Sonia caresse Hector, le gros chat roux de leur logeuse, qui est venu se
blottir sur ses genoux. Nema s’approche avec un gros pot de colle blanche,
une colle de pâte un peu liquide, colle qu’elle utilise pour assembler au
pinceau des grandes feuilles de papier de plans de ponts et autres bâtiments
qu’elle adore dessiner. Une colle artisanale faite à partir de farine de
blé. Sonia s’exclame :
- Je veux juste voir s’il aime l’odeur de colle…
Hector surpris par le geste de Nema alors qu’il ronronnait béatement, n’a
pas du tout aimé. Il a donné un vigoureux coup de patte sur la main de Nema
qui a envoyé valdinguer le pot de colle, qui s’est renversé sur le
canapé… Sonia éclate de rire :
- La prochaine fois, parfume la colle à l’huile de sardines, hi, hi,
hi…
- Même pas drôle dit Nema catastrophée par la grosse tâche que cela va
laisser sur le canapé.
Pourquoi Nema fait elle cette expérience à tout le moins étrange ? Tout
simplement parce qu’elle vient de finir un roman policier de
Lilian Jackson Braun intitulé «
Le chat qui sniffait de la colle
». Oui, un chat particulier qui est en fait capable de bien des exploits
pour guider son maître dans la résolution d’enquêtes criminelles. Comment,
vous ne connaissez pas encore Lilian Jackson Braun et ses fameux
romans dont les héros sont deux chats siamois,
Ko Ko et
Yom Yom, magnifiques chats de race très délicats et très gourmands qui
appartiennent à Jim Qwilleran, dit Qwill ? Cette chronique
est pour vous !
Départ pour les Etats-Unis, pour une province en apparence charmante, le
comté de Moose (ne cherchez pas, c’est une région imaginaire). Ce comté est
également appelé le Pays d’En Haut, une ancienne région de mines, bordée par
un lac grand et tempêtueux (un peu comme le Michigan), si grand qu’on ne
l’imagine pas nous en France, même si je vous garantis que les colères du
lac Léman sont impressionnantes. Le coin est très mignon, vallonné, avec de
petites bourgades aux noms délicieux comme
Chipmunk,
North Kennebeck,
Sawdust City,
Brrr
(mais oui il y a un village qui s’appelle comme ça) et surtout Pickax, où
s’est installé Qwil, l’homme le plus riche du comté, l’héritier de la fondation
Klingenschoen. Nous sommes à 600 km au nord de tout.
Au nord du lac Michigan |
Dans ce charmant comté, il est décidé de lancer un journal. C’est une idée
d’Arch Riker qui en sera le
rédacteur en chef. Arch et
Qwill ont grandi ensemble dans
les faubourgs de Chicago. Avant d’être un héritier fortuné,
Qwill était journaliste… Que
raconter dans un tel journal ? Des faits divers ?
Brodie le shérif, vient souvent
voir Qwill pour bavarder. Il est
très agacé par des actes de vandalismes, par exemple l’incendie de la
clinique dentaire, des saccages probablement commis par des voyous de
Chipmunk. Qwill est un fouineur
compulsif si je puis dire. Les enquêtes l’intéressent, mais il préfère pour
alimenter le journal local écrire des chroniques sur les choses de la vie,
l’histoire des gens du coin, des anecdotes… Sa première chronique pour ce
journal (dont le nom sera «
Quelque chose du comté de Moose
») portera sur un bouquiniste,
Edd. Ce dernier n’est pas seulement bouquiniste : il relie ou répare à
l’ancienne de vieux ouvrages, en fabriquant lui-même sa colle, il entretient
des bibliothèques privées. Dans les projets de chronique,
Qwill envisage également le
récit de la représentation d’une pièce de théâtre qui devrait être jouée
prochainement par la troupe d’amateurs pilotée par
Fran.
Le parfum des vielles reliures |
Et survient un double meurtre qui va faire la Une du premier numéro du
journal. Deux coups des carabines, deux cadavres,
Belle et
Harvey Witch, dans la grande villa des Witch. Il faut dire que tout le monde a une arme dans le coin. Soit pour
chasser, soit pour se protéger, soit parce qu’on est aux Etats-Unis et donc
c’est tout à fait normal. Même
Polly, la copine bibliothécaire de
Qwill, a un révolver. Harvey et son
frère David faisaient partie de
la troupe de théâtre. Ce sont les fils du banquier
Witch, famille très honorable de la ville. Il y avait eu une soirée chez
Qwill peu de temps avant et
Ko Ko avait pu faire
connaissance de ces deux frères.
Qwill constate que
Ko Ko se prend d’une certaine
passion pour la colle (il adore lécher les timbres qui ne sont pas encore
autocollants à l’époque) et également pour un tableau représentant un
bateau. Curieusement le chat du bouquiniste aime aussi beaucoup renifler la
colle de reliure. Brodie a
entendu parler de Ko Ko et de sa
contribution à la résolution d’enquêtes criminelles. Il demande carrément à
Qwill de lancer
Ko Ko à la recherche du
meurtrier ! Mais cela ne marche pas tout à fait comme ça. Toutefois, par
petites touches successives,
Qwill en interrogeant à droite
et à gauche, et en regardant de près le comportement de ce fameux chat qui
renifle plus particulièrement certains livres reliés, finira par trouver qui
et pourquoi ce jeune couple a été assassiné.
L’atmosphère de cette région de province profonde est très bien rendue. Par
exemple, les célibataires aiment se retrouver dans une gargote comme l’hôtel
Booze (ce qui signifiait au XVème siècle «
prendre un verre entre amis
», on traduirait plutôt par «
beuverie
» aujourd’hui) où l’on sert le meilleur hamburger du comté sur des tables en
bois patiné. Ou encore, on bavarde en douce sur les uns ou les autres, un
tel a disparu pendant un an, mais où était-il ? Voyage au tour du monde ou
séjour en prison…
Enfin, le lac et les promenades en bateaux sont également très intéressantes
pour se faire des confidences. Et puis il y a des petits jeux de séduction
pour conquérir le cœur de Qwill, célibataire d’une cinquantaine d’année aux moustaches bien fournies.
C’est totalement charmant et désuet. Au XXIème siècle, trois
clics sur internet et hop ! emballé, c’est pesé…
Lilian Jackson Braun
est née en 1913. Elle est décédée en 2008.
Lilian Jackson Braun nous laisse 30 romans policiers avec les chats
siamois. Les enquêtes sont toujours très bien amenées et permettent au
lecteur d’être tenu en haleine jusqu’au bout. Il n’y a pas de violence mais
beaucoup de subtilité dans la description des comportements (dont ceux de
Qwill qui ne sait pas très bien
où il en est avec Polly).
Miaou, Miaaaou ! (Bonne lecture ! en langage chat)
18/18 Grands détectives
254 pages
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