mercredi 20 novembre 2019

Joe BONAMASSA "Live At Carnegie Hall : an Acoustic Evening" (2017), by Bruno



     On connaît tous le Joe Bonamassa, le virtuose de guitare électrique, excellent dans le Blues, tant moderne que dans le traditionnel. Du moderne qui abolit les frontières entre le Blues-rock et le Heavy-rock, et un traditionnel plus représenté sur scène. Des hommages à travers des reprises maîtrisées et respectueuses, le temps d'un instant lors un concert, ou plus rarement, pour une soirée spéciale dédiée à quelques unes de ses nombreuses icônes. A ce titre, la prestation enregistrée et filmée "Muddy Wolf At Red Rocks", dédiée à deux monstres sacrés, Muddy Waters et Howlin' Wolf, n'est pas piquée des hannetons. Avec pour l'occasion un orchestre de huit membres, dont le célèbre Reese Wymans.
     Certains l'ont peut être oublié, mais c'est ce même Joe qui, à 17 ans, avait déjà fait parler de lui en boostant un jeune groupe de Heavy-rock US prometteur : Bloodline, principalement célèbre pour avoir abrité des "fils de". En l’occurrence, Waylon Krieger (fils de Robby), Berry Oakley Jr (fils de Berry), Erin Davis (fils de Miles) et à ses débuts Aaron Hagar (fils de Sammy). Un montage de boys band pour amateurs de Heavy-rock US ?
On connaît aussi le Joe Bonamassa qui se frotte avec tact et classe à une fusion de Jazz-rock et de Funk au sein du Rock Candy Funk Party.

     Bonamassa
n'est donc pas qu'un simple besogneux de Blues-rock, aussi pertinent soit-il ; sa palette est assez riche en couleurs pour éviter les redites et lasser l'auditeur. Même s'il est bien difficile de suivre son abondante production, qui n'est pas exempte de quelques pièces mineures.


     Pour d'obscures raisons, en comparaison de sa (copieuse) production électrique, les témoignages gravés de ses occasionnelles prestations en acoustique restent boudés. Peut-être par ignorance, par crainte que cela ne soit qu'une simple redite de ses propres classiques en mode acoustique, avec pour résultat un aspect plus fade et anémié en comparaison avec les originaux. L'abondance des "unplugged" qui a inondé les bacs des années 90 au début du siècle, a fini par lasser. D'autant que pour prendre le train en marche en espérant pouvoir récupérer quelques miettes derrière le succès phénoménal du fameux "Unplugged" de Clapton, on a parfois envoyé aux fans un peu tout et n'importe quoi.
   Toutefois, dans le cas du sieur Bonamassa, ce serait une gageure de l'ignorer tant ces événements occasionnels présentent une nouvelle image, totalement différente d'une simple transmutation acoustique.
En effet, loin de s'économiser, Bonamassa paraît se complaire dans la difficulté. En plus de tournées, de compositions, d'arrangements et d'enregistrements incessants, il prend au sérieux ces soirées exceptionnelles. Une marque de respect envers son public.

     En conséquence, ces concerts en acoustique vont au-delà d'une relecture de ses morceaux. Ils les adaptent à un nouvel univers, en fonction des instruments sélectionnés, avec en conséquence des partitions modifiées et de nouvelles textures. Ainsi, le "An Acoustic Evening at the Vienna Opera House", de 2013, avait déjà témoigné de la belle métamorphose des morceaux. Ni meilleurs, ni moindres, simplement différents et indéniablement savoureux. Toutefois, ce n'est pas toujours du goût des fans foncièrement attachés à la puissance dégagée par l'électricité. 

A l'inverse, certains réfractaires à son Blues-rock capiteux pourraient très bien être enthousiasmés par sa personnalité boisée
De plus, et c'est important, chacune de ces représentations est différente. De par le répertoire, bien sûr, mais, surtout, et c'est là tout l'intérêt, par la composition de l'orchestre. A la fois dans le nombre et le choix des instruments.
     Dans le précédent enregistrement en public mentionné ci-dessus, il n'y avait que cinq musiciens (lui y-compris), dont un percussionniste mais pas de kit de batterie.

