mercredi 30 octobre 2019

ZZ TOP "ZZ Top's First Album" (1971)



     Voilà bien des années que ZZ-Top fait partie des institutions connues internationalement. Même si, en comparaison des années 80, sa renommée a un peu diminué ces dernières années, il demeure le plus célèbre groupe de Hard-boogie-blues au monde. Le patronyme est même connu de personnes n'ayant rien à cirer de la musique. Cependant - injustement - pour beaucoup de gens, l'histoire du trio ne débute vraiment que dans les années 80 ; notamment grâce à l'explosion interplanétaire causée par leurs nombreux clips largement diffusés par MTV. Chaîne qui a beaucoup œuvré pour le Rock (du plus sec au plus dur), à l'époque où elle n'était pas encore menottée par une certaine administration bien pensante, ni corrompue par les gros labels.
 

   Une bonne partie de curieux et d'amateurs de Rock 70's pousse l'exploration jusqu'à "Tres Hombres", l'album de 1973 qui a été le premier à envoyer en orbite le groupe avec le méga-hit intemporel puisé dans le matériel de John Lee Hooker, "La Grange". Galette également riche des formidables "Jesus Just Left Chicago", "Waitin' For The Bus" et "Beer Drinkers and Hellraisers" ; un trio gagnant qui est encore régulièrement joué sur scène. Et la suite
 n'est pas en reste. Un album carrément à l'image d'un "Best of". 
D'accord ! Mais avant ? Trop nombreux sont encore ceux qui croient que cela fait partie de la préhistoire, ou du moins de disques de rodage qui ne valent pas nécessairement que l'on s'y attarde. Quelle erreur ! Mais [p***** censuré de ****e], quelle grossière erreur. Et d'ailleurs, pour information, ce n'est pas sans raison qu'avant la mutation de 1983 (à l'époque, une date synonyme de trahison pour beaucoup d'aficionados des débuts), il y avait toujours une bonne poignée d'irréductibles qui ne jurait que par les deux premiers disques. Ou par les trois premiers.
Écrivons-le tout de go, avec leur premier essai, et ce donc dès 1971, ces futurs ambassadeurs du Texas allaient graver dans le marbre les tables de la loi d'un Blues-rock d'obédience Heavy.

     Pour les sceptiques, il faut savoir qu'en terme de rodage, les lascars avaient consciencieusement fait leurs classes lors de la décennie précédente. Frank Lee Beard, le batteur, et Dusty Hill, bassiste et chanteur, jouaient ensemble au sein d'American Blues (avec Rocky Hill, le frère de Dusty). Groupe texan formé en 1966 et auteur de deux 33 tours en 1967 et 1968. Bien peu de rapport avec le Blues, il s'agit plutôt de Rock Garage autant imprégné de psychédélisme que de Pop. Néanmoins, déjà, le jeu ferme, intense et en synergie de l'inébranlable section rythmique se distingue. C'est même carrément la partie la plus intéressante de cet American Blues qui n'est parvenu à garder une trace dans l'histoire que grâce à la présence de Beard et Hill
De son côté, William Frederick "Billy" Gibbons, lui, avait même déjà goûté à un humble succès avec les Moving Sidewalk et leur petit hit, "99th Floor", qui leur ouvrit quelques portes. Notamment celle d'avoir l'occasion de jouer la première partie de Jimi Hendrix. Ce dernier ne manqua pas de remarquer le potentiel de Gibbons (qui n'a alors que 17 ans). Tous deux sympathisent et écoutent des disques ensemble, essayant parfois de les déchiffrer (notamment le 1er album de Jeff Beck, "Truth"). Hendrix  offre une Fender Stratocaster rose des années 50. Volée, il parviendra à lui remette la main dessus.

     Lorsque les Moving Sidewalks sont amputés de deux de leurs membres appelés sous les drapeaux, les rescapés, Gibbons et le batteur, embauchent un nouveau bassiste et abandonnent le psychédélisme pour se recentrer sur le Blues. Le 20 juin 1969, Billy Gibbons dépose le label "ZZ-Top".

Insatisfait du dernier arrivé, Gibbons, conseillé par son ami Jimmie Vaughan, déniche un nouveau bassiste en remplacement. Le dernier rentré, à son tour, le branche sur Frank Beard. Enfin, ce dernier va chercher son ami Joe Michael "Dusty" Hill (qui accompagnait alors sur scène Lightning Hopkins) pour lui parler de son nouveau groupe et lui proposer de passer une audition. Une osmose se crée rapidement et tous trois jamment ensemble trois heures sans discontinuer. Une symbiose immédiate et d'autant plus aisée que la section rythmique avait eu trois ans pour prendre ses marques, affûter et consolider sa synergie. Ainsi, la version définitive, inchangée depuis maintenant cinquante ans, se fige vers la fin de l'an 1969. 
Bill Ham, le manager historique, déjà en place depuis les premières heures, les fait immédiatement enregistrer un 45 tours ("Salt Lick" / "Miller's Farm") ; bien moins pour le proposer aux radios que pour avoir un support à présenter aux labels. Toutefois, sans rien faire de particulier pour cela, sans promotion, cet acétate devient un premier succès régional.

