est qu'ils sont quelque part en studio. Fascinant.

     On remarquera aussi qu'au contraire de leurs collègues qui parviennent à maintenir une enseigne en changeant régulièrement de personnel - avec quelques aberrations où l'on voit tourner un groupe avec un seul ou sans aucun membre fondateur -, la mouture est immuable. Depuis sa création en 2009, ce sont toujours les mêmes personnes. Même le producteur reste inchangé depuis le premier album. En l'occurrence Kevin Shirley, l'inséparable et fidèle producteur de Bonamassa, avec lui depuis 2006 (bientôt les noces de porcelaine). Le son d'ailleurs, ne change pas. Sinon, assez subtilement pour les deux derniers : BCC IV et BCC V

     Mais rien n'est totalement innocent. En effet, l'engin spatial présenté  - correspondant à celui qui aurait été observé par de nombreux témoins en mars 1997 dans les états du Nevada et de l'Oklahoma, nommés depuis "les lumières de Phoenix" -, présente bien cinq faisceaux lumineux. Ce qui pourrait ainsi signifier que la formation repose bien sur cinq acteurs. Shirley compris. Bonamassa et Hughes admettent ouvertement qu'ils sont à son écoute, que son rôle n'est pas passif, voire qu'il est parfois intervenu positivement pour des arrangements.

     Par ailleurs, avec cette belle pochette à l' "atmosphère rock-progressif", la formation confirme certains soupçons jusqu'alors considérés comme farfelus, totalement aberrants. A savoir, que ces individus sont soit d'un autre monde, soit issus d'un projet ultra-secret (on ne nous dit pas tout... 😄). Sinon, comment expliquer qu'en dépit d'un planning surchargé, d'une abondante discographie et d'un certain âge, ils maintiennent un degré qualitatif oscillant entre l'excellence et au pire l'estimable. Joe Bonamassa, de loin le plus jeune, affiche un modeste 47 balais, tandis que l'aîné, Glenn Hughes, 72 ! 72 ans au compteur, toujours chevelu, fringant et alerte, tricotant de sa basse tel un John Paul Jones des temps héroïques, et chantant comme s'il avait trente ans de moins. Même s'il ménage ses cordes vocales, il n'usurpe pas sa place au sein d'une formation de Hard-rock pilotée par un shouter. Sa performance sur la ballade-heavy-soul-blues-qui-durcit-le-ton-au-milieu, "Restless", est saisissante, d'une douce intensité émotionnelle. Sir Glenn Hughes est encore un grand chanteur. 


   Si la forme reste sensiblement la même depuis 2009, avec un Jason Bonham marchant dans les traces de son père et un Derek Sherinian s'inscrivant plus généralement dans le rôle de décorateur de génie, en soutien des deux frontmen -  Hughes et Bonamassa -, ce volume "V", malgré donc sa présentation assez typée progressive, est probablement le plus heavy de la formation, avec des riffs "bourre-pif", développés à la manière de Free. Soit avec une guitare certes puissante, mais qui ne se laisse pas submerger par la saturation, alliée solidement
 à une basse vrombissante, alerte et relativement indépendante. Une basse qui prend ses aises, ne se calant sur la guitare, la batterie ou les claviers que suivant son bon vouloir. Jouant à l'envie quelques notes supplémentaires, usant (et abusant ?) de glissés moelleux. Il semblerait d'ailleurs que ce soit plus la basse Glenn qui marche à la fuzz ou l'overdrive que les guitares de Joe. Ces dernières devant apparemment se contenter - en général - du schéma tant éprouvé "Gibson (Les Paul, Explorer ou SG) branchées dans des têtes d'ampli Marshall", éventuellement aidées par un clean booster. Et ça décoiffe. Les riffs principaux de "Red Sun", "Enlighteen" et de "Too Far Gone" flirtent même avec Audioslave. Tandis que, passés l'intro, certains mouvements de "Skyway" trempent dans l'AC/DC de "Stiff Upper Up". 

     Quatre flibustiers au long cours dégageant une belle énergie maîtrisée, et sachant faire preuve de puissance sans jamais fracasser les esgourdes, sans tomber dans le criard et le pathétique. Indéniablement, il y a du métier. 

     On a de la peine à reconnaître le jeu de Bonamassa tant celui-ci rend hommage au Classic-rock, à un pur Hard-rock (old school ?) bardé de riffs d'acier. Il adopte même une autre allure vestimentaire, délaissant ses costumes tirés à quatre épingles, pour de simples baskets, jeans, sweat et casquette - comme s'il voulait se fondre dans la masse, du moins celle de ses compagnons du BCCJoe s'escrime à servir avant tout la chanson, et non son ego. Ce qu'il fait d'ailleurs habituellement dès il joue pour autrui ou en collaboration. Sa carrière solo suffisant largement à étancher la soif de son ego, il se contente ici de se présenter en architecte du son de cette place forte. Il chante encore moins que sur les précédents albums - où il était pourtant déjà des plus discret en la matière -, ne posant sa voix que pour un duo et sur une seule chanson. En l'occurrence sur "Love and Faith", qui fait un gros clin d'œil à Led Zeppelin en reprenant les parties de claviers de "Thank You". Histoire de tirer la langue à ceux qui s'obstinent à ne voir en BCC qu'un ersatz de Led Zeppelin ? Que dire alors de "Stay Free" qui semble avoir une ardoise avec "Trampled Under Foot". Mais là aussi, il ne s'agit que de quelques mouvements cycliques, "Stay Free" étant dans l'ensemble nettement plus heavy et explosif.  

