Un disque de Billy Gibbons, avec ou sans les deux frangins Z & Z, c'est toujours l'assurance d'un bon moment musical. Certes, avec des hauts et des bas, sachant qu'un bas (résille ?) du révérend est toujours supérieur à la moyenne haute. Il y a toujours ce simple et sain plaisir de se délecter de ses chaleureuses guitares.
Pour composer et enregistrer les chansons de cet album, le révérend a fait le choix de se retirer dans le haut désert de Californie, au Studio Escape près de Palm Springs. Isolé de l'incessant tumulte des villes, éloigné de toutes distractions y compris de celles de ses proches, n'ayant pour compagnie que celle des scorpions, crotales, coyotes nocturnes et cactus, à l'abri de toute distraction il a pu se concentrer sur son labeur artistique plus facilement. Il s'est laissé absorbé par le crissement de la poussière emportée par le murmure des vents, et la chaleur étouffante du désert - les sessions se sont déroulées en été - pour édifier un solide et charnu Rock bluesy, qui n'a rien d'aride. Il semble que quelques matériaux des deux premiers opus de ZZ-Top ont été ressorti du placard pour être retraités, ainsi que d'autres du mésestimé "Antenna". Recycler.
Billy a de nouveau fait appel aux mêmes gus que ceux de son précédent effort solo, "The Big Bag Blues". Soit Matt Sorum, l'un des batteurs actuels les plus courus dans la catégorie rock lourd, notamment pour son passé avec Jeff Paris, Guns'n'Roses, Velvet Revolver, The Cult, Johnny Crash, Slash, et ses sessions pour Stevie Salas, Sammy Hagar, Gilby Clarke, Glenn Hughes, Tommy Lee, et bien d'autres. Et Austin Hanks, qui s'est fait remarquer en écrivant une demi-douzaine de chansons pour la série qui a boosté les ventes de motos, de blousons de cuir et de tee-shirts (portant ses couleurs), "Sons of Anarchy". Un guitariste gaucher jouant avec des instruments de droitier, sans renverser les cordes ; à la manière d'Albert King et Doyle Bramhall II. Austin joue aussi de la basse sur la plupart des morceaux. Au contraire de Sorum qui s'implique dans toutes les compositions, ainsi que dans la production, Hanks, lui, se contente de son rôle d'exécutant.
Tout comme pour le précédent, on pourra reprocher à Billy G de ne refaire finalement que du Heavy-blues et du boogie-rock à la ZZ-Top. Evidemment, même si toutes les chansons ici présentes sont composées à plusieurs mains, c'est du Billy F. Gibbons pur jus, et à travers ses compositions suinte à jamais le Blues. Toutefois, à l'inverse de la réalisation antérieure, il n'y a qu'une reprise ici : "Hey Baby, Que Paso", une composition des Texas Tornadoes (groupe des 90's fondé par des célébrités texanes avec Doug Sahm, Augie Meyers avec l'accordéoniste Flaco Jimenez). Autre différence, et de taille, Billy et Austin ont délaissé les grosse fuzz - avec néanmoins quelques rechutes -, optant pour un son plus terreux, poussiéreux, moins gras et relativement plus resserré. Parfois ça sonnerait presque comme un Garage band de luxe. On pense ainsi au travail de Too Slim and the Taildraggers (forcément, sachant que dire que ces derniers sont influencés par ZZ-Top est un euphémisme). Encore et toujours des chansons évoquant filles sensuelles, des créatures de damnation, principalement, mais la part réservée aux bagnoles a été rognée par quelques évocations du désert, de son atmosphère, de sa faune.
Quoi qu'il en soit, pour peu que l'on apprécie le timbre rocailleux et la guitare bitumeuse de Gibbons, ce dernier opus ne décevra pas. Même s'il n'atteint pas les sommets ZZ-topiens. Même si "My Lucky Guard" n'a aucun complexe à recycler "Just Got Paid", notamment en ralentissant son tempo et en l'affublant d'une basse primitive (ou serait-ce une monumentale grosse caisse ? Poum - Poum-poum !!). Billy G et sa bande ont choisi le format court avec des chansons tournant autour des trois minutes, en se recentrant sur l'essentiel. En faisant fi de tout solo long et verbeux. Et puis, même si c'était le cas ; les envolées du Révérend ont toujours été délectables, même pour le profane, quelque soit leur durée. Toujours dans le ton, toujours diablement expressives.
Ce que confirme celles de "She's On Fire", ce rock'n'roll festif - de la famille des "Girl In a T-Shirt" et autres "Bad Girls", que l'on imagine bien comme la bande son idéale du loup lubrique des Tex Avery - où la troupe passe la cinquième, traçant une highway pour quelques fameux chorus flamboyants chargés jusqu'à la gueule de feeling.
Avec "Hardware", on pourrait se demander si Billy F Gibbons n'est pas un écologiste dans l'âme, tant il a le don pour le recyclage. Recycler. Des vieux Blues comme du matériel de ZZ-Top. Notamment pour ses heavy-boogie que sont "My Lucky Guard" donc, ainsi que le swingant "Shuffle, Step & Slide" et le rugueux "I Was Highway", avec un fond Rolling Stone et vitalisé par des chœurs virils et invitatifs.