     Pour l'orchestre présenté au Carnegie Hall, plus étoffé, Joe s'est entouré d'un solide groupe. Avec trois choristes, dont Mahalia Barnes qui couvre tout le monde dès qu'elle hausse un tant soit peu le ton. Un batteur, (celui d'Ace Frehley), Anton Fig ; un pianiste en la personne de Reese Wynans (50 ans de carrière, aujourd'hui, régulièrement sollicité par Bonamassa, il fait quasiment partie de la maison) ; Eric Brazilian (ex-The Hooters, sessionman et compositeur de hits reconnus) pour l'accompagner au banjo, à la mandoline et à la flûte ; Hossam Ramzy, un percussionniste égyptien (que l'on retrouve sur "No Quarter" de Page & Plant). 

     Et pour finir Tina Guo au violoncelle et à l'erhu (instrument traditionnel chinois).

(Claude ne l'a pas vraiment écouté, cependant à la vue des posters qui ornent les murs de son bureau, on a constaté qu'à sa manière, il l'apprécie ...)

     Tina Guo est une chinoise (née à Shangaï, mais établie à Los Angeles à son adolescence), virtuose du violoncelle, qui a conquis une audience internationale grâce à ses adaptations de thèmes musicaux de films, de séries (dont celle remarquée de Game of Thrones - peut-être bien la première, réussie, d'une longue série -) et ... de jeux vidéos (1). Parallèlement à ses disques et vidéos, elle est sollicitée par les studios Angelins pour des sessions. Depuis qu'il l'a découverte par l'une de ses vidéos (2) Hans Zimmer (célèbre compositeur de musique de films) la sollicite régulièrement pour ses orchestrations (en studio et sur scène)

     Fille de parents musiciens,  dès ses trois ans, elle n'a d'autre choix que d'étudier le piano, et ensuite, dans sa sixième année, le violon. Ne parvenant pas au bout d'un an à maîtriser ce dernier, elle essaye alors le violoncelle qui s'avère être une révélation. Elle semble même avoir des facilités. En Californie, à partir du collège, tout en continuant à étudier la musique classique, elle découvre et s'ouvre à d'autres styles de musique. Dont le Heavy-metal, et en particulier le Metal Industrial qui l'incite à acquérir un violoncelle électrique. Sur ses vidéos, dont la photographie et la chorégraphie n'ont rien d'artisanal, elle joue aussi bien de son instrument que de son physique - qu'elle, ou le cinéaste, sait mettre en valeur - et du maquillage. En quelques années, avec un instrument encombrant et pour beaucoup désuet, elle a réussi à se faire un nom. Depuis 2011, elle est parvenue à enregistrer huit albums sous son seul nom. Son dernier de 2017, "Game On!", a fait une belle percée dans le billboard US dans la catégorie "Classical" (3).

 Au-delà de certains aspects que l'on peut juger racoleurs, cette wonder woman (4) est une authentique musicienne qui excelle désormais autant dans une sorte de Néo-métal-industriel-symphonique, que dans une musique contemporaine flirtant avec le New-age ou que dans le classique.


     Ainsi donc, du moins pour l'Amérique du Nord, ce n'est pas une inconnue que Bonamassa présente à son public. Et sur certaines pièces, s'il n'y avait le chant qui impose alors Bonamassa comme pôle d'attraction, ce serait quasiment d'égal à égal que miss Guo ferait face au public. 

     En général, pour l'occasion, les morceaux sont immergés dans un climat intemporel "clair - obscur", baigné d'une ombre de mysticisme et de rayons lumineux, de quiétude et de sérénité. Un univers éphémère constitué de Blues, de country-blues, de folk et de parfums boisés entre Orient et musique de chambre. Parfois avec une relative solennité. 
Exceptionnellement, avec notamment "Livin' Easy", c'est une immersion dans un Blues teinté de Jazz, originaire de la Louisiane, de la Nouvelle Orléans.
C'est aussi l'occasion pour Bonamassa de démontrer qu'il également un bon chanteur, même si on peut lui reprocher de ne pas avoir le coffre d'un blues-shouter. Au contraire de bon nombre de guitaristes-chanteurs de Blues-rock, il peut se targuer de chanter juste, en plus d'avoir un sympathique petit grain qui arrive parfois presque à le rapprocher de Paul Rodgers.