     Le clou de l'album revient à "The Open Road", formidable morceau aux parfums épicés de Trapeze, immergeant la Soul de la Motown dans un ardent Heavy-rock, et doté d'un break sulfureux où le combo, tiraillé par un Smokin' Bonamassa électrisé, monte dans les tours.

     Il est certain que si Black Country Communion avait eu une carrière moins erratique, s'il était parti régulièrement à la conquête des scènes, il serait l'un des poids lourds incontournables du genre. Mais qui sait ? C'est peut-être aussi ce qui lui a permis de garder une certaine fraîcheur ; même quatorze ans après le premier essai. Ce qui a permis à ces forts caractères de se supporter et de s'apprécier.



🎶🐦
Autres articles / Black Country Communion (liens) : 👉  " Black Country Communion " (2010)  👉  " BCC IV " (2017)
💢 avec Glenn HUGHES"Resonate" (2016)  👉   CALIFORNIA BREED (2014)  👉  "Hughes & Thrall" (1982)

6 commentaires:

  1. j'avoue avoir eu un peu de mal avec Bonamassa à ses débuts , sa voix de canard , ses influences un peu trop prégnantes et puis au fil du temps comme je suis du genre têtu , j'ai totalement changé d'avis sur le bonhomme ( comme on dit y'a que les imbéciles.....) Je suis devenu un inconditionnel et je prend tout ce qui sort sous son nom certes mais aussi les BCC . Ces dernières décennies deux virtuoses de la guitare ont émergés : Joe Bonamassa et Warren Haynes ( oui je sais , j'en connais un qui va bondir!) .
    Ce dernier BCC est en tout point excellent , du bel ouvrage par quatre types qui ne sont plus des perdreaux de l'année et ça s'entend!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Shuffle Master.15/8/24 09:33

      M'étonne pas que Bonamassa et Haynes soient dans le même panier. XXXXL le panier, parce que le Joe, il est quand même bien grassouillet, boudiné dans ses immondes costards (on dirait un premier clerc dans une étude de Vierzon). BCC, c'est un peu trop dur pour mes délicates esgourdes. Pas des perdreaux de l'année effectivement: la musique étant un peu faisandée (les réminiscences soulignées sont trop appuyées.)

      Supprimer
    2. Au niveau des références "appuyées", pas tant que ça. Sauf si on considère qu'avant Led Zeppelin, il n'y avait rien 😉
      Toutefois, il y a quelques phrases (peu par rapport à la masse totale) qui semblent volontairement placées pour rendre hommage (et p't'-être faire plaisir au fiston)
      Par ailleurs, on oublie (mémoire sélective des médias) que Trapeze (où officiait justement un certain Glenn Hughes) était passé maître dans les heavy-rock funky,
      bien avant la bande à Page. Tandis que papa Bonham faisait parfois son Led Zep buissonnier pour aller taper le bœuf avec ses potes de Trapeze ( tous issus de Birmingham et de ses environs - Black country 😊). Ce qui d'ailleurs énervait un peu Jimmy.
      Même au sujet de "Stay Free" que je compare à "Trampled Under Foot", on pourrait tout aussi bien mentionner Stevie Wonder dont Glenn Hughes est un fervent admirateur de longue date. A l'origine, pour ce morceau, John Paul Jones se serait bien inspiré du travail de Stevie Wonder.

      Supprimer
    3. To JP. Pas un inconditionnel de Bonamassa pour autant. A mon sens, certains de ses albums sont inégaux. Mais c'est probablement une sensation qu'on éprouve lorsque, sur un même disque, l'excellent côtoie le passable ou l'estimable. Toutefois, quoi qu'il en soit, j'admire sa capacité à se mettre au service d'autrui ; à se faire plus discret, se mettre en retrait pour laisser le champ à la personne qu'il accompagne.
      Et puis, lui comme Warren Haynes me sidèrent. Mais comment font-ils pour avoir un répertoire scénique aussi vaste ? Sans se planter ? La grande majorité des groupes (du moins pour ceux qui ne jouent pas en play back) tournent autour des mêmes classiques, ne modifiant leur liste d'une année sur l'autre que de deux ou trois titres, tandis que ces deux loustics s'amusent à faire des concerts entiers - ou des mini-tournées - en hommage à leurs artistes et groupes préférés (et avec maestria), accompagnent d'autres gars, tout en pérennisant leur propre carrière. C'est incroyable.

      Supprimer
    4. Shuffle Master.

      Supprimer
    5. Shuffle Master.16/8/24 09:11

      Je dois reconnaître que la remarque sur la variété du répertoire est juste. Beaucoup se contentent en effet de rejouer la même setlist depuis des années, voire des décennies. Glenn Hugues, c'est quand même très très inégal....Les disques de Trapeze, notamment.

      Supprimer