"More-More-More", lui, retraite quelques ingrédients récupérés des 80's, soit du triptyque "Eliminator - Afterburner - Recycler". Une récidive, où des fuzz gargantuesques et voraces ressurgissent, remplissant tout l'espace sonore. Il en est presque de même pour le Hard-rock "S-G-L-M-B-B-R". Tandis que "West Coast Junkie" récupère des codes du Rock des 50's et de la Surf-music (Dick Dale) pour le marier au Boogie de John Lee Hooker façon Billy G.
Dans le désert, loin de l'agitation urbaine, le temps paraît s'écouler plus lentement. En conséquence, les lascars, sous l'ascendant de la chaleur estivale et du relatif silence, ralentissent le rythme, prennent leur temps, et jouent des morceaux plus en phase avec le farniente qu'avec le bouillonnement des villes. Ainsi, "Vagabond Man" s'inscrit dans les parfaits slows-blues dépouillés et abattus du Révérend. Tandis que "Spanish Fly" est écrasé sous la canicule, son sombre recueillement ébranlé tardivement, lors du coda, par un déversement chaotique de roulements de fûts
Et quoi de mieux que le cafardeux "Desert High" pour faire ressortir l'impact du désert sur l'homme. Lieu de retraite, d'isolement, d'interrogation et d'introspection. Confronté à la poussière, à la faune peu accueillante, Billy évoque sa désolation, tandis que des vents tourbillonnants charrient les fantômes égarés de Morrison et de Parsons. Profondes cicatrices qui ont marqué à jamais le panthéon de la musique du révérend. "Le Roi lézard est toujours à mes côté... Gram est mort dans la chambre 8, et a tout laissé à Keith"
Billy, parmi une foule d'invités, a rencontré les sœurs Lovell, épine dorsale de Larkin Poe, lors d'un concert caritatif au Beacon Theather de New-York, le 7 mars 2019, et a souhaité enregistrer avec elles (et Billy connait bien aussi Tyler Bryant, le mai de Rebecca, avec qui il joue parfois). C'est chose faite avec le boogie "Stackin' Bones" où, a priori, elles ne paraissent pas apporter quelque chose de significatif, à part les chœurs, sinon une facette pop rebattue. "Oooh-la-la, He's looking for a hustle. Ooh-la-la, I'm stackin' bones. Ooh-la-la, it gets him into trouble...Ooh-la-la, Yeah, I'm stackin' bones". Seule collaboration avec pour résultat une pièce plutôt anodine, maillon faible du chapitre. Toutefois, étonnamment, en voiture ça passe très bien. D'ailleurs, l'album dans son intégralité paraît s'accommoder des bruits de moteur et du roulement des pneus sur l'asphalte.
Avec ses trente-sept minutes (pile), ce troisième effort solo de Billy F Gibbons s'avale comme une friandise, et incite à se resservir. Ou comme une bonne pression, dans une grande chope, perlant d'une rafraîchissante condensation tranchée par un bras de mousse blanche dégoulinant doucement, servi dans une oasis, à l'ombre d'un Soleil impitoyable. 🍺 Cheers ! Rien de révolutionnaire, mais ça fait toujours du bien par où ça passe. A plus de 70 ans, William Frederick Gibbons demeure un maître du son. Du gros son, en dépit d'un jeu de cordes extra-light (sur certaines guitares, il monte un jeu de 07-38 (!). Les Rev. Willy's confectionnées par Dunlop, suivant une demande, ou un défi de Gibbons). Tout est dans les doigts.
"Hardware" rend hommage à Joe "Party" Hardy, décédé le 12 février 2019. L'indéfectible ingénieur du son du plus célèbre trio du Texas, depuis le multi-platine "Eliminator" (même en France, mais de "diamant" au Canada et aux USA). D'où le petit clin d'œil avec le hot-rod Ford 32 coupée de 1934 de la pochette (celui de 1982, d'Eliminator, est de 1933, avec un ch. de moins - la production a débuté en 1932 -) (1). Bien que la pochette se soit contentée d'un dessin, la voiture existe bel et bien. La chaîne CNBC lui a consacré quelques minutes. Le bloc moteur (un V8) est d'époque et l'habitacle est pour le moins spartiate, exempt d'insonorisation et de capitonnage. A croire qu'elle n'a pas été finalisée. Voiture solide et customisée, increvable, mais exempte de sophistications, à l'image de la musique de Billy Frederik Gibbons.
(1) C'était le modèle de prédilection de Clyde Barrow, du couple Bonnie & Clyde, qui estimait qu'aucune autre voiture sur le continent américain n'était aussi fiable et performante. Le V8 était donné pour dépasser les 110 kms/h. Une performance pour l'époque avec des boîtes de vitesses à trois rapports. Le moteur fut d'ailleurs utilisé par Ford pour d'autres modèles, avec quelques menues améliorations, notamment au niveau du carburateur, jusqu'en 1953.
Le barman du second clip n'est autre que Mike Forientino, l'un des trois producteurs - avec Billy et Matt Sorum -.
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