   Bill Ham a beau se démener, le trio n'intéresse guère les majors, et ne trouve grâce qu'auprès de London Records (la branche américaine de Decca Records). Cependant, pour le trio c'est l'opportunité de signer avec le même label que celui des Rolling Stones. 
La petite bande travaille d'arrache pied quand Billy Gibbons s'éclipse. Il part seul pour un périple de trois semaines passant par l'Inde, le Népal et le Tibet. Il restera toujours discret sur la teneur de ce voyage impromptu. (Serait-il parti à la recherche des mystères d'une antique sagesse ? Ou bien du secret des notes et des tonalités hypnotiques, aptes à séduire l'auditeur ? Ou encore de la Fuzz magique ?). A son retour, le trio est mu par une nouvelle énergie qui va leur permettre de rallier rapidement à leur cause l'un des plus vastes état américain.
Le 10 février 1970, ZZ-Top entame une tournée qui prend d'assaut le Texas, en débutant par Beaumont, au Knights of Columbus Hall, avant de vider ses dernières cartouches sur la Louisiane (à eux deux, ces états englobent n'importe quel pays d'Europe, à l'exception de la Russie occidentale). 
Aux dires de Billy Gibbons, pour leur premier concert de l'année 1970, dans un club près d'Houston, il n'y aurait eu qu'une personne à assister à leur prestation. Le groupe lui aurait payé une boisson et aurait continué son set comme si de rien n'était. Info ou intox ?
Affûté par une tournée de plusieurs mois en mode conquête, la formation rentre en studio (à Tyler, Texas, aux studios Robin Hood ... et non en Angleterre comme cela a été si souvent écrit) avec la rage au ventre, le couteau entre les dents..


     Si la pochette de ce premier essai annonce le virage d'un retour aux sources, retour vers quelque chose de nettement rurale et austère - le psychédélisme qui a baigné les trois musiciens n'est plus qu'un lointain souvenir - jamais on ne soupçonnerait la déflagration de Blues bitumeux qu'elle recèle.

   D'entrée, "(Somebody Else Been) Shaking Your Tree" bouscule les convenances en accaparant le son gargantuesque de la Gibson d'un Jimmy Page, ou d'un Leslie West, pour servir de composant à l'argile magique composant ce torride et viscéral Boogie. Et pour en atténuer l'incandescence, un leitmotiv maniéré Country à la steel-guitar est intercalé. Ce qui aurait pu être contre-nature devient, avec ces trois lascars, une évidence. Il en ressort une délicieuse modernité qui, bien loin de toutes connotations synthétiques, élargit le champ de vision du Blues.

"Brown Sugar" confirme l'indéfectible attachement du trio au Blues, mais, plutôt que de le restituer tel quel, comme un respectueux exercice d'école, il est malaxé, pétri, broyé et régurgité avec de nouvelles couleurs plus en phase avec une société industrialisée. Bien plus en phase avec le bitume qu'avec la terre. Même si le Delta Blues - et le Texas-blues - laissera à jamais sa marque indélébile.
"Brown Sugar" se caractérise par deux parties bien distinctes. La première est assurée par Gibbons seul, juste secondé par sa Les Paul qui répond avec véhémence à son chant. Chant dont les paroles détournent ce que l'on pourrait appeler un gospel pour en faire une ode au sucre brun. La seconde ébranle les murs avec la section rythmique qui, contrariée d'avoir dû ronger son frein, déboule comme des morts de faim dans une furie Boogie, lourde et limite oppressante. Une charge apte à tenir tête à tous les groupes de British-blues.

