mardi 19 novembre 2019

ROSALIE DUBOIS - Chants d’Espoir et de Révolte (2014) - par Pat Slade



Rosalie Dubois n’est pas la plus connue des chanteuses dans le paysage audiovisuel français et pourtant cette vénérable dame de 87 ans chante depuis 60 ans.



Rosalie sort du bois




Rosalie Dubois, un nom très peu connu des tabloïds, et pourtant cette artiste a connu son heure de gloire à la fin des années cinquante et au début des années soixante. De son vrai nom Jeanine Rolleau, elle affiche une longévité qui en rendrait jaloux plus d’un, même si sa discographie n’est pas en aussi importante que la longueur de sa carrière.

A la fin des années cinquante elle est étudiante en droit dans le but de devenir avocate et, pour payer ses études, elle travaille dans la poissonnerie familiale rue des Abbesses à Montmartre. Elle va faire la connaissance des deux écrivains, poètes et auteurs de chansons : Bernard Dimey et Pierre Mac Orlan. Pourtant la chanson n’a pas une énorme importance dans sa vie, mais en 1959 elle avait dit à des copains qu’elle chantait bien et ces derniers l’ont inscrite au concours «Les numéros 1 de demain» parrainé par Europe 1, concours qu’elle gagne en chantant «Julie la Rousse» de René-Louis Lafforgue. L’année suivante, malgré l’arrivée du yéyé et de «Salut les Copains», elle remporte «Le coq d’or de la chanson française» avec le titre «Parce qu’un air d’accordéon». En 1961, passage à Bobino la salle de prédilection de Georges Brassens, elle remporte un énorme succès populaire avec «Cherbourg avait raison» qui sera repris par Patachou. «Malheureusement, je suis devenue vedette avant de devenir artiste» regrettera-t-elle. 

La voix du succès est toute tracée pour Rosalie Dubois, la chanteuse qui succédera à Edith Piaf, car son style de voix est très proche de celui de la môme. La demoiselle d’Avignon à la coupe playmobil peut rester chez elle ! Entre 1960 et 1962, les disques et les galas se succèdent et elle vendra plus d’un million de 45 tours. Mais le destin va lui jouer un mauvais tour. Un très grave accident de la route interrompt brutalement sa carrière en 1962. Après une année de soins intensifs, elle tombe dans une profonde dépression où l’alcool viendra y rajouter son grain de sel. Mais cette Bretonne catholique et communiste de surcroît va se ressaisir et adapter son répertoire en accord avec ses idées. En 1973, elle chante et enregistre les œuvres du poète breton Eugène Guillevic (Que Jeanne Moreau interprétera aussi). De 1978 à 1982 ce seront 5 disques regroupant 62 chansons contestataires, de la Révolution française au Front populaire, qui seront éditées. «Mes parents ont travaillé comme des fous pour faire fonctionner l'ascenseur social. J'aimerais que celui-ci reparte pour les jeunes». 


Rosalie Dubois retourne sur la scène et apparaît même à la télévision : «C'est Pascal Sevran qui m'a sorti du trou», rappelle-t-elle. Après moult passages à la fête de l’humanité, elle décide en 1992 de ne plus se produire en public. Ses chants contestataires attire l’attention de Bernard Ascal directeur artistique de chez EPM, une maison d’édition spécialisés dans la chanson française. Et ce dernier se met en tête de rééditer l’intégrale de ses chants révolutionnaires. Une histoire en deux temps : en 2007 et en 2014 avec «Chant d’espoir et de révolte». Bernard Ascal a la surprise d’apprendre que Rosalie Dubois habite non loin de chez lui. Une fois le contact établi, d'une nouvelle complicité jaillira divers projets.

Rosalie Dubois et Bernard Ascal
Rosalie Dubois ne limite pas son répertoire aux chansons de ses début et aux chants de révolte, mais aussi des chansons de poètes, de Maurice Fanon à Mouloudji et d’Aragon à Eluard en passant par Gainsbourg. Mais celui qu’elle a connu et jamais chanté, c’est Pierre Mac Orlan. Ascal va mettre en musique les textes du poète et la sympathique octogénaire va tomber sous le charme. Elle refait des vocalises et travaille sa respiration. En juillet 2018 elle entre en studio avec la peur de ne pas voir le produit fini.
Ce qui pourrait être une compilation, ne l’est qu’en partie, sur les quinze titres, les sept qui ouvrent l’album sont bien d’elle, la voix est fragile, à peine chantée (A plus de quatre vingt cinq ans !), plus parlée ou slamée en duo avec Bernard Ascal, soutenue par une orchestration jazz qui lui était étrangère. Ascal se pressera d’aller lui remettre en main propre le premier exemplaire de «Couleurs &Vernis».

Très loin des tubes de sa jeunesse, du temps du vedettariat, l’ancienne poissonnière des Abbesses n’est pas mécontente d’avoir surpris son monde : «Je n'ai jamais rien fait comme tout le monde !» conclut-elle.  




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