   Le changement peut être total comme avec "Mountain Time" qui a laissé de côté son armature typée Heavy-Rock pour se parer de douces notes cristallines du piano de Reese Wynans, et crée aussi une fraîche et vivifiante atmosphère de plénitude, finalement bien plus en phase avec les paroles - presque - poétiques. Mutation par ailleurs déjà entamée sur la captation du concert de 2009 au Royal Albert Hall. Parfois, comme avec "Drive", la différence est ténue, principalement marquée par l'absence d'une quelconque guitare électrique ; notamment pour le solo.

A eux deux, seuls, ils transforment "Woke Up Dreaming" en locomotive à vapeur volante qui virevolte follement entre les monolithes du Colorado. A l'origine déjà totalement acoustique, sans rien d'autre que la guitare et la voix de Joe, ce morceau gagne en force avec le violoncelle, ici impétueux .

     Les morceaux prennent parfois une tournure épique comme pour "Song For Yesterday" (une chanson issue de Black Country Communion qui semble particulièrement tenir à cœur à Joe), ou carrément cinématographique avec "Dust Bowl", notamment avec ses deux climats presque antagonistes. Le premier poussiéreux, désolé et résigné, qui s'oppose au second, plein d'entrain et réjouissant ... mais empreint d'une fermeté hérité de l'adversité. "Dust Bowl" a gagné au change, tout comme "Driving Towards the Daylight" dont l'orchestration acoustique donne plus de poids aux paroles chargées de regret et d'échec. Au contraire de "Get Back My Tomorrow" qui perd au change. Quoi qu'en fait, non, pas vraiment. C'est simplement que, en dépit d'une certaine qualité, ce titre n'est pas à mettre dans le haut du panier.
Toujours pour pinailler, on peut aussi regretter l'absence de la moelleuse montée en puissance de "Black Lung Heartache" avec la guitare électrique qui casse l'orchestration acoustique, comme un orage d'été.

   La configuration exceptionnelle de l'orchestre est l'occasion pour Joe de reprendre le "How Can A Poor Man Stand Such Times and Live ?", une chanson de 1929 du méconnu Blind Alfred Reed (4)  considérée comme l'une des premières protest-song. Mahalia Barnes y fait une prestation remarquable.

   Surprenant encore de retrouver le "Hummingbird" de Leon Russell (1970, album éponyme), mais moins que "The Rose", la chanson du film homonyme chantée par Bette Midler. Bonamassa la sort de sa mélancolie convenue (oui, ce fut un hit pour Midler) et d'une relative torpeur pour clore joliment sa prestation sur de belles paroles.

     Ce "Live At Carnegie Hall : An Acoustic Evening" est le meilleur des deux soirées exclusives. Rien que deux uniques soirées. Bonamassa et son équipe ont travaillé pour adapter un répertoire à la base principalement électrique et le rendre attractif en acoustique. Il ne s'agit nullement d'une récréation ou d'un simple exercice de style, mais bien d'une intéressante et passionnante relecture. Il était impératif de l'immortaliser. (Même s'il est possible que tout ça ne soit qu'une stratégie commerciale).
Possible aussi que cela soit le reflet du désir de Bonamassa de prouver d'élégante manière que ses compositions ont suffisamment de consistance pour être adaptées à différents formats, et surtout sans l'appui de la fée électrique. L'apanage des grandes chansons populaires. Ou encore, peut-être, de rechercher le respect d'une frange plus large - et plus exigeante ? -

    La version DVD/Blu-ray - au cadrage et à la photographie irréprochables - est assez intéressante. Elle permet de voir des musiciens totalement impliqués, en particulier Tina Guo qui joue et grimace, complètement absorbée et emportée par la musique, parfois dans un paroxysme qui frôle la performance physique. Tout comme de constater de visu l'étendue des sons qu'elle obtient de ses instruments. (particulièrement pour ceux dont les oreilles ont peu ou prou été éduquées à l'acoustique). Ainsi, elle vole parfois la vedette à Bonamassa qui, de son côté, plutôt sobre, ne cherche pas vraiment à se mettre en avant. Au contraire, il fait preuve d'un grand respect envers szes musiciens triés sur le volet. Même le trio de choristes, dont le poste est généralement relégué à une extrémité de la scène, est ici placé sur une estrade au milieu, derrière le patron.