Tandis que la pulsation de "Squank", évoluant dans un Funk moite et fébrile, exsude une vibration Hendrixienne", Goin' Down to Mexico" dévoile l'influence marquante de la puissance de Leslie West et de son groupe Mountain, particulièrement dans le break fiévreux. Inspiration que l'on retrouve sur "Backdoor Love Affair", futur cheval de bataille en concert, dont l'utilisation insistante de la corde de La à vide, pour créer une résonance donnant plus de poids aux riffs, préfigure des licks dont raffole et abuse Nugent (entre autres), et un trait de caractère (usé jusqu'à la corde) du Heavy-Metal à venir.
Ascendance aussi sur le solo du Hard-blues "Neighbor, Neighbor" ; morceau moins marquant en regard de la vague précédente, peut-être un poil trop court aussi, néanmoins, il représente bien la cohésion du trio avec notamment Beard qui parvient à coller ses patterns sur un riff hoquetant tout en injectant un groove de cheval-à-vapeur. "Certified Blues" continue sur lancée et confirme les intentions de ses desperados. En effet, outre des accords et des paroles typiques, s'il y a bien du Blues dans cette pièce, c'est dans une forme recyclée. D'une certaine façon, c'est en concordance avec la seconde passion des belligérants. Celle des hot-rods, consistant à récupérer de vieilles et solides caisses aux formes séduisantes pour les restaurer en prenant soin de placer sous le capot un puissant V6 ou autres moteurs de muscle-car.
Tout comme pour le pesant "Bedroom Thang" doté d'un riff typiquement Blues mais en mode bulldozer, ainsi que d'un break et d'un coda - relativement long, mais d'autant plus bon - en machine de guerre.

 Bien souvent, le trio texan est catalogué dans le Southern-rock. Classement hâtif et plutôt galvaudé qui demeure un sujet de discorde. Cependant, "Old Man" recèle bien des critères propre au genre, notamment si l'on se réfère aux ballades désabusées de Lynyrd Skynyrd.


"Just Come Back From Baby's" prouve bien que le décrié "Rough Boy" (hit tiré du contesté et sur-produit "Afterburner" de 1985) n'était pas, à proprement parler, une concession, ou un abandon à l'appât du gain, puisque les ballades sentimentales, bien que fort minoritaires, faisaient déjà partie de leur paysage. D'ailleurs, mine de rien, l'approche de ce morceau est assez novateur.

     Dès son premier fait, un haut fait d'arme, ZZ Top déboule et rue dans les brancards avec un son velu, gras, âpre, agressif mais patiné, soit rien qui ne vrille le cerveau. Ça respire la Gibson branchée dans un Marshall et légèrement boostée par une Fuzz. La basse ronflante atténuant parfois les aspérités tout en rajoutant du poids et de la consistance au groupe. Un son qui évoque les effluves de cambouis et de carburant, de bières et de sueur imprégnant les clubs du chitlin' circuit ou de bikers.

La pochette :
     Dès le premier disque, Billy Gibbons rend hommage à une guitare qui va le suivre pendant bien des années, et gagner ses titres de noblesse jusqu'à en faire une des guitares électriques les plus célèbres du siècle. Il s'agit de sa favorite, la fameuse Pearly Gates. 🙌🙆🙏
Au milieu de cette pochette sobre et austère, d'un jaune passé et décrépi, trône une Gibson Les Paul de 1959. Elle a hérité du surnom que Billy et une de ses amies avaient auparavant donné à une voiture, une Packard 1936, pour la simple raison que c'est avec les deniers de la vente de la dite voiture que Billy a pu s'offrir cette inestimable guitare. En effet, Gibbons avait prêté sa voiture à cette amie pour qu'elle puisse se présenter à une audition à Hollywood. Elle obtint le rôle et, ensemble, ils baptisent la voiture "Pearly Gates" (Porte de nacre), comme si elle avait une connexion divine. L'amie garde la voiture et six mois plus tard la vend et renvoie un chèque à Billy dans le courant de l'an 1968. Ça tombe plutôt bien car il venait juste de trouver cette emblématique guitare qui dormait alors dans une ferme, au large d'Houston, rangée sous un lit. Avertissant son amie de son acquisition, cette dernière lui conseille de reprendre le surnom de "Pearly Gates" pour sa nouvelle guitare : "parce que je suis certaine que tu en joueras divinement". 

  1. (Somebody Else Been) Shakin' Your Tree – 2:32 - (Gibbons)
  2. Brown Sugar – 5:22 - (Gibbons)
  3. Squank – 2:46  - (Gibbons, Hill, Bill Ham) - [chant Dusty Hill]
  4. Goin' Down To Mexico – 3:26  -  (Gibbons, Hill, Ham) - [chant Dusty Hill]
  5. Old Man  – 3:23 -  (Gibbons, Hill, Ham
  6. Neighbor, Neighbor – 2:18 - (Gibbons)
  7. Certified Blues  – 3:25 -  (Gibbons, Hill, Ham
  8. Bedroom Thang – 4:37 - (Gibbons)
  9. Just Got Back From Baby's  – 4:07 - (Gibbons, Ham
  10. Backdoor Love Affair  – 3:20 - (Gibbons, Ham





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