jeudi 17 juin 2021

LE CHAT QUI SNIFFAIT DE LA COLLE de Lilian Jackson Braun (1988) - par Nema M.


Sonia caresse Hector, le gros chat roux de leur logeuse, qui est venu se blottir sur ses genoux. Nema s’approche avec un gros pot de colle blanche, une colle de pâte un peu liquide, colle qu’elle utilise pour assembler au pinceau des grandes feuilles de papier de plans de ponts et autres bâtiments qu’elle adore dessiner. Une colle artisanale faite à partir de farine de blé. Sonia s’exclame :

- Je veux juste voir s’il aime l’odeur de colle…

Hector surpris par le geste de Nema alors qu’il ronronnait béatement, n’a pas du tout aimé. Il a donné un vigoureux coup de patte sur la main de Nema qui a envoyé valdinguer le pot de colle, qui s’est renversé sur le canapé…  Sonia éclate de rire :

- La prochaine fois, parfume la colle à l’huile de sardines, hi, hi, hi…
- Même pas drôle dit Nema catastrophée par la grosse tâche que cela va laisser sur le canapé.


Pourquoi Nema fait elle cette expérience à tout le moins étrange ? Tout simplement parce qu’elle vient de finir un roman policier de Lilian Jackson Braun intitulé « Le chat qui sniffait de la colle ». Oui, un chat particulier qui est en fait capable de bien des exploits pour guider son maître dans la résolution d’enquêtes criminelles. Comment, vous ne connaissez pas encore Lilian Jackson Braun et ses fameux romans dont les héros sont deux chats siamois, Ko Ko et Yom Yom, magnifiques chats de race très délicats et très gourmands qui appartiennent à Jim Qwilleran, dit Qwill ? Cette chronique est pour vous !

 

Départ pour les Etats-Unis, pour une province en apparence charmante, le comté de Moose (ne cherchez pas, c’est une région imaginaire). Ce comté est également appelé le Pays d’En Haut, une ancienne région de mines, bordée par un lac grand et tempêtueux (un peu comme le Michigan), si grand qu’on ne l’imagine pas nous en France, même si je vous garantis que les colères du lac Léman sont impressionnantes. Le coin est très mignon, vallonné, avec de petites bourgades aux noms délicieux comme Chipmunk, North Kennebeck, Sawdust City, Brrr (mais oui il y a un village qui s’appelle comme ça) et surtout Pickax, où s’est installé Qwil, l’homme le plus riche du comté, l’héritier de la fondation Klingenschoen. Nous sommes à 600 km au nord de tout.


Au nord du lac Michigan

Dans ce charmant comté, il est décidé de lancer un journal. C’est une idée d’Arch Riker qui en sera le rédacteur en chef. Arch et Qwill ont grandi ensemble dans les faubourgs de Chicago. Avant d’être un héritier fortuné, Qwill était journaliste… Que raconter dans un tel journal ? Des faits divers ? Brodie le shérif, vient souvent voir Qwill pour bavarder. Il est très agacé par des actes de vandalismes, par exemple l’incendie de la clinique dentaire, des saccages probablement commis par des voyous de ChipmunkQwill est un fouineur compulsif si je puis dire. Les enquêtes l’intéressent, mais il préfère pour alimenter le journal local écrire des chroniques sur les choses de la vie, l’histoire des gens du coin, des anecdotes… Sa première chronique pour ce journal (dont le nom sera « Quelque chose du comté de Moose ») portera sur un bouquiniste, Edd. Ce dernier n’est pas seulement bouquiniste : il relie ou répare à l’ancienne de vieux ouvrages, en fabriquant lui-même sa colle, il entretient des bibliothèques privées. Dans les projets de chronique, Qwill envisage également le récit de la représentation d’une pièce de théâtre qui devrait être jouée prochainement par la troupe d’amateurs pilotée par Fran.


Le parfum des vielles reliures

Et survient un double meurtre qui va faire la Une du premier numéro du journal. Deux coups des carabines, deux cadavres, Belle et Harvey Witch, dans la grande villa des Witch. Il faut dire que tout le monde a une arme dans le coin. Soit pour chasser, soit pour se protéger, soit parce qu’on est aux Etats-Unis et donc c’est tout à fait normal. Même Polly, la copine bibliothécaire de Qwill, a un révolver. Harvey et son frère David faisaient partie de la troupe de théâtre. Ce sont les fils du banquier Witch, famille très honorable de la ville. Il y avait eu une soirée chez Qwill peu de temps avant et Ko Ko avait pu faire connaissance de ces deux frères. Qwill constate que Ko Ko se prend d’une certaine passion pour la colle (il adore lécher les timbres qui ne sont pas encore autocollants à l’époque) et également pour un tableau représentant un bateau. Curieusement le chat du bouquiniste aime aussi beaucoup renifler la colle de reliure. Brodie a entendu parler de Ko Ko et de sa contribution à la résolution d’enquêtes criminelles. Il demande carrément à Qwill de lancer Ko Ko à la recherche du meurtrier ! Mais cela ne marche pas tout à fait comme ça. Toutefois, par petites touches successives, Qwill en interrogeant à droite et à gauche, et en regardant de près le comportement de ce fameux chat qui renifle plus particulièrement certains livres reliés, finira par trouver qui et pourquoi ce jeune couple a été assassiné.

 

L’atmosphère de cette région de province profonde est très bien rendue. Par exemple, les célibataires aiment se retrouver dans une gargote comme l’hôtel Booze (ce qui signifiait au XVème siècle « prendre un verre entre amis », on traduirait plutôt par « beuverie » aujourd’hui) où l’on sert le meilleur hamburger du comté sur des tables en bois patiné. Ou encore, on bavarde en douce sur les uns ou les autres, un tel a disparu pendant un an, mais où était-il ? Voyage au tour du monde ou séjour en prison…
Enfin, le lac et les promenades en bateaux sont également très intéressantes pour se faire des confidences. Et puis il y a des petits jeux de séduction pour conquérir le cœur de Qwill, célibataire d’une cinquantaine d’année aux moustaches bien fournies. C’est totalement charmant et désuet. Au XXIème siècle, trois clics sur internet et hop ! emballé, c’est pesé…


Lilian Jackson Braun est née en 1913. Elle est décédée en 2008. Lilian Jackson Braun nous laisse 30 romans policiers avec les chats siamois. Les enquêtes sont toujours très bien amenées et permettent au lecteur d’être tenu en haleine jusqu’au bout. Il n’y a pas de violence mais beaucoup de subtilité dans la description des comportements (dont ceux de Qwill qui ne sait pas très bien où il en est avec Polly). 

 

Miaou, Miaaaou ! (Bonne lecture ! en langage chat)

 

18/18 Grands détectives

254 pages 

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