CD 1
No.Title

1."This Train"
Bonamassa - James House
5:24
2."Drive"
  • Bonamassa - 
  • House
6:18
3."The Valley Runs Low"
  • Bonamassa - 
  • House
4:36
4."Dust Bowl"Bonamassa4:55
5."Driving Towards the Daylight"
  • Bonamassa - Danny Kortchmar
6:20
6."Black Lung Heartache"Bonamassa5:58
7."Blue and Evil"Bonamassa5:26
8."Livin' Easy"
  • Bonamassa -
  • Jerry Flowers
  • Jeffrey Steele
5:04
9."Get Back My Tomorrow"
  • Bonamassa - 
  • Flowers - 
  • Steele
5:12

CD 2
No.Title

10."Mountain Time"
  • Bonamassa - Will Jennings
6:27
11."How Can A Poor Man Stand Such Times And Live ?"
Blind Alfred Reed8:04
12."Song of Yesterday"  
  • Bonamassa - Glenn Hughes- Shirley
9:20
13."Woke Up Dreaming"
  • Bonamassa - 
  • Jennings
6:14
14."Hummingbird" Leon Russell7:12
15."The Rose" (B.O. du film)Amanda McBroom6:54
                                                                                                                                    


(1) En débutant par une composition d'un ami, Amy Winston (compositeur pour jeux vidéos et long métrages), pour le jeu "Journey".
(2) Une version métallisée du "Vol du Bourdon" - et rebaptisée "Queen Bee" - particulièrement tranchante et speedée. Claude en a fait une attaque, mais il lui pardonne volontiers.
(3) A la composition parfois un peu douteuse... Cette fois-ci, Claude est allé chercher les armes. Sa patience à des limites.
(4) C'est bien elle qui joue sur les thèmes de Wonder-Woman (dans le film du même nom et dans "L'Aube de la Justice") 
(4) Une vingtaine de chansons enregistrées en quatre sessions de 1927 à 1929. Ry Cooder a repris cette chanson sur son premier album. Bien plus tard les Del Lords, puis Eric Burdon, David Lindley, mais c'est probablement à Bruce Springsteen que l'on doit sa plus grande exposition médiatique avec ses The Seeger Session - The American Land Edition. Bien que sa version la détourne pour l'adapter à des sujets plus d'actualités. Initialement, elle contait les difficultés insurmontables du prolétariat lors de la grande dépression. Springsteen l'adapte à la crise Katrina concernant le manque cruel de réactivité du gouvernement et son désintérêt manifeste envers les sinistrés. En particulier ceux des vieux quartiers de la ville.


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Autres articles / J. Bonamassa (clic/lien) :
 "Dust Bowl" (2011)  ♳  "Blues of Desperation" (2016)  ♵  "An Acoustic Evening at the Vienna Opera House" (2013)
Avec Rock Candy Funk Party : "We Want Groove" (2013)  ♢   "Grooove is King" (2015)
Avec Beth Hart : "Don't Explain" (2011)  ♡   "See Saw" (2013)
Avec Black Country Communion : [Same / First album] (2010)  ♗  "BCC IV" (2017)

2 commentaires:

  1. Mais non non non, je n'ai pas fait une attaque…. Cette virtuose de Shanghai allie fort bien le violoncelle au bikini et bottes SM. Et puis après avoir été violoncelliste de 3ème rang dans d'obscure phalange à San Diego ou Vancouver, elle a trouvé sa voie. Quant aux critiques, ils ferment leurs clapets, la dame a joué les concertos de Dvorak, Haydn et surtout ceux de Chostakovitch dédiés à Rostropovitch… Voyez le genre !
    J'aime bien ce guitariste, sa voix, heu un peu moins :o)

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  2. Avec ses lunettes, et parfois la voix, j'ai l'impression de voir Gilbert Montagné ! La troisième vidéo envoie du bon, ça joue, comme on dit...

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